«En 2028, on dira peut-être d'un cinéaste qu'il est dolanien.» C'était dans L'Express de cette semaine à l'occasion de la sortie en France du film Tom à la ferme.

Le journaliste, visiblement ébloui par ce quatrième film de Xavier Dolan, n'a d'ailleurs pas hésité à titrer «Dolan, digne successeur de Hitchcock et Bergman».

Précisons cependant qu'il y avait un point d'interrogation à la fin du titre, comme si cette comparaison avec les grands maîtres du cinéma n'était pas tout à fait gagnée, mais que, tout de même, elle était déjà diablement bien engagée.

«Dolanien»: à 25 ans, avec cinq films à son actif, Xavier Dolan est déjà ce cinéaste dont on est convaincu qu'il laissera sa marque et rejoindra les immortels du cinéma. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'il se retrouve en compétition officielle au Festival de Cannes avec Mommy, cette fable campée dans un Canada fictif où l'on peut abandonner ses enfants et où une mère hérite de la garde à temps plein d'un fils aux prises avec de sérieux problèmes de comportement.

Rien qu'en prenant connaissance du résumé du film, je sais qu'il me plaît déjà. Notamment parce que dans mon esprit, ce film ressemble à la suite baroque de J'ai tué ma mère, un long métrage qui m'a jetée par terre, émue, touchée et fait verser toutes les larmes de mon corps de mère.

Notez que je n'ai plus vécu ce débordement d'enthousiasme ni ce déluge d'émotions pour les trois autres films de Xavier Dolan, que je n'ai pas aimés pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons qui n'ont rien à voir avec le cinéaste extrêmement habile et talentueux qu'est Dolan, et tout à voir avec sa précocité.

Il y avait dans J'ai tué ma mère le cri du coeur sincère et déchirant d'un jeune cinéaste qui se mettait au monde en parlant de la chose la plus profonde et peut-être la seule chose qu'il connaissait intimement: sa relation avec sa mère.

À ce moment précis de sa courte et jeune vie, Xavier Dolan avait cette chose-là à dire au monde, et il l'a dite magistralement. Le succès que le film a connu tant au Québec qu'à l'étranger n'a pas été le fruit du hasard ou d'une habile campagne de marketing. Ce film-là était un grand film sur un sujet universel qui n'a laissé personne insensible.

Mais comme le jeune Xavier était impatient, impétueux, pressé d'exister à nouveau ou peut-être paniqué à l'idée de disparaître après avoir brillé trop brièvement, il est revenu à la charge avec un film, puis un autre, puis un autre, se perdant dans une frénésie de production qui, à mes yeux, du moins, a fini par tourner à vide.

Sur les plans visuel, esthétique, plastique, ces autres films étaient des réussites. Mais ils ressemblaient à des exercices de style plutôt qu'à des oeuvres surgies du coeur de leur auteur, même si ce dernier a probablement mis tout son coeur et son énergie pour les réaliser.

Il n'en demeure pas moins qu'avec ces films, Xavier Dolan n'avait pas grand-chose à nous dire et à nous offrir. Et c'est normal. On a beau être un petit génie de 25 ans, cela ne fait pas de nous un être humain qui a beaucoup vécu et qui a une grande connaissance de l'humanité et de la condition humaine. Dolan en était le premier conscient lorsqu'il a annoncé qu'il prenait une pause pour aller étudier l'histoire de l'art à McGill et vivre une jeunesse qui a fini par lui échapper.

Évidemment, l'invitation à Cannes - qui est une consécration en soi - vient brouiller les cartes. J'espère que Dolan va en profiter, mais qu'il ne perdra pas de vue que pour faire des films, il faut vivre et vivre encore. J'espère aussi qu'il ne fantasmera pas trop sur cette foutue Palme d'or dont il pourrait être le plus jeune lauréat après Steven Soderbergh, qui l'a eue à 26 ans.

J'étais à Cannes, l'année où Soderbergh est reparti avec la Palme d'or. Je me souviens encore de son discours ému et du coup de chapeau qu'il a fait à Denys Arcand qui, disait-il, était une inspiration. C'était il y a 25 ans. Xavier Dolan venait à peine de naître.

Si tout cela ne faisait pas partie des hasards, des ironies et des fatalités de la vie, je dirais que nous sommes dans un film: un film dolanien.

On en parle trop



Des compressions à Radio-Canada. Mais pas assez du fait que c'est la CBC qui va mal, et non Radio-Canada. Pourquoi Radio-Canada subirait-elle les mêmes compressions que son homologue anglo alors qu'elle est nettement plus rentable? C'est la question à un million à laquelle ne répond jamais Hubert Lacroix.

On n'en parle pas assez

Du départ du très talentueux designer de mode Helmer, qui retourne à Paris. Après sept années à confectionner des robes sublimes et à essayer de rayonner dans une ville où le design de mode ne cesse de perdre des plumes et où la haute couture n'existe pas, il retourne vivre et travailler à Paris. Dommage. Une grande perte pour Montréal.