C'est l'histoire de deux scénaristes qui ont écrit une série nulle, invraisemblable, pas subtile pour deux sous, un gros ramassis de clichés, bourré de faussetés, de grossièretés et de rebondissements bidon. La série a essuyé des critiques calamiteuses dans pratiquement tous les médias. Mais va savoir pourquoi, le grand public a adoré ça. Mieux encore, le grand public en redemande, obligeant les deux scénaristes mortifiés et honteux de pondre, à leur corps défendant, une deuxième saison.

Voilà en gros la prémisse de Série noire, la délicieuse nouvelle série de Radio-Canada, créée par le duo François Létourneau et Jean-François Rivard, à qui l'on doit Les invincibles.

Malheureusement, malgré l'originalité savoureuse, l'imagination délirante et l'intelligence du propos, Série noire a connu des débuts difficiles et des cotes d'écoute de seulement 480 000 téléspectateurs.

Ironiquement, lundi exactement à la même heure, le réseau TVA présentait une série qui aurait pu être écrite par les deux larrons de Série noire et qui représente tout ce qu'ils honnissent en télé. Je parle évidemment des Jeunes loups, dernier opus de notre Réjean national, qui se déroule dans une salle de rédaction aujourd'hui. Quelqu'un me faisait remarquer que la série ressemblait à une série des années 90. J'ai trouvé la remarque généreuse. Moi, je pensais plus aux années 50...

J'exagère, évidemment. N'empêche.

Avec ses clichés à la pelle, ses scènes de cul ringardes et ses répliques en forme de pancartes rédigées pour un discours à la Chambre de commerce sur les nouveaux défis de l'information, Les jeunes loups ne pèche pas par excès de subtilité. Par moments, la série est accrocheuse et captivante, mais le plus souvent, c'est racoleur et gros comme un camion ou comme la super-poutre du pont Champlain. Mais le public a adoré ça. Les cotes d'écoute de 1,5 million - un gros million de plus que Série noire - le prouvent amplement.

Loin de moi l'intention de juger les téléspectateurs qui ont pris plaisir à découvrir les intrigues et les personnages des Jeunes loups. Tous les goûts sont dans la nature, y compris en télé. Sans compter que la programmation le même soir de deux produits diamétralement opposés témoigne de la belle diversité de la télé québécoise.

Il n'en demeure pas moins que la télé évolue, encore, sinon plus vite, que les médias d'information. Pour peu qu'on regarde les chaînes américaines ou qu'on s'abonne à Netflix, on y trouve des séries audacieuses, originales, extraordinairement écrites, dont certaines, comme The Newsroom, qui traitent aussi du journalisme. Or, peu importe le sujet, toutes participent d'une sorte d'âge d'or télévisuel.

Série noire s'inscrit dans cette nouvelle vague par son originalité et son rejet des conventions. Les jeunes loups? Pas une minute. C'est le plus grand reproche que j'adresserais à Réjean Tremblay qui, en 1986 avec Lance et compte, a quand même déclenché une petite révolution dans le monde de la télé chez nous. Il a poursuivi dans la même veine avec Scoop et Urgence, coécrits avec Fabienne Larouche. Presque 30 ans plus tard, c'est un peu décevant de le voir répéter ses vieilles recettes sans chercher à les améliorer et sans tenir compte de l'évolution du médium pour lequel il écrit. La game a changé, Réjean! Le savais-tu?

Je concède qu'il y a un public pour Les jeunes loups: un très large public même. Reste que pour la santé générale de notre télévision, je préfère encourager une série comme Série noire, qui, dès le premier épisode, nous entraîne sur un terrain nouveau, intrigant et déstabilisant où les trouvailles abondent. Comme ce narrateur tout-puissant et invisible dont la voix appartient à nul autre que Bernard Derome, ou ses parodies de séries d'action dopées aux stéroïdes. Mais le grand charme de Série noire, c'est que s'y révèle en filigrane une critique en bonne et due forme de la télévision. Et ça, c'est toujours rafraîchissant.

En télévision comme en bouffe, on a le choix. C'est le personnage du journaliste coureur de jupons des Jeunes loups qui nous le rappelle: j'aime mieux manger au resto tous les soirs que toujours la même chose à la maison, dit-il. Il a bien raison. Entre la recette facile routinière et la découverte de nouvelles frontières, le choix, pour moi aussi, va de soi.

ON EN PARLE BEAUCOUP

Des Oscars, et c'est normal. C'est la cérémonie de remise de prix la plus prestigieuse du monde du cinéma. Au Canada anglais en 2013, plus de 6 millions de Canadiens ont regardé la cérémonie. Au Québec? Seulement 526 000 personnes. À croire que les Oscars sont diffusés le même soir que la Poule (aux oeufs d'or). Ce n'est pas le cas.

ON N'EN PARLE PAS

De l'avenir des Productions J au sein du Groupe TVA. On ne veut surtout pas se mêler de la vie privée de Julie Snyder et de PKP, mais qu'on le veuille ou non, la fin de leur couple est aussi une affaire d'enjeux économiques et d'intérêts financiers au sein du paysage télévisuel québécois. Pourquoi un silence aussi assourdissant à ce sujet?