C'est facile d'élire des papes. Je ne parle pas DU pape, mais de toutes les personnalités que nous élisons à la fin de l'année. Facile de trouver les meilleurs élèves qui ont le mieux réussi et qui ont accumulé le plus de succès et de médailles. C'est ce que nous avons fait dans le cahier des arts. Nous avons passé en revue tous les créateurs en culture qui ont brillé plus fort que les autres et nous les avons couronnés.

Je n'ai pas participé au choix de la liste définitive, mais je l'approuve entièrement. Je me réjouis particulièrement de la large place accordée au cinéma et aux cinéastes. Même si, localement, notre cinéma a peiné à faire courir les foules, à l'échelle internationale, ce fut le Pérou. Il y a 20 ans, un réalisateur québécois qui voulait faire carrière à Hollywood rêvait en couleurs. Quelques-uns ont tenté l'aventure et s'y sont cassé les dents. Or, cette année, quatre cinéastes de chez nous ont tourné des films à gros ou petits budgets chez nos voisins américains. Et, miracle, les projets qu'ils ont entrepris n'étaient pas des restes de table refusés par tous les grands réalisateurs américains. Que non! C'était d'excellents scénarios, difficiles, mais fascinants, preuve de la confiance grandissante que les producteurs américains accordent aux nôtres.

Reste que si j'avais à dresser la liste de ceux qui ont le plus brillé à mes yeux en 2013, j'irais vers des figures moins connues du grand public. Je choisirais ceux qui attendent dans les coulisses de la papauté et qui sont en train de créer et de construire la culture québécoise de demain. Je pense notamment à Louis Karl Tremblay et à sa compagnie Théâtre Point d'orgue qui se sont lancés en avril, dans un projet de fou: Les Atrides. Réunir 26 comédiens, 7 musiciens et 5 tragédies grecques pour un spectacle de 3h40 dans une église, était un pari risqué qui risquait plus de rater que de réussir. Pourtant, ce fut un des spectacles les plus emballants qu'il m'a été donné de voir et de vivre cette année. Dans la même veine, j'accorde une belle étoile à Marie Brassard, cette formidable comédienne tellement exquise de perversité dans Vic et Flo ont vu un ours. Cette année, en plus, elle a signé avec brio à l'Espace la mise en scène de La fureur de ce que je pense: un collage troublant et douloureux de textes de Nelly Arcan.

En théâtre toujours, Angela Konrad a revisité avec sensibilité et originalité à l'Usine C, La cerisaie de Tchekov, en exploitant à fond le talent trop méconnu de la fabuleuse comédienne qu'est Dominique Quesnel. Cette metteure en scène allemande établie chez nous est un nom à suivre, tout comme Christian Lapointe, ce fou de théâtre qui ne fait jamais rien comme les autres, comme en témoignait Oxygène, ce délire politico-trash russe, déployé au Prospero entre des tables en résine de synthèse et la tente louée pour un mariage.

En danse, impossible de passer sous silence la performance au FTA de Louise Lecavalier dans So blue, sa première vraie chorégraphie. Louise est une papesse depuis longtemps, mais qui a gardé la pureté, la fougue et l'émerveillement d'une débutante.

Le monde des arts visuels n'a jamais été aussi effervescent que cette année. Des dizaines d'artistes tous plus intéressants les uns que les autres ont fait éclater leur talent dans les galeries, expos, musées et centres d'arts. Parmi ceux-là, je retiens le nom de Nicolas Baier, génie de la photo numérisée et de l'imprimante 3D. Obsédé par l'effet des miroirs, il a signé la magnifique oeuvre commémorative au pied de la Place Ville-Marie qui reproduit sous un cube en plexi une salle de réunion coulée dans l'inox. Lui aussi qui à partir d'une centaine de vieux miroirs, a créé une oeuvre miroir numérisée pour la nouvelle aile du musée Pointe-à-Callière.

Cette année comme tous les ans, j'ai vu des dizaines de spectacles. Dans ma mémoire vacillante, ils se confondent un peu tous, sauf Vous êtes libre. Pour cette carte blanche à la Cinquième Salle de la PdA, Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette ont uni leurs talents pour nous offrir une virée poétique et musicale d'une grande tendresse et d'une infinie humanité. Avec deux jeunes aussi talentueux qu'eux, l'avenir de la création ici est entre bonnes mains.

JE NE VOUS SOUHAITE PAS

Des Fêtes faites de couraillage, de magasinage, d'embouteillages, de stress, de dettes, de froids sibériens, de batteries déchargées, d'essuie-glaces gelés, de textos frénétiques et de manque de temps.

JE VOUS SOUHAITE

De la neige douce et folle, de la chaleur intérieure, des soupers délicieux, des amis, de l'amour, de l'humour, de l'émerveillement, de la bonne musique, des cadeaux ou pas de cadeaux et la preuve répétée tous les jours, pendant cette trêve, que le bonheur sur terre existe. Joyeuses Fêtes!