Beaucoup de gens adorent Véronique Cloutier. Beaucoup la détestent aussi. Et si ça se trouve, pour la même raison: la providence. Celle-ci a en effet été très généreuse avec Véro et semble lui avoir tout donné: jolie tête, belle énergie, belle personnalité, belle maison, du talent à revendre, des enfants adorables, un mariage solide, du succès dans ses amours, du succès dans ses affaires...

Cette vie privilégiée est le sujet de Véro Inc., une téléréalité de trois épisodes diffusée sur Canal Vie.

Bien qu'on le sache depuis longtemps, on y apprend que Véro aspire à être une marque. Comme Oprah et comme Martha (avant son séjour en prison). Fort bien. Véro est sans doute la personnalité québécoise la plus apte à devenir une marque grâce à son charisme, sa popularité et son honnêteté. Un publicitaire confirme d'ailleurs à la caméra qu'un des atouts de Véro, c'est d'être une marque honnête, au sens d'authentique. Avec elle, what you see is what you get.

L'ironie du sort, c'est que Véro est devenue cette marque honnête grâce aux déconvenues de son père Guy Cloutier. Avant que son père plaide coupable à des accusations d'agressions sexuelles sur Nathalie Simard, Véro était une animatrice comme les autres.

C'est dans cette épreuve intime et familiale qu'elle a révélé pour la première fois sa résilience et sa force de caractère. Elle a remis ça au lendemain du Bye Bye calamiteux de 2008. Au lieu de fuir ou de se cacher derrière un bouc émissaire, Véro a affronté la tempête avec dignité. Sa façon droite et franche de gérer l'adversité en a fait une sorte d'héroïne populaire, prélude à la marque honnête qu'elle allait devenir.

Je n'ai rien contre le fait de vouloir être une marque, mais à quelles fins, dans quel but et pourquoi? Voilà la question.

«Pourquoi pas?», répond très candidement Louis, son mari, à la caméra. «Si Véro peut devenir une locomotive et une ligne de vêtements, de cosmétiques et de parfum assez forte et crédible pour que tout ça roule tout seul, l'animatrice ne sera pas toujours obligée d'être là et pourra prendre une pause.»

En d'autres mots, l'intention derrière la marque Véro, c'est d'assurer les jours du clan Cloutier-Morissette, quand l'étoile de Véro aura pâli. Sur le plan du commerce, le raisonnement se tient. Sur le plan philosophique, un peu moins.

Vendre du linge et du maquillage, c'est bien beau, mais c'est aussi un brin réducteur, à moins bien sûr d'être Lise Watier.

Pourtant, Véro a toutes les cartes en main pour être une marque qui vend quelque chose d'un peu plus substantiel que du maquillage.

Elle pourrait et devrait profiter de sa formidable tribune et de l'affection que le public lui porte pour valoriser des choses un peu plus essentielles comme l'éducation, la culture ou les livres. Et je ne parle pas des quatre ou cinq livres à la mode recommandés dans son magazine et qui sont les mêmes dans toutes les revues féminines sur le marché.

Oprah l'a bien compris, elle dont le club de lecture a ouvert les horizons de milliers de femmes qui sont devenues d'avides lectrices. Sans parler de toutes ces jeunes Afro-Américaines qui sont retournées aux études ou ont trouvé un projet de vie en s'inspirant d'Oprah.

N'en déplaise à Véro, savoir se maquiller est utile, mais ce n'est pas un projet de vie.

Dans Véro Inc., on voit Véro s'épuiser à gérer à la mitaine ses réseaux sociaux et répondre personnellement à tous ses fans. C'est sympa de sa part, mais c'est aussi un peu ridicule. Me semble que ça serait plus profitable et enrichissant pour elle de lire des livres plutôt que des tweets ou des courriels.

Véro ne manque ni de lucidité ni d'intelligence. Qu'attend-elle pour mettre ces qualités au service d'un dépassement personnel et d'une autre ambition que de la vente au détail? Dans Véro Inc., Véro reconnaît qu'elle a des limites. C'est tout à son honneur. Maintenant, ne lui reste plus qu'à les dépasser.

ON EN PARLE

De François Arnaud qui a passé une audition pour le rôle du riche et beau sadomaso dans Fifty Shades of Grey. Malgré tout le mal que je pense de ce bouquin, je lui souhaite d'obtenir le rôle. Même si le film est pourri (il le sera), cela pourrait être le début d'une formidable carrière américaine. Tom, Ben et Leonardo n'ont qu'à bien se tenir.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

De Clinton en Ontario, petit bled de 3000 âmes, réputé pour ses recherches sur les radars. Mais surtout, lieu de naissance d'Alice Munro, Prix Nobel de littérature 2013 et d'Eleanor Catton, 27 ans, plus jeune lauréate du Man Booker Prize pour son deuxième roman The luminairies. Deux prix aussi prestigieux en moins de deux semaines, serait-ce à cause de ce qu'il y a dans l'eau de Clinton?