Dans une réception il y a quelques années, une dame s'est approchée de Brian Mulroney pour lui demander d'où lui venait sa réputation de grand mal aimé de la politique canadienne. La réponse de Mulroney? Parce que, ma chère dame, pour la moitié des Canadiens, je suis celui qui a vendu le Canada aux États-Unis et, pour l'autre moitié, celui qui a vendu le Canada au Québec.

Cette anecdote amusante ne figure pas dans la fascinante série du journaliste Guy Gendron sur Brian Mulroney. Pourtant, cette série de quatre épisodes, diffusée à Radio-Canada tous les vendredis depuis la semaine dernière, illustre à merveille l'anecdote. Pas parce qu'elle nous montre que Mulroney était détestable. Il ne l'était pas. Plutôt parce que la série établit clairement que Mulroney était un politicien proactif et audacieux, un agent de changement qui a bouleversé l'ordre des choses, qui a cassé beaucoup d'oeufs et, ce faisant, a collectionné, surtout au Canada anglais, des hordes d'ennemis qui devaient sans doute se réveiller la nuit pour le haïr.

Guy Gendron n'a surtout pas voulu faire l'apologie de l'ex-premier ministre. C'est toutefois l'effet involontaire qui se dégage de la série. Cela n'a rien à voir avec sa facture ou avec un quelconque parti pris journalistique, mais avec la réalité politique actuelle.

En effet, impossible de suivre le parcours de ce premier ministre progressiste-conservateur, qui a été au pouvoir de 1984 à 1993, sans faire le parallèle avec le premier ministre conservateur actuel. Et autant dire que Mulroney, ce n'est pas Stephen Harper. Que non! Ce n'est pas un premier ministre froid et effacé, enfermé dans sa tour, qui se fout du Québec et qui encourage la division plutôt que la réconciliation. Tout le contraire.

La TPS, le libre-échange, le beau risque du fédéral, la lutte contre l'apartheid, la place prépondérante du Canada sur la scène internationale, les prises de bec avec Margaret Thatcher, le lac Meech avec ses promesses et son échec, autant d'actions et d'événements qui ont marqué les années Mulroney. Et, à travers ce rappel historique rafraîchissant, se profile un homme attachant qui a vraiment voulu faire une différence, mais dont les exploits ont été ternis par divers scandales de corruption, dont la tristement célèbre affaire Airbus et la commission d'enquête qui a suivi.

Jeudi dernier marquait le 30e anniversaire de l'entrée de Mulroney aux Communes, d'abord comme chef de l'opposition, puis premier ministre. Or, pendant 30 ans, la télé publique a pour ainsi dire ignoré Mulroney. Pendant que le documentaire sur Pierre Elliott Trudeau et son canot trop vernis était diffusé en boucle année après année, c'était silence radio (et télé) sur Brian Mulroney. On se demande bien pourquoi...

Est-ce que la série révèle des choses étonnantes et insoupçonnées? D'après ce que j'en ai vu, la réponse est oui. Mulroney, qui a été interviewé à cinq reprises par Guy Gendron, évoque son alcoolisme, chose qu'il n'avait jamais reconnue publiquement. Ses alliés et adjoints nous racontent les magouilles assez cruelles auxquelles Mulroney a participé pour déloger ses rivaux, dont Joe Clark. D'ailleurs, Joe Clark fait partie des deux seuls témoins qui ont refusé de participer au documentaire. Le deuxième s'appelle Lucien Bouchard.

Mulroney lui-même nous apprend que, lors de la grande offensive pour le libre-échange, il a offert à Jacques Parizeau, qui appuyait la mesure, un poste de sénateur. Il raconte aussi que, lors de sa deuxième course à la direction du parti, il a rangé les joujoux de luxe qu'il s'était payé avec son salaire de PDG de l'Iron Ore. Au lieu de faire campagne en jet privé, il l'a fait avec un vieux tacot rouillé, ruse démagogique qui l'a aidé à se défaire de son image de parvenu.

Mulroney n'était pas parfait comme premier ministre, mais il mérite mieux qu'une place dans le sous-sol de l'Histoire. J'espère que Stephen Harper le sait, qu'il regardera la série et, le cas échéant, qu'elle lui donnera une ou deux idées pour améliorer ses rapports avec le Québec. S'il a besoin d'un traducteur, je me ferai un plaisir de lui offrir mes services.

De la langue, grande laissée pour compte dans le débat sur la Charte des valeurs québécoises. Souvent, sous le voile d'un signe religieux, se cache une immigrante francophone qui parle un français impeccable et qui aide à perpétuer le fait français, ici. Si elle quitte le Québec, serons-nous plus avancés?

De la Charte des valeurs québécoises, mais, pour une fois, c'est une bonne chose et un mal nécessaire. Il faut en parler, en débattre, quitte à s'entredéchirer, à se chicaner, à se crêper le chignon. La dernière chose à faire dans les semaines à venir, c'est de passer à un autre appel.

 ON N'EN PARLE PAS ASSEZ 

De la langue, grande laissée pour compte dans le débat sur la Charte des valeurs québécoises. Souvent, sous le voile d'un signe religieux, se cache une immigrante francophone qui parle un français impeccable et qui aide à perpétuer le fait français, ici. Si elle quitte le Québec, serons-nous plus avancés?

 ON EN PARLE TROP

De la Charte des valeurs québécoises, mais, pour une fois, c'est une bonne chose et un mal nécessaire. Il faut en parler, en débattre, quitte à s'entredéchirer, à se chicaner, à se crêper le chignon. La dernière chose à faire dans les semaines à venir, c'est de passer à un autre appel.