On se croit unique, original, innovateur. On pense qu'on est en avance sur son temps. On découvre qu'on n'est pas en avance du tout. On n'est pas en retard non plus. On n'est que synchrone avec l'air du temps.

C'est le sentiment que j'ai éprouvé en découvrant Orange Is the New Black, la série de l'heure chez nos voisins américains. Du moins, pour ceux qui sont abonnés au service de diffusion sur l'internet, Netflix.

Une série sur quoi? L'unité d'une prison pour femmes ou, si vous voulez, Unité 9 en version orange. Orange pour la couleur de l'uniforme qu'endossent les détenues américaines lorsqu'elles arrivent en prison.

Piper Chapman, l'héroïne, c'est un peu la Guylaine Tremblay de la série, mais en plus grande, en plus jeune et en plus blonde. Sauf qu'elle n'a pas tenté d'assassiner son père. Elle a seulement fait la gaffe, 10 ans plus tôt, de s'amouracher d'une trafiquante de drogue et de transporter des tonnes de fric pour elle.

La trafiquante s'est fait pincer et, au bout de 10 ans de procédures, a dénoncé son ex. C'est ainsi qu'un beau matin, la très chic Piper, qui s'est recyclée dans la fabrication de paquets-cadeaux et de savon artisanal, débarque en prison et y découvre un monde insoupçonné, à des années-lumière de sa vie de bobo new-yorkaise.

La série est l'adaptation d'un best-seller paru en 2010, qui racontait l'histoire vécue de Piper Kerman, fille de bonne famille, diplômée du Smith College, complice d'une trafiquante de drogue et ex-détenue.

Premier constat: Unité 9 a de la concurrence. Deuxième constat: le thème de la prison pour femmes n'est pas nouveau. De 1979 à 1986, pendant 692 épisodes, les Australiens se sont passionnés pour Prisoner, un téléroman qui se déroulait dans une prison pour femmes. La série a été diffusée en Angleterre, en Suède, aux É.-U. et au Canada sous différents titres allant de Femmes en cage à Unité H. De toute évidence, les prisons pour femmes offrent à la télé un filon vendeur.

Au début des 13 épisodes de Orange Is the New Black, j'ai cru à tort que la série serait meilleure qu'Unité 9 à cause des budgets faramineux des productions américaines, mais aussi parce qu'elle est l'oeuvre des auteurs célébrés de la série Weeds.

J'ai vite découvert que les deux productions sont en fin de compte très différentes avec, chacune, leurs forces et leurs faiblesses.

Orange Is the New Black est plus crue. Il y a plus de sexe, moins de morale et un meilleur procès des inégalités sociales. Les Noires et les Latinas y sont légion, et les filles ne sont pas exactement des canons: dents pourries, cheveux gras, corps difformes.

À côté des Américaines, les filles d'Unité 9 sont des top models. Quant au personnel carcéral américain, il est souvent corrompu jusqu'au trognon, y compris le pseudo-aumônier qui s'avère être un enfoiré de première.

Le problème de la série américaine, qui verse tantôt dans le drame, tantôt dans la comédie, c'est qu'elle n'a pas d'unité de ton. Après avoir mis la table d'un univers hostile et violent, laIsérie vacille, ramollit et verse dans le rose bonbon et les bons sentiments.

Unité 9 est beaucoup plus cohérente, dramatiquement. Les intrigues y sont mieux ficelées, ce qui n'est pas rien.

Reste que dans les deux cas, le huis clos de la prison est un prétexte pour examiner l'amitié et la solidarité féminines. C'est, en somme, la suite de Sex and the City, mais avec des barreaux, de la bouffe immonde de cafétéria, des sacs-poubelles en guise d'uniformes, et pas l'ombre d'une mule Manolo.

Ce que les deux séries réussissent à faire avec un égal bonheur, c'est d'humaniser ces marginales et multipoquées et à nous les rendre attachantes. À leur contact, notre regard sur les femmes qui font ou qui ont fait de la prison change. On ne leur pardonne pas tout, mais on les comprend mieux. Air du temps ou non, c'est tout ce qui compte.

On en parle trop

Du poutinisme de la future charte des valeurs québécoises. C'est l'honorable Charles Taylor qui, en réaction à l'hypothétique interdiction des signes religieux dans la fonction publique, a lancé cette expression outrancière. Pour sa peine, il devrait aller faire un tour dans la Russie de Poutine. Il y verrait que la seule poutine qui vaille au Québec est celle qu'on mange avec une fourchette.

On n'en parle pas assez

De Chelsea Manning, la femme que veut devenir Bradley Manning, ce jeune militaire affligé de la dysphorie des genres et condamné à 35 ans de prison pour avoir coulé des tonnes de documents à WikiLeaks. L'armée devrait l'envoyer purger sa peine dans la prison de Orange Is the New Black où un coiffeur est devenu coiffeuse en rusant pour obtenir une thérapie hormonale.