Funeste fin de semaine pour le Cirque du Soleil. D'abord, cette terrible tragédie samedi soir, lors du numéro final de , où Sarah Guyard, une acrobate de 31 ans, a fait une chute mortelle de 15 mètres.

Rien à redire sur la réaction sobre et respectueuse du Cirque du Soleil. Le spectacle a été annulé jusqu'à une date indéterminée. Les spectateurs ont été remboursés et Guy Laliberté s'est empressé de publier un communiqué dans lequel il se dit dévasté par la mort accidentelle de celle qu'on surnommait Sassoon et qui était de la distribution de depuis sept ans.

Le choc de Laliberté semblait d'autant plus sincère que c'est la première fois en plus de 25 ans de productions qu'une artiste du Cirque meurt en plein spectacle. Il y a bien eu une autre tragédie, il y a quelques années, lorsqu'un trapéziste ukrainien a fait une chute mortelle pendant une répétition à Montréal.

Ajoutez à cette fatalité les blessures, foulures et commotions cérébrales qui, au fil des ans, ont sans doute affligé des dizaines d'acrobates du Cirque. Mais compte tenu des risques calculés que les artistes prennent et de la nature même de leur métier, la feuille de route du Cirque à cet égard est exemplaire, même si une mort est toujours une mort de trop et même si toute la tristesse de Laliberté ne pourra jamais ramener à la vie cette belle jeune femme qui laisse dans le deuil deux enfants.

Au moment où ce terrible accident a eu lieu, la direction du Cirque fêtait avec ses invités la première de One, le nouveau spectacle du Cirque en hommage à Michael Jackson.

Or, pendant que tout le monde criait au génie, une bombe médiatique explosait de l'autre côté de l'Atlantique.

Le Sunday People, l'édition dominicale du tabloïd britannique Mirror, annonçait en une que Michael Jackson aurait dépensé 34 millions de dollars en 15 ans pour faire taire les 24 gamins qu'il aurait agressés sexuellement.

Parmi les 24 victimes, apparaît le nom de Wade Robson, un danseur devenu chorégraphe, qui a récemment déposé des accusations d'agression sexuelle contre Jackson, après avoir témoigné à deux reprises pour le chanteur avec lequel il a entretenu une relation de 7 à 14 ans.

La source de l'article du Mirror est un détective privé qui a travaillé pour une agence ayant eu un mandat de Jackson. Sa mission? Déterrer tous les squelettes dans le placard du chanteur et allonger les sommes nécessaires pour acheter le silence de ses victimes.

L'énorme documentation accumulée par le détective a par la suite été saisie par le FBI et classée dans deux dossiers qui dorment sur les tablettes depuis.

L'article, aussi sensationnaliste soit-il, a tout de même été validé par la journaliste américaine Diane Diamond, qui a enquêté sur Jackson pendant 12 ans. Elle a notamment été la première, en 1993, à révéler que le chanteur faisait l'objet d'une enquête pour agression sexuelle sur des mineurs.

Selon la journaliste, la fuite de ces infos accablantes pourrait provenir du promoteur de spectacles AEG, poursuivi pour 40 milliards par la famille Jackson, qui l'accuse d'avoir provoqué la mort du chanteur en le poussant à continuer à donner des spectacles, au péril de sa vie.

Chose certaine, ces nouvelles révélations viennent une fois de plus jeter un éclairage sombre et sordide sur le mythe de Jackson, que sa famille tente désespérément de blanchir (!) au nom de sa réputation, mais surtout au nom de la fortune qui ne cesse de grossir depuis sa mort.

D'où mon malaise grandissant à voir le Cirque du Soleil jouer le jeu de la famille contre AEG et devenir, avec son spectacle, complice d'une entreprise de mythification, dont le seul moteur est l'argent - des tonnes d'argent.

Les gens du Cirque ont beau prétendre qu'ils n'ont pas fait exprès de lancer One au beau milieu du mégaprocès des Jackson contre AEG, mais je ne les crois pas une minute.

Katherine Jackson a déposé sa poursuite contre AEG en septembre 2010 et elle a obtenu la permission d'aller de l'avant en février 2011. Cela fait plus de deux ans que le procès est dans l'air. Tellement longtemps que le Cirque du Soleil a eu le temps de concevoir non pas un, mais deux spectacles autour de Michael Jackson. Qu'on ne vienne pas me dire qu'ils n'ont pas fait exprès.

Je sais très bien qu'il y a une différence entre Jackson l'homme et Jackson l'artiste, et que c'est l'artiste, ce musicien et danseur exceptionnellement doué, que le Cirque célèbre avec One. Il n'en demeure pas moins que l'homme semblait être exceptionnellement monstrueux, malade et sans morale - un homme contre lequel trop de preuves s'accumulent pour fermer les yeux.

Était-ce vraiment nécessaire, ou du moins moralement acceptable, de lui faire l'honneur d'un spectacle angélique saluant son génie? Pas sûr.