Depuis que le maire Tremblay a démissionné, le milieu culturel montréalais serait en deuil. C'est du moins ce qu'a affirmé Gilbert Rozon sur les ondes de RDI, à peine une heure après la démission du maire.

J'ai trouvé que Gilbert Rozon avait le deuil un peu facile. Quant au milieu culturel dont Rozon se faisait le porte-parole, pas sûr qu'il était en pleurs ou au bord du désespoir, lundi soir.

Comme je l'ai écrit samedi, plusieurs intervenants du milieu culturel montréalais attendaient, voire espéraient, depuis plusieurs semaines déjà que le maire démissionne. J'imagine qu'ils sont aujourd'hui soulagés et aussi un brin tristes. Car Gérald Tremblay était un maire aimable et difficile à détester. On pouvait peut-être le critiquer pour tout ce qui allait mal à Montréal, mais on éprouvait souvent de l'affection pour l'être humain un peu distrait, mais toujours enthousiaste, qui se cachait derrière la fonction.

Cela dit, les rapports du maire Tremblay avec le milieu culturel n'ont pas toujours été sereins. J'ai retrouvé dans les archives de La Presse un texte daté du 10 juillet 2007. Le titre? «Gérald Tremblay se sent trahi.»

On croit rêver. Cinq ans avant de démissionner sous prétexte qu'il a été trahi par son entourage, le maire brandissait déjà l'alibi de la trahison. Décidément...

La seule différence, c'est qu'en 2007, le maire ne se sentait pas trahi par les gens de son administration, mais par le milieu culturel - plus précisément par les organisateurs de festivals, notamment Gilbert Rozon et Normand Legault, du Grand Prix. Les deux l'avaient critiqué publiquement à la suite de la décision de la Ville de faire payer aux producteurs de festivals les coûts liés au service de police.

Rozon avait été particulièrement dur en affirmant que Tremblay était un bon gars et qu'il lui restait plus qu'à devenir un bon maire!

Finalement, la Ville et les organisateurs de festivals ont trouvé un compromis en se partageant les coûts de la sécurité. La crise s'est résorbée et le maire, presque ragaillardi par l'affrontement, a fait de l'identité culturelle de Montréal une priorité. Il est allé de l'avant avec le Quartier des spectacles et la place des Festivals, forçant en quelque sorte les deux ordres de gouvernement à sauter dans le train.

Maintenant, la suite du Montréal culturel devra être écrite par quelqu'un d'autre que le maire Tremblay.

Or, cette suite ne pourra se faire sans le soutien politique et financier de Québec. Ce n'est pas un hasard si le maire Tremblay a insisté pour remercier l'ex-ministre des Finances Raymond Bachand dans son discours d'adieu. M. Bachand a été déterminant dans l'épanouissement culturel de Montréal au cours des dernières années.

Le milieu culturel aimait beaucoup Raymond Bachand. Pas seulement parce que le ministre a délié les cordons de sa bourse et défendu le budget de la culture, mais aussi parce qu'il était un amateur de culture assidu. Tout au long de son mandat, combien de fois l'ai-je vu au TNM, à la SAT, à l'Excentris, aux vernissages des musées, dans des spectacles de danse ou aux premières loges des festivals? Samedi dernier encore, Raymond Bachand était au bal du Musée des beaux-arts. Nicolas Marceau y était aussi. Mais le nouveau ministre des Finances avait l'air un peu perdu au milieu des robes à frou-frou, du champagne et des mondanités. Il ne connaissait pas grand-monde et donnait l'impression d'avoir hâte que la soirée finisse. Ce n'était peut-être qu'une impression.

Le nouveau ministre des Finances, on le sait, est avant tout un économiste et un universitaire. Mais au moins, c'est un vrai Montréalais qui vit sur le Plateau avec sa femme et ses quatre filles. Rien qu'avec ces éléments, il devrait normalement être sensible à la ville et à son épanouissement culturel. Malheureusement, lorsqu'on parcourt la liste des promesses en matière de culture faites par le Parti québécois pendant la campagne, on ne voit pas grand-chose pour Montréal. On devine certes un souci d'améliorer les conditions de vie des artistes à travers l'augmentation des budgets du CALQ, de la SODEC et de Télé-Québec. Et comme les artistes vivent pour la plupart à Montréal, la ville bénéficiera de la mesure si jamais elle est mise en oeuvre. Pour le reste, l'avenir semble incertain.

J'avoue que ces jours-ci, c'est plutôt difficile d'aimer une ville qui passe davantage pour la capitale de la corruption que pour une métropole culturelle. Je me console en me disant que c'est un mauvais moment à passer, en attendant que la ville retrouve son élan économique et culturel. D'ici là, la meilleure chose qui pourrait arriver à Montréal, c'est que les gouvernements, au lieu de l'abandonner parce qu'elle n'est pas politiquement rentable, la prennent enfin au sérieux. C'est ce que recommandait Gilbert Rozon lundi soir sur RDI. Il avait raison. La suite du Montréal culturel ne s'écrira qu'à cette condition.