D'un débat à l'autre, les rengaines et les cassettes restent les mêmes. Mais le décor change. C'est ainsi que, en 24 heures, le débat des chefs est passé d'un demi-cercle de blocs Lego gréco-romain à RDI au plateau lisse et rutilant de TVA, au centre duquel trônait une table et des chaises de bureau sous un ciel bleu éclatant. Le tout dans un dispositif emprunté aux débats des deux dernières présidentielles françaises.

Après le trip à quatre de dimanche soir mené par une Anne-Marie Dussault aux allures de maîtresse d'école, le souper presque parfait d'hier soir entre un premier ministre sortant et une candidate qui ne demande qu'à prendre sa place était plus clair, plus facile à comprendre et nettement plus agréable à suivre.

Jean Charest avait une fois de plus troqué sa cravate rouge pour sa désormais éternelle cravate bleue. Pauline Marois avait rangé bijoux, écharpes, couleurs tonitruantes et opté pour un veston sombre de banquier sur ce qui ressemblait à une blouse d'infirmière vert hôpital.

Contrairement à Sarko et à ses adversaires qui, dans le même dispositif, semblaient au garde-à-vous et assis droit comme des «i», Jean Charest semblait par moments écrasé dans son siège tandis que Pauline penchait parfois dangereusement vers la table, comme une femme au bord d'un précipice.

Le décor d'hier soir était aussi différent que l'animateur, un Pierre Bruneau boy-scout lisant studieusement ses questions avant d'avoir l'intelligence et l'humilité de disparaître du débat, ce qui, croyez-le ou non, est le rôle d'un animateur.

Le débat d'hier était plus calme, moins cacophonique que celui de dimanche, mais aussi, étrangement, plus agressif. Jean Charest qui dit à Pauline Marois qu'elle n'est pas à la hauteur de ce qu'on attend d'un premier ministre. Pauline qui lui répond froidement qu'elle n'a pas de leçons d'éthique à recevoir de lui. Les flèches fusaient de toutes parts, chacun ne cherchant pas à ménager l'autre.

Il reste que cette formule d'un face-à-face relativement libre de règlements et dépourvu d'interruptions de la part de l'animateur offrait un spectacle cohérent qui, selon certains - et j'en suis-, s'est soldé à l'avantage de Pauline Marois.

Pour une fois, la sérénité dont Pauline Marois ne cesse de se vanter depuis le début du marathon des débats semblait réelle et sincère. Dimanche soir, coincée entre une Françoise David qui lui volait la vedette et un François Legault qu'elle aurait aimé étriper, Pauline Marois n'avait rien de serein. Mais face à un Jean Charest agressif et parfois blessant, elle a tenu bon, ne s'est pas énervée, a gardé dignement les deux pieds sur terre.

Cela dit, dans sa grande sérénité, Pauline a raté une ou deux belles occasions de clouer le bec à Jean Charest. À la fin, quand il lui a lancé que son référendum allait créer une grande instabilité sociale, on a attendu en vain qu'elle lui réplique : «Monsieur Charest, vous vous y connaissez mieux que moi dans le domaine. Ça fait six mois que le Québec est en crise.»

D'un débat à l'autre, les casettes et les rengaines restent les mêmes, mais pas les gagnants et les perdants.