Tout a commencé par un territoire. Un immense territoire de plus d'un million et demi de kilomètres carrés, trois fois la taille de la France. De ce territoire est né une conception du Québec, large et territoriale.

Les Québécois, disait René Lévesque, ce sont ceux qui vivent au Québec, ceux qui peuplent son territoire. Point barre.

Le Québec géographique de René Lévesque n'a pratiquement pas changé. Ce qui change, ce sont les slogans qui surgissent à chaque Fête nationale pour en quelque sorte nous redéfinir.

La tâche de trouver la formule qui résume et rassemble la collectivité, année après année, n'est pas évidente. Elle comporte son lot d'écueils comme en témoigne le florilège pas toujours réussi de slogans clamant Le Québec est au monde, Tout le monde est important, Heureux d'être ensemble ou le très floral Et si on se lançait des fleurs.

Cette année, le comité chargé de trouver un thème a accouché d'un slogan qui me laisse perplexe.

Le Québec en nous, voilà ce qui en 2012 est censé nous définir. De prime abord, on devine que le Québec dont il est question est un Québec intérieur, intime et privé, un Québec que chacun porte en soi.

Je veux bien, mais avouez que c'est un peu réducteur. Si le Québec est en nous, c'est que son territoire immense a fondu et qu'il n'en reste plus rien, sinon un vague borborygme au fond de nos entrailles.

Et puis, si le Québec est en nous, où loge-t-il exactement? Dans notre foie? Notre rate? Notre coeur? Nos cartilages? Que peut-on espérer d'un Québec qui a été avalé par ses habitants et qui flotte dans un coin de leur tube digestif?

Consciente que j'ai parfois l'esprit mal tourné, j'ai voulu vérifier auprès de ceux qui seront du grand spectacle de la Fête nationale au parc Maisonneuve demain, ce qu'ils pensaient de ce Québec en nous. Cela tombait bien. Ils étaient en répétition dans un studio, rue Parthenais. Au bénéfice des médias réunis devant eux, ils ont entonné God is an American, classique de Ferland qui n'a pas vieilli d'un poil, mais qui n'a rien à voir avec le Québec en nous, sauf si ce Québec est une copropriété que l'on partage avec un quelconque dieu yankee.

Jean-Pierre Ferland était là, guilleret et tout fier du t-shirt bleu Québec frappé d'une immense fleur de lys qu'il étrennait. Il n'avait aucune idée de ce que Le Québec en nous voulait dire, trouvait à la limite la formule un peu nulle. «Mais c'est pas grave, a-t-il ajouté, parce que je l'aime, mon Québec, je l'aime tellement que je porte le t-shirt pour le prouver. C'est la première fois que je m'expose ainsi.»

Guy. A Lepage, qui animera le spectacle pour la quatrième année consécutive, sans carré rouge ni casserole malgré sa sympathie pour la cause étudiante, n'était pas particulièrement inspiré par le slogan Le Québec en nous.

Ça ne me dit rien», a-t-il lancé spontanément avant d'être frappé par un éclair de lucidité et d'ajouter: «En fin de compte, ça veut peut-être dire qu'on est toujours en train de penser au Québec, de se préoccuper de ce qui lui arrive et de ce qu'il va devenir. Dans ce sens-là, le Québec est en nous même si on est en juin et pas en... août.»

Restait Adam Cohen, le fils de son père qui interprétera Dance Me to the End of Love, une chanson de son père, mais en version française. À bien y penser, s'il y a quelqu'un à qui Le Québec en nous colle parfaitement, c'est bien lui.

Né à Montréal où il a vécu ses premières années, Cohen vit à Los Angeles depuis très longtemps et revient quelques fois par année à Montréal. Mais il m'a assuré que malgré tous ses allers et retours, le Québec est en lui depuis toujours: «Je fais partie de la diaspora québécoise et que vous le vouliez ou non, je suis un ambassadeur du Québec.»

Je ne doute pas de la sincérité d'Adam Cohen. Mais s'il faut que nous commencions à l'imiter, le Québec sera en nous, mais nous, nous serons de moins en moins nombreux à l'habiter.

C'est pourquoi je prends les devants pour proposer tout de suite un nouveau slogan pour l'année prochaine. C'est un slogan tout simple, très proactif et pas réducteur. Suffit de changer une seule préposition et de remplacer Le Québec en nous par Le Québec est à nous. Les Québécois méritent bien ça. Bonne fête à vous tous.

Pour joindrenotre chroniqueuse: npetrows@lapresse.ca