Qui aurait cru qu'après le massacre à la tronçonneuse de l'an dernier, Ricky Gervais reviendrait animer les Golden Globes? Au lendemain du gala de 2011, le président de la Hollywood Foreign Press Association (HFPA), traité d'incontinent à dentier par l'animateur, avait déclaré que Ricky était allé trop loin et qu'il avait insulté inutilement des stars comme Angelina Jolie, Tom Cruise et Robert Downey.

Quant au trouble-fête lui-même, il avait avoué à CNN, quelques jours plus tard, qu'il ne regrettait pas l'humour grinçant déployé toute la soirée, mais qu'il restait convaincu qu'il allait en payer le prix. «Je doute qu'ils me redemandent d'animer les Golden Globes pour une troisième année», avait affirmé Ricky Gervais.

Pourtant, demain soir, sur le réseau NBC, Ricky sera bel et bien de retour à la barre des Golden Globes. Toute la publicité de cette émission, considérée comme un prélude à la grand-messe des Oscars, se fait d'ailleurs autour du Britannique et de son humour matraque, au détriment des films, des séries télé et des acteurs en nomination, qui sont pourtant les stars de la soirée.

Qu'à cela ne tienne: c'est une sage décision de la part de la direction des Golden Globes que de ramener le matamore. Pourquoi? Parce que son humour caustique et cruel, nourri par son statut d'intrus et de franc-tireur qui ne doit rien au gratin hollywoodien, qu'il ne fréquente pas, donne en fin de compte du poids et de la crédibilité aux Goldens Globes et surtout à son commanditaire, la Hollywood Foreign Press Association. Et Dieu sait si la HFPA en a besoin.

Pour ceux qui ne seraient pas au courant, les électeurs des Golden Globes et membres de la HFPA ne sont pas 5000 et des poussières comme aux Oscars. Ils sont exactement 88. Je les ai comptés. Et s'ils ont tous le titre de journalistes étrangers établis à Hollywood, il n'est pas sûr qu'ils pratiquent encore le métier ou qu'ils l'ont même un jour pratiqué, du moins dans une entreprise de presse légitime et professionnelle.

Depuis plusieurs années déjà, des rumeurs de corruption plombent la crédibilité d'une association dont les membres ont la réputation d'être des resquilleurs, des parasites et des groupies privés de tout esprit critique, qui feraient n'importe quoi pour une photo ou un lunch gratuit avec George Clooney.

En 2004, un film avait documenté les vilains petits secrets de la HPFA, alléguant que certains membres n'étaient pas tant des journalistes que des chauffeurs de taxi ou des serveurs particulièrement débrouillards.

Cette année, les rumeurs sont devenues réalité avec une poursuite de deux millions déposée contre l'association par son ex-relationniste, pour fraude et trafic d'influence, et pour avoir monnayé l'accès à la cérémonie et aux mises en nomination.

Dans un tel contexte, les sarcasmes de Ricky Gervais ne peuvent qu'être joyeusement javellisants pour l'image ternie de la HFPA. Comment en effet croire à la complaisance quand l'animateur qu'on a recruté tire en toute indépendance sur tout ce qui brille dans la salle?

Cela dit, et c'est le grand paradoxe des Golden Globes, malgré les magouilles et les basses manoeuvres de ses membres, leurs mises en nomination sont presque toujours justifiées. C'est encore le cas cette année. Dans la catégorie des meilleurs drames, difficile d'affirmer que The Descendants, The Help, Hugo, The Ides of March, Moneyball et War Horse ont acheté leur sélection. Idem pour la catégorie des meilleures comédies, où Midnight in Paris et The Artist, deux excellents films, se font concurrence.

Reste la case problématique du meilleur film étranger. En principe, Une séparation de l'Iranien Asghar Farhadi, qui ne récolte que des éloges dans le monde entier, devrait l'emporter. L'ennui, c'est que le premier film d'Angelina Jolie - In the Land of Blood and Honey - figure dans la même catégorie. Or dans le merveilleux monde de la HFPA, Angelina a nettement plus de poids et de sex-appeal que le brave Asghar, mais sait-on jamais.

Chose certaine, avec Ricky la matraque aux commandes, la soirée des Golden Globes ne sera pas ennuyeuse, peu importe qui perd ou gagne.