Explosion. Rayonnement. Foisonnement. Quand je pense à l'année culturelle qui s'achève, je pense d'abord à Paris, Londres, Montevideo, Berlin, New York. Je pense à toutes ces capitales occidentales où les créateurs et artistes québécois ont fait leur marque, chacun dans des disciplines différentes, chacun récoltant dans sa sphère respective applaudissements et éloges.

Je pense à Robert Lepage, Yannick Nézet-Séguin, Denis Villeneuve, Xavier Dolan, Béatrice Martin, Véronic DiCaire, Denis Côté, Wajdi Mouawad, Alain Lefèvre, Stéphane Rousseau, Marie Chouinard, David Altmejd mais aussi à Francis Ducharme recruté par la célèbre compagnie de danse de Sidi Larbi Cherkaoui, à Julie Vincent qui a passé l'été à jouer au théâtre de Montevideo, en Uruguay, à François Arnaud qui vient le terminer le tournage de la série Borgias, sous la direction de Neil Jordan, ou à Michel Lemieux et Victor Pilon, qui voyagent partout dans le monde avec leurs spectacles multimédias.

J'ai beau couvrir le milieu culturel depuis plus de 30 ans, je suis toujours émerveillée et émue de constater le nombre effarant d'artistes, de musiciens et de créateurs que ce pays qui n'en est pas un, avec sa population d'à peine 7 millions, a réussi à produire au fil des ans. Mais ce qui est nouveau cette année, ou du moins ce qui s'est confirmé clairement, c'est que la France n'est plus un passage obligé ni l'unique rampe de lancement pour les artistes d'ici.

Évidemment, dans certains cas comme celui de Robert Lepage ou de Céline Dion, cela fait plus d'une décennie que le statut est acquis et que la carrière internationale est florissante. Reste que pendant longtemps, la seule façon de rayonner ailleurs, c'était d'aller chanter en France comme l'ont fait Félix Leclerc, Vigneault, Dufresne, Charlebois et compagnie. Et puis vers la fin des années 80, une fenêtre s'est ouverte en théâtre et en danse, fenêtre par laquelle Lepage, Denis Marleau, Wajdi Mouawad, Gilles Maheu, mais aussi les chorégraphes Édouard Lock et Marie Chouinard, se sont envolés vers la gloire. En cinéma, les cinéastes d'ici ont mis du temps à s'imposer sur les écrans à l'étranger. Pendant longtemps, il fallait s'appeler Gilles Carle ou Denys Arcand pour être invité à Cannes. Aujourd'hui, le Festival de Cannes demeure le tremplin le plus important pour un film québécois, mais c'est aussi un festival parmi tant d'autres pour les cinéastes d'ici qui sont autant invités à Sundance qu'à Berlin, Locarno ou Venise.

Nous continuons à produire de grandes et puissantes voix, mais nous produisons aussi de plus en plus de jeunes chefs d'envergure dont Yannick Nézet-Séguin est le chef de file, mais pas le seul, comme en témoigne la montée de Jean-Philippe Tremblay et de Jean-Michaël Lavoie.

Bref, les artistes québécois sont devenus les meilleurs ambassadeurs de notre culture. Mais si rayonner ailleurs est vital pour l'épanouissement d'un artiste, il faut aussi que ces artistes aient le temps et les moyens de briller chez eux. C'est bien beau de fournir au monde entier le meilleur de nos talents, mais la source même de cette créativité doit se déployer avec autant de force ici.

À cet égard, l'offre culturelle de 2010 au Québec a été un brin décevante. Bien sûr, il y a eu la réussite éclatante de Belles-soeurs, l'extraordinaire marathon théâtral de Wajdi Mouawad au FTA, le touchant hommage à Gaston Miron des Douze hommes rapaillés, l'explosion sur scène de Yann Perreau et la découverte de l'auteure Jennifer Tremblay qui nous a offert le merveilleux texte de la pièce La liste.

C'est déjà beaucoup. Mais il en faudrait encore plus. Il faudrait surtout un meilleur équilibre entre la création et le commerce pour que chez nous, ce qui fait vendre n'ait pas toujours préséance sur ce qui trouble, dérange ou fait réfléchir. Marie-Mai et Maxime Landry sont bien sympathiques, de là à en faire les figures de proue de la chanson québécoise...

Mais soyons généreux. L'année achève, une autre toute neuve et toute fraîche s'annonce avec son lot d'espoir. À tous les artistes québécois, je souhaite pour 2011 ce surplus d'émotion, d'âme et d'exaltation que l'on nomme inspiration. Quant à vous, chers amis lecteurs, je vous souhaite des Fêtes joyeuses, lumineuses et, comme de raison, inspirantes.