Les filles aiment les gars gênés. C'est ce que pense Jeff Fillion, celui qui a coaché Jonathan Roy avant son passage à Tout le monde en parle. Or, savez-vous quoi? Jeff Fillion a parfaitement raison. Toutes les filles, brunes, blondes, mères ou matantes, qui ont vu le beau Jonathan, 20 ans, fils du gardien de but Patrick Roy, à la télé dimanche soir, ont certainement été attendries par le bel enfant. Même que la plupart ont sans doute voulu lui donner le Bon Dieu sans confession, et cela, en dépit du procès que le charmant chérubin doit subir en juillet pour avoir sauvagement attaqué le gardien de but Bobby Nadeau lors d'un match de hockey.

Grâce aux bons conseils de son ami Jeff, Jonathan a donc réussi un double exploit: celui d'avoir effacé de notre mémoire en moins de 10 minutes la scène disgracieuse le montrant péter les plombs sur la patinoire, qui a été diffusée un million de fois à la télé. Puis, d'avoir remplacé cette scène par l'image du nouveau Jonathan tout doux, tout mignon, plus blanc que neige dans son habit crème, l'air songeur comme sur la pochette de son CD portant le titre, ô combien évocateur, de What I've Become. Ce que je suis devenu. Compris le message tout le monde?

Pour ma part, lorsque j'ai rencontré Jonathan à l'hôtel W vendredi dernier, j'avoue que j'ai craqué pour ses 5 pieds 11, ses grands yeux bleus et son air gêné de bon garçon (merci Jeff). Toutes les réserves que j'avais à son endroit ont fondu sur-le-champ. Enfin, presque toutes, dans la mesure où dans un coin reculé de mon cerveau ramolli, un petit doute subsistait. Et si toute cette campagne de promo n'était qu'une vaste entreprise de manipulation et de sanctification médiatiques, me chuchotait une petite voix. En apprenant que l'aspirant pop star avait été entraîné par Jeff Fillion à faire le beau, j'ai compris que ma petite voix intérieure avait eu raison de se méfier.

La réhabilitation de Jonathan Roy, sa transformation sous nos yeux, de brute baveuse en tendre et timide pop star, est une magnifique illustration d'une tendance lourde et actuelle: prendre les médias pour des valises et leur faire gober n'importe quoi. Et le pire, c'est que ça marche. Tous les papiers ou les topos sur Jonathan racontent la même histoire attendrissante de l'ado déchiré entre le hockey et le musique, obligé de faire le deuil de son rêve d'être un gardien de but aussi mythique que son père et qui, après un épisode malheureux de sa vie (et de celle de Bobby Nadeau), a été sauvé de la dèche et de la dépression par ses talents de chanteur et de musicien. Vite, un mouchoir, je sens que je vais pleurer...

Tout cela est sans doute vrai, encore que le talent musical de Jonathan, pour l'instant, tire plus sa source de l'imitation que de l'originalité. Ce n'est pas pour rien s'il ne cesse de répéter qu'il est un grand fan de John Mayer. Il n'est pas qu'un fan. Il est son clone québécois.

Heureusement, sa voix rauque est à la hauteur. Les mélodies de son soft rock de luxe sont accrocheuses, mais pour ce qui est des paroles, on a l'impression que Jonathan écrit par numéros, quand il n'écrit pas n'importe quoi. D'ailleurs, quand je lui ai demandé de quoi parlait la chanson Imagination, il m'a répondu avec la nonchalance d'un gars qui ne doute de rien: «C'est n'importe quoi. J'ai écrit ce qui me passait par la tête et ça a donné cette chanson.»

Un autre aurait sans doute compris qu'à moins d'être Mozart ou Picasso, le n'importe quoi n'est jamais une bonne idée, mais c'est trop demander au fils de Patrick Roy. En même temps, je ne veux pas accabler davantage un gamin qui semble manipulé par un entourage dont l'objectif apparaît clair: redorer l'image publique du jeune accusé et, en fin de compte, lui éviter un verdict de culpabilité à l'issue de son procès.

À quelques reprises pendant notre entretien, Jonathan a refusé de commenter les gestes qui lui sont reprochés sous prétexte que l'affaire est devant les tribunaux. Il a fait le même coup à Tout le monde en parle.

Or, justement, puisque le procès n'est pas dans 10 ans, mais dans deux mois, la décence aurait été d'attendre que tout soit réglé avant de lancer le CD. Mais la garde rapprochée de Jonathan était à l'évidence pressée de renverser la vapeur. Pressée d'enterrer le hockeyeur qui frappe trop fort pour paver la voie au chanteur de la relève qui lave plus blanc. Personnellement, je suis prête à encourager la relève, même la relève privilégiée qui se fait offrir un premier CD sur un plateau d'argent, mais à une condition: il ne faut pas me prendre pour une valise.

 

Photo: André Tremblay, La Presse

Jonathan Roy