Il y en a qui ont comparé la tournée californienne de Barack Obama à celle d'une rock star. Performances réglées au quart de tour dans des assemblées citoyennes, enregistrement d'une entrevue d'une heure pour l'émission 60 minutes, mais surtout participation inusitée au talk-show de fin de soirée de Jay Leno. Le jour même de son apparition chez Leno, un bloggeur de Washington affirmait que contrairement à la rumeur publique, Obama n'était pas le premier président de l'histoire américaine à participer à un talk-show. Le président Kennedy l'aurait fait avant lui au talk-show de son ami Jack Paar. J'ai cherché en vain une référence sur le web confirmant l'information.

Tout ce que j'ai trouvé, c'est une vidéo de Bobby Kennedy chez Jack Paar quatre mois après l'assassinat de son frère, une autre avec Fidel Castro et une dernière avec JFK alors qu'il était candidat à la présidence.

 

Mais peu importe si Barack est le premier ou le deuxième, ce qui compte, c'est que jeudi, il s'est présenté comme un seul homme et un seul président au parloir virtuel de Jay Leno.

Ses détracteurs, républicains pour la plupart, ont trouvé qu'il désacralisait la fonction de président en se prêtant à ce jeu complaisant et démagogue. « Lorsque le leader du monde libre se prend pour un stand-up comic, cela ternit et banalise aussi bien la fonction que l'homme «, a écrit un ancienne rédactrice de discours pour Bush, ajoutant que par ce geste, le président rejoignait la meute vulgaire des célébrités qui défilent tous les soirs à la télé pour vendre leur salade.

L'ennui avec un tel raisonnement, c'est qu'en plus d'être platement prévisible, il nie l'impact politique des émissions de fin de soirée des réseaux américains. C'est en effet chez Leno comme chez Conan O'Brien, Jon Stewart ou Stephen Colbert,que les nouvelles générations d'électeurs qui ont complètement déserté les bulletins d'information traditionnels, viennent communier et faire leur éducation politique. Pour prendre leur pouls et sonder leur humeur, il n'y a pas meilleure caisse de résonance que l'intensité de leurs rires ou la durée de leurs applaudissements au contact de blagues livrées par des animateurs qui sont autant des humoristes que des critiques politiques et sociaux.

D'ailleurs pas plus tard que la semaine dernière, Jon Stewart du Daily Show a été élevé au rang de héros national après une entrevue furieusement musclée avec Jim Cramer, une vedette du journalisme économique, accusé par l'humoriste d'avoir été le valet servile et irresponsable de Wall Street.

L'entrevue de Leno avec Obama fut un brin moins musclée, mais l'animateur a quand même osé interpeller le président au sujet des primes des cadres d'AIG et de la taxation extraordinaire qui leur sera imposée par le congrès. Est-ce que ça veut dire que dès que votre tête ne revient pas au Congrès, il vous colle une taxe? C'est épeurant, non?

Obama n'a pas esquivé la question, mais il en a profité pour rappeler aux Américains l'importance et l'urgence d'un changement de valeurs et de mentalités. Ce fut son grand message de la soirée au cours d'une désacralisation qui n'a pas eu lieu.

À la fois posé, élégant et drôle, passant de la légèreté au sérieux sans jamais rien forcer, Obama est le président le plus cool au monde. Cool au sens de parfaitement à l'aise, promenant sur le monde un regard à la fois détaché, profond et dénué de prétention.

Jeudi soir chez Leno, Obama n'a pas banalisé son titre ni désacralisé sa fonction. Au contraire, il a humanisé la présidence et a remis de l'humour et de la dérision dans une fonction qui en manque cruellement. En même temps, malgré ses blagues sur sa nouvelle vie dans la bulle présidentielle, il n'a jamais manqué de respect au symbole qu'il représente. Ça doit être cool d'être président, a lancé Jay Leno aux téléspectateurs en début d'émission. En effet. Plus cool que ça, tu t'appelles Barack Obama.