Je suis pour la reconnaissance du droit de grève aux étudiants, mais les libéraux de Philippe Couillard ne veulent pas en entendre parler.

Ils refusent d'encadrer la démocratie étudiante, alors que tout le monde, ou presque, leur demande d'agir.

La Fédération des cégeps, qui regroupe les 48 cégeps publics de la province, le recteur de l'UQAM, Robert Proulx, Lise Bissonnette, qui a cosigné un rapport sur une loi-cadre des universités et qui préside le conseil d'administration de l'UQAM, Serge Ménard, qui a rédigé un rapport sur la crise étudiante de 2012, et même le Parti québécois disent la même chose: encadrer la démocratie étudiante.

Qu'attend le ministre de l'Éducation, François Blais? Visiblement, les libéraux n'ont rien appris de la crise de 2012 et des dérapages de cette année. S'ils s'imaginent que les grèves vont disparaître par l'opération du Saint-Esprit, ils se trompent.

Les grèves étudiantes existent depuis plus de 50 ans. Elles continueront de perturber les campus, peu importe la pensée magique des libéraux.

De quoi le gouvernement a-t-il peur? Du bordel? Mais c'est le bordel! En se fermant les yeux, il a ouvert la porte aux pires dérapages.

Les cégeps sont inquiets. L'automne sera chaud. Il faut profiter de l'accalmie des prochains mois pour encadrer la démocratie étudiante, m'a dit Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps.

Les cégeps et les universités sont laissés à eux-mêmes. En 2012, ils étaient écartelés entre deux missions impossibles: assurer la sécurité de leur campus et faire respecter les injonctions obtenues par les étudiants qui voulaient poursuivre leurs cours. Au total, 43 des 47 injonctions demandées ont été accordées.

Cette année, l'UQAM a été prise d'assaut. Les images étaient désolantes: des étudiants masqués, des policiers qui essayaient de rétablir l'ordre, des professeurs dépassés et divisés, des journalistes bousculés, un recteur débordé. Le chaos.

Le ministre de l'Éducation a dit au recteur: on est avec vous, merci bonsoir. Pour le reste, débrouillez-vous.

Encadrer. Et rapidement. Modifier la loi de 1983 sur l'accréditation et le financement des associations étudiantes pour définir les règles entourant les votes de grève.

Le vote devrait être secret - une évidence - pour éviter les assemblées-fleuves, les tentatives d'intimidation et autres dérives. Avec un quorum, c'est-à-dire un nombre démocratiquement acceptable d'étudiants présents aux assemblées.

Vous êtes contre la grève? Impliquez-vous et allez voter!

Mais le gouvernement ne veut pas toucher à la loi.

Comment un ministre de l'Éducation, issu, en plus, du sérail universitaire, peut-il lever le nez sur cette solution?

Il a probablement peur de se mettre le bras dans le tordeur. Sur ce point, il a raison. Si le gouvernement encadre la mécanique du vote, il sera obligé de franchir le pas suivant: reconnaître le droit de grève.

Car on ne peut pas faire l'exercice à moitié. Si les étudiants votent pour la grève selon les règles de l'art, l'université devra respecter leur décision. Elle ne pourra pas leur dire: merci pour ce bel exercice démocratique, allez maintenant jouer dans votre carré de sable. Les universités seront obligées de suspendre les cours. Et alors? Le ciel ne leur tombera pas sur la tête. Au moins, le vote sera le reflet de la majorité. Personne ne pourra remettre en question sa légitimité.

Pourquoi ne pas reconnaître le droit de grève? Le gouvernement préfère les grèves sauvages, comme celle qui a mis l'UQAM sens dessus dessous?

Les opposants affirment qu'on ne peut pas déployer l'artillerie lourde du Code du travail qui régit les relations entre les travailleurs et les employeurs. Les étudiants sont des bénéficiaires et non des employés et ils ne sont pas encadrés par une convention collective.

C'est vrai, mais la grève ne se limite pas au milieu du travail. Je préfère la définition plus large de Serge Ménard, ex-ministre péquiste, avocat respecté et auteur du rapport sur les grèves de 2012 que le gouvernement Marois s'est empressé de tabletter. «Une grève est une interruption volontaire et collective dans le but de protester.»

Selon lui, les juges ne voudront plus accorder d'injonctions, car «le droit de grève aura été obtenu dans des conditions démocratiques, sans contrainte et sans intimidation. Il n'y aura plus de vide juridique».

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Pourquoi nier aux étudiants le droit de manifester, de protester et de faire la grève? Les travailleurs ont le droit, mais pas eux? Ils peuvent uniquement «boycotter» leurs cours, rien de plus? Pourquoi les infantiliser?

Le visage de l'université a changé au cours des 50 dernières années. Les établissements sont passés de 8 à 18, le nombre d'étudiants a augmenté de 50 000 à 300 000, et les budgets de fonctionnement ont explosé, grimpant de 60 millions à 4 milliards.

C'est quasiment un État dans un État. On ne peut plus se contenter de la loi minimaliste de 1983 qui se contente de régir les règles d'appartenance à une association étudiante.

Le gouvernement n'est pas obligé de copier le Code du travail. Il peut accoucher d'une version allégée qui serait adaptée aux universités et aux cégeps: vote secret et reconnaissance du droit de grève. Simple et tellement plus démocratique.

Je ne comprends pas l'entêtement du gouvernement, comme s'il préférait le vide juridique à une loi bien ficelée. Qu'attend-il pour agir? Que le ciel lui tombe encore sur la tête?