Un cours d'histoire obligatoire au cégep? Le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, en a parlé la semaine dernière. Ce n'est pas une idée en l'air ou un ballon d'essai. Il est sérieux. Il veut que ça bouge vite, très vite, et que ça se réalise en moins de deux ans.

Vendredi, après avoir prononcé un discours soporifique (zzz...) devant la Chambre de commerce de Montréal, le ministre a répondu aux questions des journalistes.

Il a précisé ses intentions sur les cours d'histoire. Ils seront obligatoires pour tous, sans exception, que les élèves soient inscrits en formation générale ou dans un programme technique. Des cours sur l'histoire du Québec. Oui, encore, même si les élèves l'étudient en troisième et quatrième secondaire.

Le ministre ne se faisait pas prier pour parler du contenu des futurs cours qui seront axés sur l'histoire nationale. On a même eu droit à un cours éclair sur la révolte des Patriotes, mais pour le reste, Pierre Duchesne est resté flou.

Combien coûtera une telle mesure? Aucune réponse. Les cégeps, faut-il le rappeler, subissent des compressions budgétaires depuis deux ans. Ils n'ont pas de machine à imprimer de l'argent dans leur sous-sol et ils n'ont pas le droit d'imposer des droits de scolarité. Leur marge de manoeuvre est pratiquement nulle.

Où trouver des professeurs compétents capables d'enseigner l'histoire, de Gaspé à Québec, en passant par Gatineau et Trois-Rivières? Il existe 48 cégeps publics fréquentés par 175 000 étudiants, auxquels il faut ajouter les 25 établissements privés. Ça fait beaucoup de profs d'histoire à dénicher et à former.

Autre «détail»: les cégeps devront revoir leur grille de cours déjà surchargée pour y caser un cours d'histoire.

Mais bon, le ministre y tient à son cours. L'histoire politique occupera une place de choix: conquête, révolte des Patriotes, crise de la conscription, rapatriement de la constitution, etc. Quoi de mieux que de rappeler les moments les plus sombres de l'histoire pour entretenir la flamme nationaliste?

Marie Malavoy, ministre de l'Éducation, est en train, elle aussi, de mettre son nez dans l'histoire. Elle veut rebrasser le contenu des cours au secondaire, car, a-t-elle candidement avoué cet automne, «on a un peu noyé le poisson de la souveraineté». Pierre Duchesne a été plus subtil que sa collègue, mais son but est le même.

Les libéraux de Jean Charest ont effectivement noyé le poisson de la souveraineté lorsqu'ils ont créé le nouveau cours Histoire et éducation à la citoyenneté, en 2006. Ils ont accouché d'un programme où l'histoire est savamment passée à l'eau de Javel et enrobée dans des compétences transversales indigestes.

En troisième secondaire, l'enseignement est chronologique et va de 1500 à aujourd'hui. En quatrième secondaire, l'histoire est enseignée par thèmes: population, économie, culture, pouvoir, enjeux de société. Le tout patauge dans la sauce des compétences transversales, «où l'élève est invité à faire preuve d'une plus grande empathie envers les acteurs et les témoins de l'époque lorsqu'ils interrogent les réalités sociales». Hein?

Chaque thème doit aussi être «un exercice formateur de citoyenneté».

Cette pédagogie fourre-tout, faite de compétences transversales, de faits historiques et de thèmes, oblige l'élève à se promener à travers le temps. Elle ne peut qu'engendrer de la confusion et de la redite. Cette poutine historique tend vers un but: faire des Québécois de bons citoyens. Cette obligation est répétée à la fin de chaque chapitre du programme d'histoire.

La ministre Malavoy veut y rajouter sa propre sauce, celle de la souveraineté. Et Pierre Duchesne, lui, veut enfoncer le clou en recommençant l'exercice au cégep.

Les libéraux veulent faire des élèves de bons citoyens; le PQ, lui, veut les transformer en bons nationalistes. Je caricature à peine.

Avant d'imposer un cours d'histoire du Québec au cégep, le gouvernement devrait d'abord faire le ménage dans les cours du secondaire. Certains historiens demandent le retour du gros bon sens, soit enseigner l'histoire de façon chronologique: des origines à 1840 en troisième secondaire; de 1840 à nos jours en quatrième. Un enseignement solide, débarrassé du barda des compétences transversales, où l'élève apprend les grands événements qui ont marqué l'histoire du Québec.

Il pourrait même y avoir du par coeur. L'attitude hystérique contre la mémorisation me fait mourir. Oui, apprendre par coeur pour bien ancrer les faits dans la tête des élèves. Une fois qu'ils auront appris la base, ils pourront faire des liens. Pas le contraire, soit faire des liens sans connaissance préalable. La réforme aime mettre la charrue avant les boeufs, pas juste en histoire.

Donc apprendre. La base. Les faits.

Inutile alors de revenir sur l'histoire du Québec au cégep. Les étudiants devraient plutôt suivre un cours d'histoire du XXe siècle. Pour comprendre non seulement le Québec, mais aussi le monde, le vaste monde, dans lequel ils vivent.

Pour joindre notre chroniqueuse: mouimet@lapresse.ca