Mercredi, Bernard Trépanier a tout nié. Ou presque. La collusion? Quelle collusion? Il ne faisait que vendre des billets pour des activités de financement. La veille, il avait juré qu'il ne faisait qu'ouvrir des portes pour Dessau, qui lui a versé 900 000$ en huit ans.

Après l'ouvreur de portes, le vendeur de billets.

Pas facile à suivre, Bernard Trépanier. Ses explications étaient confuses, laborieuses, alambiquées. Il était tout sauf clair, même s'il a prétendu le contraire.

«Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais je suis direct», a-t-il dit.

Non, je n'ai pas remarqué. La juge France Charbonneau non plus. Elle lui a dit, au milieu de ses explications échevelées: «J'ai de la misère à vous suivre.»

Elle n'était pas la seule.

Trépanier a nié être à l'origine d'un système de partage des contrats. Nié comme un arracheur de dents. Le procureur Denis Gallant s'est énervé.

«Ils [les dirigeants de firmes de génie] l'ont tous admis, et trois d'entre eux ont démissionné. Avez-vous été à l'origine d'un système de partage des contrats?»

«Non, a répondu Trépanier, je vendais des billets.»

Mais le procureur Gallant ne l'a pas lâché. «Ils ont même expliqué comment ils vous donnaient de l'argent. Ils se sont tous parjurés?»

Trépanier a fini par admettre qu'il partageait les contrats entre les firmes de génie-conseil. Il fallait bien récompenser «ceux qui nous aident». Mais, a-t-il insisté, il n'y avait pas de collusion, pas de ristournes, pas de 3%, pas de contrats truqués. Il vendait des billets pour des activités de financement. Rien de plus.

Sauf qu'il est contredit par une dizaine de témoins, qui ont tous dit la même chose: Trépanier exigeait 3% de la valeur des contrats qui étaient truqués. Il était au coeur d'un système de collusion.

On ne peut pas dire que Bernard Trépanier a inventé la corde à linge sans épingle. Il y avait un cerveau derrière le système, et ce n'était pas lui. Si on se fie aux nombreux témoignages entendus à la commission Charbonneau, ce cerveau s'appelait Frank Zampino, l'homme de confiance du maire Gérald Tremblay, son bras droit.

Rosaire Sauriol, ex-vice-président de Dessau, a dit que Zampino était «l'homme le plus puissant de Montréal». Le vice-président de SNC-Lavalin, Yves Cadotte, a affirmé que Trépanier jouait un rôle important, mais que c'était «Frank Zampino qui était derrière tout ça».

Quand Zampino a été accusé dans l'affaire du Faubourg Contrecoeur pour fraude, complot et abus de confiance, la Sûreté du Québec l'a décrit comme la tête dirigeante du stratagème. C'était lui qui tirait les ficelles.

Hier, la Commission a posé des questions sur Frank Zampino. Bernard Trépanier a minimisé son rôle. Frank, son grand «chum», ne savait rien. «Zampino m'a dit: «T'as voulu t'occuper du financement. Moi, je veux rien savoir.»»

Est-ce que Trépanier essaie de protéger Frank Zampino?

En écoutant Trépanier roter dans le micro, esquiver les questions du procureur Gallant, s'empêtrer dans des explications confuses, je me suis demandé comment cet homme mal dégrossi avait pu devenir aussi puissant.

Comment a-t-il pu exiger autant d'argent de firmes de génie-conseil comme Dessau et SNC-Lavalin, comment les a-t-il convaincues de cracher des centaines de milliers de dollars pour financer Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay?

Et Gérald Tremblay qui passait son temps à répéter qu'il ne savait rien et que toutes ces histoires de ristournes et de financement illégal n'étaient que des inventions de journalistes en mal de copie. Combien de fois a-t-il dit «C'est assez! Je n'accepterai pas qu'on salisse ma réputation»?

Tout ce déballage d'histoires - les confessions des fonctionnaires, des entrepreneurs en construction et des dirigeants de firmes de génie qui se sont fouettés en faisant leur mea-culpa - converge vers un point: la mise en place d'un système de corruption et de collusion qui permettait de remplir les coffres d'Union Montréal et de faire élire Gérald Tremblay.

C'est tout simplement renversant.

Et dire que Jean Charest a résisté pendant deux ans avant d'accepter de créer une commission d'enquête. Les Montréalais avaient le droit de savoir. Aujourd'hui, ils savent. Et ils n'ont pas encore entendu les témoignages de Frank Zampino et de Gérald Tremblay.

mouimet@lapresse.ca