Le récit est saisissant. Un des 24 membres du commando qui a assassiné Oussama ben Laden, Mark Owen, raconte l'opération dans le moindre détail.

Dans le livre Au coeur du commando qui a tué ben Laden, publié au Seuil, on a droit à la totale: les soldats qui débarquent la nuit dans la résidence fortifiée d'Abbottabad, au Pakistan, où se cache ben Laden, et qui «nettoient» la place en abattant tous les hommes présents; les portes qui explosent, le commando qui monte à pas de loup les marches qui mènent à la chambre de ben Laden, son corps criblé de balles qui baigne dans le sang et les éclats de cervelle sous les yeux horrifiés de ses deux femmes et de trois enfants; puis la fuite du commando, qui s'empresse de quitter le pays avant que le Pakistan comprenne que les Américains viennent de violer leur espace aérien.

On a même droit aux états d'âme de l'auteur, qui a monté les marches derrière le soldat qui a tiré les premières balles sur ben Laden, sa peur lorsque son hélicoptère s'est écrasé dans la cour de la résidence d'Abbottabad.

«La peur m'écrase la poitrine à voir le sol se précipiter vers moi, écrit-il. Je ne contrôle rien, et je crois que c'est ce qui m'effraie le plus. [...]

- Saute, bordel! me crie Walt qui me pousse dehors.

«Je tombe accroupi dans la cour. Malgré les 25 kilos de matériel...»

Pas de la grande littérature, mais un récit au «je», efficace, prenant.

Le lecteur est aux premières loges de l'assaut, il suit pas à pas les soldats qui se sont engouffrés dans la chambre de ben Laden dans la nuit du 1er au 2 mai 2011.

Le terroriste le plus recherché de la planète ne s'est pas défendu. Le soldat qui grimpait les marches en avant d'Owen a vu une silhouette apparaître dans le corridor. Il a tiré plusieurs balles sans hésiter.

«Les balles ont touché [ben Laden] au côté droit du visage, raconte Owen. [...] Dans son agonie, il est encore agité de tressaillements et de convulsions. Avec l'autre Seal [soldat d'élite], je pointe mon laser sur sa poitrine et tire plusieurs fois. Les balles planquent le corps au sol et bientôt il ne bouge plus.»

Le récit qui suit est surréaliste. Owen nettoie le sang sur le visage de ben Laden, puis il le prend en photo. Son coéquipier, lui, recueille des échantillons d'ADN. Pendant ce temps, les autres fouillent la résidence et prennent tout ce qui leur tombe sous la main: clés USB, CD, DVD, cartes mémoires. «Les pièces sont dans un état impeccable, parfaitement bien rangées», précise Owen.

Le commando met le corps de ben Laden dans un sac mortuaire, puis il court vers l'hélicoptère et «jette le corps sur le plancher». Dans l'appareil, les hommes sont tellement entassés que l'un d'eux doit s'asseoir sur la poitrine de ben Laden.

Ben Laden ne s'est pas défendu, même si le commando a fait du bruit. Il aurait eu le temps de s'armer ou de mettre une ceinture d'explosifs autour de sa taille. Le plus renversant, c'est la conclusion d'Owen. Ben Laden, écrit-il, est un lâche et il s'est «déshonoré» en refusant de se battre.

«Pendant des dizaines d'années, écrit Owen, ben Laden a exigé de ses partisans qu'ils endossent des vestes bourrées d'explosifs ou qu'ils jettent des avions sur des gratte-ciel, mais lui n'avait même pas pris son arme. Dans nos missions, nous avons rencontré ce phénomène fréquemment. Plus ils étaient haut placés dans la chaîne, plus ils étaient lâches.»

Ben Laden a été froidement assassiné. Owen est le héros; ben Laden, le lâche.

Avant d'arriver au récit palpitant de la mort de ben Laden, le lecteur doit se taper 165 pages d'anecdotes sur la vie des Seals, la crème de la crème des soldats américains.

Pour ceux qui aiment la testostérone, les gros bras, les armes et les blagues des «mâles alpha», c'est un délice. Pour les autres, la lecture est d'un ennui mortel, jalonnée par des entraînements féroces et des missions en Afghanistan et en Irak. Toujours les mêmes missions: prendre d'assaut une position ennemie, abattre des hommes, puis rentrer tranquillement au bercail pour recommencer quelques semaines plus tard. Entraînement, mission, blagues machos, etc.

Owen laisse beaucoup de cadavres dans son sillage.

Après avoir tué ben Laden, les Seals ont rencontré le président Obama, qui les a accueillis en héros. Mais la vie, la vraie vie, a vite repris ses droits. De retour à la maison, ils ont dû changer les couches du bébé. «Tu crois qu'elle m'a laissé le temps de m'asseoir et de prendre une bière? se plaint un collègue d'Owen. Même pas!»

Changer des couches, eux, les héros.

Dure, dure, la vie de Seal.

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Au coeur du commando qui a tué ben Laden, de Mark Owen. Seuil, 320 pages.

en librairie depuis le 26 novembre