Le maire de Saint-Lambert, Sean Finn, m'a envoyé une enveloppe. À l'intérieur, une copie de ma chronique sur Montréal, celle où je parlais d'éthique tout en traitant Gérald Tremblay de Ponce Pilate.

Agrafée à ma chronique, le code d'éthique de la Ville de Saint-Lambert et une note rédigée par le maire Finn: «Michèle, excellent article. Nous avons un code d'éthique à Saint-Lambert depuis 1996.» Signé: Sean.

 

Je ne connais pas le maire Finn, je ne l'ai jamais rencontré.

Je l'ai peut-être croisé en 2007 lorsque les villes défusionnées, y compris Saint-Lambert, passaient leur temps à se chicaner avec Longueuil. Rien de mémorable.

Un grand démocrate, le maire Finn? Pas vraiment. Il est plutôt du genre Finn 1er. Il n'hésite pas à envoyer des huissiers chez des citoyens qui font des demandes d'accès à l'information auprès de la Ville. Sa ville, pour ne pas dire son royaume.

Pendant que le maire Finn se bat contre ses citoyens tout en contournant l'esprit de ses règles d'éthique, il prend le temps de m'écrire une petite note. Je l'ai donc appelé pour discuter du club de golf de Saint-Lambert, sur lequel flotte une odeur pas très catholique. Il a refusé de me parler. Tout à coup, il n'avait plus une minute à lui.

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L'histoire tourne autour du Country Club de Montréal (CCM), un club de golf privé situé à Saint-Lambert auquel M. Finn, sa femme, ses cinq enfants, un conseiller municipal et la directrice générale de la Ville, Michèle Lortie, sont abonnés.

Le club couvre 7% de la superficie de Saint-Lambert. La Ville est propriétaire; le club, locataire.

Un club qui en arrache. Le nombre de membres est passé de 633 en 1998 à 557 en 2007. En 2006, l'année s'est terminée avec un déficit de 66 618$, épongé par les membres, dont M. Finn et Mme Lortie, au moyen d'une cotisation spéciale. Même chose en 2007 et 2008: les déficits de 110 121$ et 109 615$ ont été payés par les membres.

Pour devenir membre à temps plein du club, il faut verser 4900$ par année, sans oublier un droit d'entrée qui a fluctué dans le temps, variant de 4000$ à 20 000$.

La Ville a donné un bon coup de main au CCM en signant, en 2008, un nouveau bail qui court jusqu'en 2050. Un bail en or que n'importe quel locataire rêverait de signer.

Le club doit, en principe, verser un loyer de 40 000$ par année, deux fois moins que dans l'ancien bail. Le CCM n'envoie pas un chèque de 40 000$ à la Ville. Il s'engage plutôt à investir 40 000$ dans ses immeubles et ses équipements. C'est ce que le bail précise. Article 11.1.

Non seulement le CCM ne paie pas de loyer, mais, en plus, la Ville subventionne ses travaux! Même tour de passe-passe pour les loyers impayés de 2006 à 2008, soit 240 000$. Le CCM a investi près de 240 000$. Et hop, plus de loyer à payer! Pratique.

Autre coup de pouce: la clôture. Article 12.5 du bail: la Ville s'engage à investir 10 000$ par année pour l'entretien de la clôture et de la voie d'eau qui circule à travers le terrain. Une subvention à peine déguisée.

Les citoyens de Saint-Lambert paient pour permettre à 600 membres de jouer au golf, dont le maire et la directrice générale, Michèle Lortie. C'est elle, d'ailleurs, qui a négocié le bail au nom de la Ville.

Saint-Lambert ne nage pas dans l'argent. Depuis 2006, les taxes ont augmenté de 4,8%.

Un groupe de citoyens a décidé de demander des comptes au maire. Dès qu'ils voulaient obtenir des documents, la Ville leur répondait d'utiliser la Loi sur l'accès à l'information. Cinq citoyens ont donc envoyé 28 demandes entre avril 2008 et mars 2009, soit 2,3 par mois.

Réponse de la Ville: il y a trop de demandes. Elle a formulé une requête auprès de la Commission d'accès à l'information pour qu'elle l'autorise à ne pas en tenir compte. Elle a même envoyé un huissier chez chacun des cinq citoyens.

Le problème, ce n'est pas l'ampleur des sommes impliquées, mais l'outrecuidance du maire Finn, qui intimide des citoyens en leur envoyant des huissiers, un maire qui dirige sa ville comme un seigneur qui n'a pas de comptes à rendre à ses vassaux, un maire qui refuse de répondre aux questions légitimes des journalistes. Bref, un maire qui ne mérite pas d'être maire.

Sean Finn se pète les bretelles parce que sa ville a un code d'éthique. Il devrait peut-être le relire, car il précise que «les élus» et «le personnel de direction» doivent éviter «de se placer sciemment en situation susceptible de mettre en conflit, d'une part, leur intérêt personnel ou celui de leurs proches et, d'autre part, les devoirs de leurs fonctions».

Et qui a proposé l'adoption de ce code en 1996? Le conseiller municipal Sean Finn.

Courriel Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca