À la fin mars, j'ai raconté l'histoire de Chantal. Elle a rencontré Louis chez des amis, ils se sont plu dès le premier regard. Elle était mariée, lui aussi. Ça s'intitulait: «Un homme au-dessus de tout soupçon».

Ils ont flirté pendant des mois avant de devenir amants. Chantal a quitté son mari, Louis, sa femme. Ils ont filé le parfait amour pendant plusieurs années.

Chantal était trop amoureuse pour comprendre que son bonheur se détraquait. Elle était incapable de décoder les signaux: la froideur de Louis, sa distance, son refus de vivre avec elle.

Jusqu'au jour où, en fouillant dans ses affaires, elle a découvert ce qui se cachait sous la surface respectable de Louis: un abonné aux sites pornos, aux escortes et aux salons de massage.

Chantal a rompu. Aujourd'hui, elle essaie de rapiécer son âme.

Beaucoup de femmes se sont reconnues dans la douloureuse histoire de Chantal. Voici ce que deux d'entre elles m'ont écrit.

«C'est la quatrième fois que je relis votre chronique. J'ai vécu une histoire semblable, mais dans mon cas, mon mari s'envoyait en l'air avec des hommes dans les parcs. Sans protection.

J'avais 20 ans lorsque je l'ai marié. C'était l'amour de ma vie. Nous avons eu deux enfants et nous avons passé 18 ans ensemble. Je n'ai jamais eu de doutes. Pourtant, il avait toujours eu des relations homosexuelles, à l'adolescence et tout au long de notre mariage.

Mes enfants et moi avons passé le test du sida. C'était au début des années 90. À l'époque, il fallait attendre longtemps avant d'obtenir les résultats. Je me disais que si les enfants étaient séropositifs, je le tuerais. Nous avons heureusement été épargnés.

Aujourd'hui, mes enfants sont dans la vingtaine. J'ai tourné la page. Avec de l'aide. Oui, je me suis fait voler mon âme, mais j'en ai reconstruit une nouvelle. Avec de la patience et du temps, on finit par s'en sortir.

Au printemps dernier, j'étais en voiture et j'attendais à une intersection. Je regardais les piétons traverser la rue. J'ai vu un homme qui me semblait familier. Ce n'est que trois coins de rue plus loin que je l'ai reconnu. C'était mon ex, le père de mes enfants. C'est là que j'ai compris que j'avais vraiment tourné la page.»

Et celle-ci.

«Votre chronique a fait remonter de douloureux souvenirs. Moi aussi, j'ai fréquenté un homme au-dessus de tout soupçon. Un homme merveilleux que j'ai rencontré il y a une quinzaine d'années. Mon mariage battait de l'aile, tout comme celui de Chantal. Nous nous sommes courtisés subtilement et longuement avant de plonger.

J'ai finalement quitté mon mari. Mon amoureux était un homme cultivé, raffiné, attentif, brillant. Un bel homme qui «respectait» mon souhait de vivre seule avec mes enfants. J'étais heureuse. Je l'ai présenté à ma famille qui l'adorait. J'avais une confiance absolue en lui.

Chaque instant me paraissait magique. Il avait quitté sa femme et vivait chez son vieux père malade. Mais avec le temps, je le voyais de moins en moins. Un jour, je l'ai croisé sur la route alors qu'il devait être à l'extérieur de la ville.

Les doutes qui me hantaient depuis un moment semblaient se confirmer. Comme Chantal, j'ai fouillé. J'ai inspecté les poches de son pantalon pendant qu'il se douchait. J'ai trouvé une liste comprenant prénoms, adresses, numéros de téléphone, tarifs et... spécialités (dominatrices, transsexuelles, «gang bang»...). J'ai aussi découvert qu'il vivait encore avec sa femme.

Je l'ai confronté. Il a presque tout avoué.

Moi aussi, je suis allée chez le médecin; il ne m'avait pas transmis de MTS, Dieu merci. Et moi aussi, j'ai rompu. Je me suis détestée de l'avoir aimé. Je me considère comme une femme intelligente. Pourtant je me suis trouvée idiote, tellement idiote. J'ai mis des années à m'en remettre. Des années avant que je puisse de nouveau faire confiance à un homme.

Si vous croisez Chantal, dites-lui que je la comprends et qu'un coeur brisé peut se réparer. Avec le temps.»

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Parlant de femmes, je n'ai pas pu m'empêcher d'être irritée en voyant les politiciens occidentaux déchirer leur chemise parce que l'Afghanistan avait adopté une loi qui permet aux hommes de violer leur femme.

Ils ont raison d'être scandalisés. Cette loi, qui vise la minorité chiite, est inacceptable. Pourtant, ces politiciens qui n'ont pas assez de mots pour exprimer leur indignation, pas assez de chemises à déchirer, sont prêts à négocier avec les talibans, car ils croient que c'est la seule façon de se retirer d'Afghanistan. Ils savent qu'ils ne gagneront jamais cette guerre.

Ont-ils oublié de quel bois se chauffent les talibans? Ont-ils effacé de leur mémoire le traitement qu'ils réservaient aux femmes: pas le droit de sortir de la maison sans un homme de la famille, pas le droit d'aller à l'école, de travailler... Ont-ils oublié les exécutions publiques dans le grand stade de Kaboul, éliminé de leur cerveau les images de ces femmes en burqa, à genoux, un fusil pointé sur la tempe?

«Nous sommes prêts à négocier avec les talibans modérés», précisent les politiciens. Le mollah Omar, le chef des talibans qui a régné sur l'Afghanistan de 1994 à 2001, est un modéré. C'est avec lui que les Occidentaux devront conclure un accord. Croyez-moi, il sera sans pitié avec les femmes.

Alors, messieurs les politiciens, gardez-vous quelques chemises en réserve, car lorsque les talibans vont reprendre le pouvoir, vous en aurez drôlement besoin.