Je voulais poser une question, une seule à Mario Dumont: «Avez-vous lu le programme du cours Éthique et culture religieuse?»

Selon M. Dumont, le multiculturalisme prôné par Pierre Elliott Trudeau hante le programme. À quelle page a-t-il lu ça?

Mais le chef de l'ADQ ne m'a pas rappelée. Trop occupé. «Vous savez, on est en campagne électorale», a précisé son attachée de presse.

Merci de m'en informer.

Dimanche, Mario Dumont a taillé en pièces le cours d'éthique et de culture religieuse qui constitue «une manière détournée d'imposer le multiculturalisme à la Trudeau».

Ceux qui ont pondu ce cours, a-t-il précisé, sont «les mêmes qui se battent pour qu'il n'y ait plus d'arbres de Noël dans les classes (...) et pour faire disparaître des mots comme Pâques». Le Québec a sorti la religion des écoles parce que «la société est incapable de se tenir debout».

Le multiculturalisme mène à des dérapages, l'identité québécoise s'égare et la société perd son identité. «C'est la résultante d'une dérive bureaucratique», a-t-il conclu.

Je résume: disparition des sapins de Noël et des lapins de Pâques " bureaucrates " cours d'éthique = dangers pour le moi du québécois de souche roulé dans sa ceinture fléchée.

Comment M. Dumont peut-il faire des liens aussi, comment dirais-je? Échevelés? Incongrus? Démagogues? Pas rapport?

Précisons d'abord que le cours d'éthique n'est pas sorti du cerveau malveillant des bureaucrates qui voulaient annihiler l'identité québécoise.

La laïcisation des écoles a suivi un long processus. En 1998, les commissions scolaires ont perdu leur statut religieux pour devenir linguistiques. C'est Pauline Marois qui a mené cette délicate opération.

Deux ans plus tard, les écoles sont devenues laïques. Dans l'indifférence générale. En septembre, le dernier jalon a été posé: la religion a été remplacée par un cours d'éthique et de culture religieuse.

Il y a eu des consultations. En 2004, le Comité sur les affaires religieuses, composé, entre autres, de parents et de théologiens, a recommandé au gouvernement d'instaurer un programme où l'élève apprend l'histoire des religions en dehors de tout prosélytisme.

On est loin de la dictature des bureaucrates.

M. Dumont veut remplacer les cours d'éthique et de culture religieuse par du français.

Mauvaise idée.

Le cours n'est pas parfait, loin de là, mais il a le mérite de décoller les élèves de leur nombril et de les ouvrir sur d'autres cultures.

À l'école primaire, j'étais obligée d'apprendre le petit catéchisme par coeur. Le manuel contenait une série de questions: Où est Dieu? Dieu est partout. Qui est Dieu? Dieu est infiniment bon, infiniment aimable, infiniment parfait.

Je m'arrachais les cheveux. C'était du chinois sous-titré en serbo-croate. C'est là que j'ai commencé à prendre la religion en grippe. Je me suis juré que je n'infligerais pas ça à mes enfants.

J'ai donc inscrit ma fille aux cours d'enseignement moral. Elle apprenait des évidences d'une renversante insignifiance.

Dans le cours d'éthique et de culture religieuse, il y a du contenu, de l'histoire avec, en filigrane, un regard critique. Il était temps.

Seule une poignée de farouches catholiques ont protesté, mais ils représentent un courant marginal dans la société. Lundi, des Bérets blancs, des ultras catholiques, ont applaudi M. Dumont. À sa place, j'aurais été gêné.

M. Dumont est reconnu pour son flair politique, sa capacité à mettre le doigt sur des sujets qui touchent une corde sensible. Lors des dernières élections, il a misé sur les accommodements raisonnables, une stratégie qui lui a permis de rafler le titre d'opposition officielle.

Cette fois-ci, il se trompe royalement. Seulement 1448 élèves, sur un total d'un million, ont demandé d'être exemptés du cours d'éthique et de culture religieuse.

Faites le calcul, M. Dumont. Ça donne 0,14% des élèves du Québec. Moins de 1%. Ça ne fait pas beaucoup de votes.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca