La semaine qui s'achève a été éprouvante pour la société québécoise. Jamais, depuis les affaires Guy Cloutier et Claude Jutra, nous n'avions vécu une telle chose. Comme beaucoup d'entre vous, je suis passé par toute une gamme d'émotions. Et j'ai tenté, tant bien que mal, de nommer ces émotions.

J'ai beaucoup lu les commentaires rédigés sur les réseaux sociaux, dans les journaux et sur les blogues. J'ai aussi écouté et regardé les tribunes téléphoniques. Il se dégage de cela une foule de sentiments contradictoires reliés par la douleur.

Le public est en colère. « C'est juste un maudit écoeurant ! Je n'ai jamais aimé sa face de toute façon ! », a-t-on dit sur des tribunes téléphoniques (donnons vite un trophée à Denis Lévesque pour la patience et la tolérance dont il fait preuve).

Le public est dans le déni (sinon carrément aveugle). « Mon beau Éric, je ne crois pas une seconde ce qu'on a écrit sur toi. Je souhaite que tu reviennes au plus vite ! », a-t-on écrit sur les réseaux sociaux.

Le public est profondément déçu et a le sentiment d'avoir été berné. Le Québec, que l'on dit plus près de « ses vedettes » que toute autre culture, entretient une relation très particulière avec elles. Ces personnalités appartiennent au public et elles sont une grande source d'inspiration pour lui.

Éric Salvail est un exemple flagrant de cela. On a rarement vu quelqu'un d'aussi ambitieux que lui. Cela était fascinant et gênant à la fois. Mais cela était aussi stimulant et nourrissant pour beaucoup de gens.

Éric Salvail ouvrait les portes, toutes les portes. D'un coup de pied, s'il le fallait. C'est pour cela que le public l'aimait et l'admirait. Il racontait l'histoire du petit gars qu'il avait été et qui avait voulu par tous les moyens devenir une vedette de la télé, et on avait les yeux mouillés.

Mais au fil du temps, grisé par la gloire et le pouvoir, Éric Salvail a confondu certaines portes. Et il en a poussé certaines qu'il n'aurait pas dû pousser...

Il est curieux de voir que la technique qui l'a mené au sommet lui fait connaître aujourd'hui une terrible chute, sans doute l'une des plus spectaculaires du show-business québécois.

Gilbert Rozon est lui aussi un exemple de grande réussite. L'empire qu'il a construit est colossal. Son talent, son charme, son génie à identifier les bonnes ficelles du système et à savoir sur lesquelles tirer, tout cela a joué en sa faveur.

Gilbert Rozon sentait la réussite à plein nez. Il était ce prospère Dragon, assis dans son fauteuil, qui écoutait les participants d'un air désabusé. Il était cette grande star de la télé française qui avait mis les « cousins » dans sa poche. Que dire de plus ?

Mais voilà, le rêve que ces hommes nous offraient a été enterré en quelques pelletées de terre. Il faut donc se tourner ailleurs pour trouver de nouveaux héros.

Le public se demande également si les médias parleront autant de ce type de dénonciations quand des femmes et des hommes « ordinaires » cibleront un harceleur aussi inconnu qu'eux.

Que se passera-t-il quand un groupe d'employés d'une petite banque voudront faire éclater la vérité au grand jour au sujet d'un patron aux mains baladeuses ? Cela aura-t-il autant d'écho que pour Éric Salvail, Gilbert Rozon, Michel Brûlé ou Gilles Parent ? Nous intéresserons-nous à leur histoire ?

J'ose croire que oui. J'ose croire que l'intérêt pour les dénonciations des derniers jours n'est pas juste une affaire de « people ».

Le public se demande aussi quand tout cela va s'arrêter. Cela ne s'arrêtera pas, malheureusement. Je demande donc au public de pas écrire sur les réseaux sociaux : « Pus capable des dénonciations », dans quelques jours.

Le public se demande, finalement, sur quoi tout cela va déboucher. Je ne connais pas la réponse. Mais parions que ce sera sur quelque chose qui va nous rapprocher un peu plus du respect et de l'égalité.

Et ça, le public ne peut pas dire non à ça.