Il y a les femmes qui sont descendues dans la rue le week-end dernier pour dire tout le mal qu'elles pensaient de Donald Trump. Et il y a les trumpettes. Ultra-riches, ultra-conservatrices, ultra-adoratrices de Trump, ces femmes ont joué un rôle clé dans son élection. Quant à leurs idées, elles donnent froid dans le dos.

Les trumpettes sont nées de l'initiative de Toni Holt Kramer, résidante de Palm Beach, là où se trouve le club privé de Donald Trump, le Mar-a-Lago. D'ailleurs, toutes les trumpettes sont membres de ce club sélect dont les frais d'adhésion sont de 100 000 $. À coups d'événements spéciaux, d'opérations sur les réseaux sociaux et de collectes de fonds, les trumpettes ont contribué à faire élire celui qu'elles voient comme un véritable sauveur.

« Vous savez, j'ai toujours eu cette vision de lui : un homme flottant dans le ciel, dans un costume de Superman, en train d'attendre de sauver le monde et de servir les États-Unis. Je savais qu'un jour il allait descendre et se retrouver dans le fauteuil de président, dans le Bureau ovale », a déclaré Toni Holt Kramer dans un reportage de TF1.

Cette semaine, je suis tombé sur un autre reportage portant sur les trumpettes, celui de Martin Weill, l'un des membres de Quotidien, émission animée par Yann Barthès (ex-animateur du Petit journal) et présentée sur la chaîne TMC.

Je n'en croyais pas mes yeux et mes oreilles. Ce reportage, diffusé peu avant les Fêtes et qui circule abondamment sur les réseaux sociaux, est l'une des choses les plus surréalistes que j'aie vues dans ma vie.

Martin Weill a eu la bonne idée d'aller rencontrer quelques membres des trumpettes lors d'une « réunion de travail ». La veille de la rencontre, Toni Holt Kramer avait soupé avec Donald Trump. « J'en ai profité pour lui dire que j'arrive enfin à nouveau à dormir », a-t-elle dit fièrement au journaliste.

Des journalistes américains qui se sont intéressés à Toni Holt Kramer nous apprennent que ce personnage coloré est un ancien mannequin qui aurait déjà animé des émissions à potins. Elle a 78 ans, mais prétend en avoir 10 de moins. Cette femme qui a connu sept mariages vit dans un palace orné de tableaux de tigres et de Donald Trump.

Au début du reportage, Toni Holt Kramer présente quelques membres des trumpettes au journaliste. On y découvre une certaine ex-Miss Israël. Pour cette dernière, Trump n'est rien de moins que « le messie venu sauver l'Amérique ».

À un moment donné, le journaliste demande qui sont, au juste, les trumpettes. « Vous êtes d'abord des femmes riches ? », risque-t-il. « Oui, c'est ça, nous sommes riches, dit Toni Holt Kramer. Quand on est riche, on comprend mieux les choses. On a plus de jugeote. Et on ne voulait pas que l'Amérique continue de sombrer comme ça, encore un peu plus. » Et paf ! Ça donne le ton ! Tu sais alors que les prochaines minutes seront étonnantes. Et profondément dérangeantes.

La discussion glisse ensuite sur l'ancienne présidence. On a alors droit à : « On a complètement lavé le cerveau de la jeunesse. Ça fait huit ans qu'on leur répète que le socialisme, c'est génial. [...] Je crois que le socialisme est une menace pour le monde entier. [...] Ils vous lavent le cerveau avec des drogues, vous font fumer tout le cannabis que vous voulez et vous disent que vous allez avoir tout ce que vous voulez, même des appartements, et qu'ils payeront tout ça. Alors évidemment je suis en désaccord à 1000 %. C'est pour cela que je soutiens Donald Trump. »

L'une des membres, jusque-là discrète, prend la parole pour s'attaquer à un sujet costaud. « L'islam est une menace pour l'Amérique et sa population, déclare-t-elle. Et je ne parle pas que de l'islam radical. Je parle de la religion en soi. On a tout à fait le droit d'interdire à tous les musulmans l'accès à notre territoire. Et je ne suis pas raciste. Mon marchand de glaces est musulman. »

Toni Holt Kramer fait ensuite monter le journaliste à bord de sa Rolls-Royce et l'emmène sur l'avenue la plus chic de Palm Beach, Worth Avenue. C'est là que Martin Weill lui demande si, selon elle, Donald Trump va bien représenter les moins nantis de la société américaine. « Évidemment, ça devrait vous sauter aux yeux, dit-elle. Il a des femmes de ménage, il a des serveuses, des secrétaires. Des millions de gens différents travaillent pour lui. Bien sûr qu'il comprend la classe populaire. »

En apparence, ce reportage a un caractère freak show. Mais il nous aide à mieux comprendre pourquoi et comment Trump a réussi à se hisser. Il nous aide à découvrir ceux qui l'ont choisi. Il nous aide à imaginer les quatre prochaines années.

Les meetings des trumpettes ne sont pas anodins. Toni Holt Kramer le dit : ils servent à trouver des idées pour le pays.

Que pensez-vous qu'il va arriver à ces idées ? Elles vont prendre la forme de propositions et parvenir aux oreilles de Donald Trump.

Le problème, il est là. Ce reportage aurait pu rapporter les propos surprenants de ce petit groupe de femmes riches et demeurer de la télé divertissante. Le drame, c'est que ces propos trouveront un écho. Ces femmes ont accès aux équipes de Donald Trump. Leurs idées seront entendues, peut-être même appliquées. Et quand on les entend, cela fait craindre le pire.

Toni Holt Kramer nous fait croire que la tranche de la population américaine dont elle fait partie n'avait plus le droit de s'exprimer depuis huit ans. Un peu plus et elle nous dit que les millionnaires américains ont passé la dernière décennie enfermés dans des cachots.

En tout cas, aujourd'hui, certains reprennent la parole. Et ce n'est pas pour dire des choses inspirantes. À la fin du reportage, on demande à Toni Holt Kramer qui est son candidat préféré à la prochaine élection présidentielle française. Sans surprise, elle affirme qu'il s'agit de Marine Le Pen. Elle dit qu'elle aimerait bien la rencontrer et faire d'elle une trumpette.

Donald Trump n'a pas pu obtenir la présence de toutes les Rockettes lors de la cérémonie de son investiture. Il peut compter sur les trumpettes. Elles seront là pour offrir leur spectacle, celui de la désolation.