Un tribunal du travail à Laval a rendu une décision sans équivoque le 23 juillet : la mort d'un chat ne justifie pas un congé payé.

Vide d'actualité de milieu de vacances d'été oblige, la nouvelle a fait couler beaucoup d'encre et bien des frappes sur les réseaux sociaux.

Mais un animal de compagnie, c'est comme un membre de la famille!

Oui, mais si on accorde un congé pour un chat, ça sera quoi la prochaine fois? Un poisson rouge?

Vous voyez le genre de discussion...

La Loi québécoise sur les normes du travail est claire.

Un salarié - sauf ceux dans le monde du vêtement qui ont des conditions un peu différentes - peut s'absenter de son travail cinq jours, dont un avec salaire (ce sera deux jours avec salaire à compter du 1er janvier 2019), dans le cas du décès ou des funérailles de son conjoint, de son enfant, de l'enfant de son conjoint, de son père ou de sa mère, de son frère ou de sa soeur. La loi prévoit aussi une journée de congé, sans salaire, dans le cas du décès ou des funérailles de son gendre ou de sa bru, de ses grands-parents, d'un de ses petits-enfants, du père ou de la mère de son conjoint, du frère ou de la soeur de son conjoint.

La loi prévoit aussi un congé de 104 semaines sans salaire en cas de décès d'un enfant mineur. 

Mais un chat? Un chien?

Nulle part, là-dedans, ne mentionne-t-on les animaux de compagnie.

Est-ce que la loi pourrait changer?

Peut-être qu'il faudra en discuter pendant la prochaine campagne électorale. Mais pour le moment, la règle est limpide.

Est-ce dire que les employeurs n'ont pas à se préoccuper des gens qui perdent un animal de compagnie? Ne devraient pas les aider à traverser ce deuil? N'ont pas d'obligation de compassion?

Ça, ce sont de tout autres questions.

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Le deuil à la suite de la mort d'un animal de compagnie peut être extrêmement difficile pour certains. Les réactions sont différentes d'une personne à l'autre, tout dépendant des liens qu'on a avec l'animal, évidemment. Mais il est clair qu'un chat ou un chien, par exemple, peuvent presque remplacer un enfant, un frère ou une soeur en importance. Toute disparition peut devenir alors gravissime. Et possiblement le genre de difficulté qui empêche de travailler efficacement.

Mais obliger les employeurs à accorder une journée de congé payé?

Offrir un congé payé, pourquoi pas? Toute entreprise qui choisirait de le faire - par exemple une société menée par une direction particulièrement attachée aux animaux de compagnie et convaincue de leur importance cruciale - mériterait le respect de tous.

Mais obliger les entreprises à le faire, c'est une autre histoire.

Et c'est ce que voulait la dame qui s'est plainte de congédiement déguisé - et aussi de harcèlement - devant le tribunal du travail.

Et c'est ce que le juge administratif a rejeté sans équivoque.

L'affaire a toutefois le mérite de lancer sur la place publique une discussion intéressante sur le soin à apporter aux employés.

Dans un univers de quasi-plein emploi - ce l'est dans quelques régions québécoises - et de quête de main-d'oeuvre particulièrement active, quasi désespérée, dans certains secteurs économiques, ça deviendra peut-être un nouvel élément à ajouter dans la liste des avantages sociaux accordés aux travailleurs pour les encourager à choisir une entreprise et à y rester. Avoir le droit d'amener son animal au boulot fait déjà partie des conditions de travail dans plusieurs entreprises, notamment dans le monde de la technologie. Amazon, le géant américain, le permet. Congé payé en cas de deuil animal : pourquoi pas?

Ce que l'affaire nous rappelle aussi, c'est à quel point le bien-être des employés peut dépasser les cadres traditionnels. Même le juge du tribunal administratif dans cette affaire note dans sa décision que l'employeur aurait pu faire preuve de plus de compassion quand son employée lui a dit qu'elle aurait de la difficulté à aller au bureau à cause de ce deuil.

Peut-être devra-t-on accorder plus d'importance à cette question dans les formations des gestionnaires...

Minimiser la perte d'un animal proche, et la peine qui s'en suit, ne fait certainement pas partie des attitudes à privilégier pour s'assurer de la participation positive d'un employé, même si on s'entend, je le répète, que les droits de l'endeuillé n'ont pas à être les mêmes que dans le cas d'un décès humain...

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On a donc beaucoup parlé de cette décision, creux de l'été oblige, mais il y avait un autre sujet qui s'y cachait pour ceux qui l'ont lue : la qualité du français écrit dans les courriels cités par le juge, des deux côtés de l'affaire. «Je vais me saisir pi mettre mes dossiers à jour pi faire des téléphones», peut-on lire quand la plaignante explique à sa patronne qu'elle restera à la maison. «[...] sa marche pas, il faut ce parler...», dira-t-elle plus tard, alors que la patronne, elle, parle de «l'état d'esprit que tu es présentement».

Et si les problèmes de communication limpide entre employés et employeurs, c'était aussi un peu ça? Appelons un chat un chat...