Montréal électrifie ses transports, a annoncé mercredi officiellement le maire Denis Coderre.

Et il est clair que ce plan rend bien des gens heureux.

Moi, par exemple, je suis contente qu'on bouge et que la mairie s'engage à investir temps et espace pour permettre l'installation de 1000 bornes de recharge pour véhicules électriques dans le centre de la ville d'ici 2020.

J'aimerais juste maintenant trouver une voiture électrique ou une « hybride qui se branche » assez grande pour ma famille, à prix raisonnable. Ce que je n'ai pas encore trouvé. Et j'aimerais ici signaler que je ne suis pas la seule et que bien des vendeurs de voitures ratent de belles ventes en omettant de proposer de telles voitures modernes. Parce que mes amies et moi, on use nos tacots en attendant, et ce sont les garagistes qui empochent.

Le marché des acheteurs est plus que mûr.

Comme Elsie Lefebvre, la conseillère municipale qui pilote le dossier à la mairie, me le rappelait hier en entrevue : la majorité des voitures électriques canadiennes sont au Québec. Apparemment, on est une bande d'early adopters, du moins en comparaison des autres provinces, quand vient le temps de conduire électrique.

Cela dit, au moins maintenant je sais que si un jour je tombe sur la voiture en question, quelqu'un, quelque part en ville, sera prêt à me vendre de l'électricité. Bon départ.

D'ailleurs, s'il y a des gens pas mal contents depuis hier, ce sont ceux chez Add Energie Technologies, l'entreprise de Québec qui va fabriquer et installer ces 1000 bornes électriques que la métropole entend implanter d'ici 2020. La machine coûte 10 000 $. L'installation de chacune, un autre 10 000 $.

Un beau contrat attribué après un appel d'offres lancé par Hydro-Québec.

Parmi les gens pas mal contents, il doit aussi y avoir les entreprises de remorquage.

Et je vais vous expliquer pourquoi.

L'annonce faite hier par la Ville concernait l'installation de 1000 bornes au centre-ville d'ici 2020, mais aussi la mise en place d'autres mesures qui encouragent et permettent l'électrification non seulement de l'automobile du citoyen lambda, mais surtout des véhicules en libre-service, les VLS.

Les VLS, ce sont les BIXI du quatre-roues qui s'appellent aujourd'hui car2go ou Communauto et s'appelleront peut-être demain aussi Autolib', BYD, Zipcar, ou tout autre nom de marque trouvé par Boisvert-Mitsubishi - je crois que ça va prendre quelque chose de plus court et efficace -, les entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour les VLS électriques en ville quand la mairie a fait un appel d'intérêt international. (Je dis Autolib', mais ça pourrait être un autre nom, car c'est celui choisi par la firme française de Vincent Bolloré pour le service à Paris. Peut-être qu'à Montréal, on trouverait une autre marque.)

Ce que la Ville a annoncé hier à ces six acteurs intéressés, c'est qu'il n'y aurait pas de monopole d'entreprise de VLS électrique à Montréal et que ces entreprises se partageraient des vignettes de stationnement spéciales pour garer leurs véhicules au centre-ville et des bornes électriques pour les recharger.

À elles maintenant de jouer, de se faire concurrence. Pas une mauvaise idée.

Sauf qu'on sait tous que ces voitures en libre-service ne sont pas là pour véhiculer principalement des personnes qui habitent au centre-ville et vont travailler au centre-ville. Celles-là, souvent, marchent...

Ces voitures sont plutôt pour des gens qui habitent les quartiers excentrés et s'en servent pour aller travailler dans le centre et rentrer chez eux le soir. C'est la même chose avec les BIXI, que de gros camions doivent constamment déplacer pour alimenter les stations vides et dégager les engorgées.

Sauf que s'il n'y a pas de bornes électriques dans les quartiers excentrés où les usagers les conduiront le soir, on fait quoi ?

D'où mon commentaire sur les dépanneuses. Autant pour ceux qui tomberont en panne de courant en quête d'électricité hors centre-ville que pour les entreprises qui devront beaucoup déplacer leurs voitures pour s'assurer qu'elles sont chargées et donc utilisables.

Un des grands enjeux de ce dossier est l'évolution constante de la technologie. Quatre firmes sont actuellement dans la course en Californie pour un système de transport supersonique magnétique qui permettrait de transporter des passagers en 30 minutes de San Francisco à Los Angeles. Qui sait si avant d'avoir réglé le cas du transport électrique en ville et investi dans toutes les infrastructures nécessaires - notamment pour le déplacement entre l'aéroport et le centre-ville ! -, on ne sera pas en train de se téléporter comme dans Star Trek.

Je blague, mais tout va très vite, donc il est normal que la Ville veuille se garder de la souplesse pour s'adapter aux changements technologiques et ne pas investir des sommes astronomiques tout d'un coup dans une sorte de super « pipeline » électrique couvrant l'île en entier, ou presque, où se brancheraient toutes nos voitures. Bonne idée d'y aller à petits pas.

Mais le plan de la mairie, c'est aussi de diminuer graduellement le nombre de permis pour les voitures traditionnelles afin de les transférer en permis pour voitures électriques. L'intention d'électrifier est louable. Et les deux entreprises existantes, car2go et Communauto, connaissent cette technologie. Dans certaines villes comme Amsterdam, car2go n'a que des Smart électriques, et Communauto compte déjà 50 véhicules électriques sur ses 300 voitures.

Mais est-ce réaliste d'imposer à ces deux entreprises déjà solidement implantées à Montréal ce changement vers l'électrique, obligatoire si elles ne veulent pas abandonner leur place aux nouveaux acteurs ? Surtout compte tenu de la nécessité astronomique de bornes pour rendre le système réellement efficace ?

Sachant que chaque VLS, donc chaque véhicule en partage, retire six voitures de la circulation, parfois jusqu'à 12, selon les études, pourquoi rendre l'expansion du parc électrique conditionnel à une réduction du parc de VLS à essence ?

Le but est-il d'éliminer l'essence à tout prix, peu importe le nombre d'autos, ou de diminuer le nombre de voitures en ville, par plusieurs moyens ?

Posons-nous la question.