J'avais entendu dire par mille personnes différentes que Marie-Claude Barrette, la coanimatrice de Deux filles le matin, auteure, militante politique, conférencière, était vraiment sympathique.

Mais ce que je ne savais pas, c'est combien sa simplicité, son authenticité mâtinée d'autodérision et sa capacité d'écoute étaient magiques. Cinq minutes avec elle, à parler de télé, d'accommodements raisonnables, de lave-vaisselle ou de réforme de la santé, et vous êtes là à vous demander: «Mais comment fait-elle pour être aussi attachante?»

Mère de trois enfants, dont deux ados et une quasi-ado, mariée à l'ex-chef de l'Action démocratique et commentateur politique Mario Dumont, militante libérale puis adéquiste pendant 20 ans, diplômée en sciences économiques, ancienne directrice d'école, et j'en passe, Barrette est un personnage dont on entendra, dont on devrait entendre, de plus en plus parler.

Elle a quitté la politique en même temps que son mari, pour venir vivre dans la région montréalaise, où elle a maintenant une carrière de télé, de conférences et d'écriture. Mais elle se rappelle bien ce qui lui plaisait dans le militantisme.

«Je m'ennuie du travail d'équipe, de l'esprit d'équipe», confie-t-elle entre un minestrone et un saumon grillé chez Da Emma, dans le Vieux-Montréal, restaurant qu'elle a choisi parce que «c'est facile de s'y rendre quand on arrive de la Rive-Sud».

«Et j'ai toujours aimé les campagnes. Se virer de bord sur un 10 cennes, l'adrénaline, les rencontres avec le monde...»

Marie-Claude Barrette veut que l'on sache une chose: elle n'a jamais été «femme à la maison». Elle ne sait pas pourquoi on s'imagine cela, mais même à l'époque où son mari était chef de l'ADQ, en campagne référendaire ou électorale, elle a toujours travaillé à l'extérieur. Longtemps à titre de responsable du financement d'un organisme faisant la promotion du Bas-Saint-Laurent, puis comme directrice d'une école de musique à Rivière-du-Loup. Évidemment, maintenant, tout le monde sait qu'elle fait de la télé, en plus de prononcer régulièrement des conférences.

Seules ses grossesses l'ont arrêtée, en particulier celle de son deuxième enfant, Charles, aujourd'hui âgé de 14 ans, pour qui elle a dû s'aliter pendant 133 ours, expérience dont elle fait le récit dans La couveuse, livre éminemment personnel paru à la fin de l'automne.

«J'ai pleuré tout au long de l'écriture», raconte-t-elle, et on la croit sur parole. En fait, on se demande comment elle est parvenue à traverser une pareille épreuve. Imaginez. Environ deux ans après la naissance de sa première fille, Angela, aujourd'hui âgée de 18 ans, elle tombe enceinte d'un enfant dont elle apprendra, peu avant le temps des Fêtes de 1998, qu'il est atteint de trisomie 13. «Si ça avait été la trisomie 21, on l'aurait gardé», dit-elle. Mais la trisomie 13 est synonyme de malformations si graves que le risque que l'enfant meure en son sein et mette sa vie en danger est intolérable. Il faut donc mettre fin à la grossesse. Le 24 décembre. Joyeux Noël.

Le couple ne lâche pas prise. Ne s'abandonne pas à la dépression. Veut replonger sans tarder. Marie-Claude Barrette tombe enceinte assez rapidement au printemps suivant.

Mais une nouvelle épreuve l'attend.

Puisqu'elle a déjà porté un bébé avec un problème chromosomique, il lui faut absolument passer une amniocentèse pour connaître l'état de santé du nouveau foetus. Toutefois, après le test, elle se met à perdre du liquide amniotique. Beaucoup. Après toutes sortes d'examens et de péripéties, ses médecins sont catégoriques: ses chances de garder l'enfant sont minimes, 2% pour être précis. Le trou pratiqué par l'aiguille dans la poche amniotique s'est agrandi et refuse de se colmater. Si elle veut essayer de porter l'enfant à terme, il lui faut rester couchée, immobile. «Mon médecin m'a dit: «Ton ennemi, c'est la gravité.» »

Aujourd'hui, on sait que le petit Charles est devenu un grand ado en pleine forme, mais le livre se lit néanmoins presque comme un thriller. Que se passera-t-il au prochain chapitre?

Les péripéties émotionnelles touchent. «Si tu savais le nombre de femmes qui viennent me voir quand je suis dans des salons du livre, par exemple, et qui me racontent ce qu'elles ont vécu...»

Encore aujourd'hui, 14 ans plus tard, Marie-Claude Barrette se rappelle combien son mari et elle se sont souvent sentis seuls, même en plein hôpital, même entourés de personnel médical voué à la vie et à la survie, et qui veut y croire, justement, à ce pari.

«On s'est posé beaucoup de questions, même si, pour nous, il n'y avait pas de doutes.»

Aujourd'hui encore, elle est assaillie de questions de toutes sortes sur notre façon de voir la périnatalité et sur la place que notre société et notre gouvernement font aux enfants.

Elle ne comprend pas, par exemple, pourquoi le gouvernement libéral a pratiquement commencé son projet de réforme des finances publiques en annonçant une réduction de la couverture des traitements de fertilité. «Coudonc, est-ce qu'on n'a pas besoin d'enfants dans notre société?», lance-t-elle.

«Je ne comprends tout simplement pas. Les premiers touchés, ce sont ceux qui sont là pour construire l'avenir.»

Barrette, adéquiste, est la première à appuyer l'idée d'une diminution des dépenses en santé. Elle croit qu'il y a des économies à faire. «Mais commencer par les enfants, c'est quoi, ça?»

De même, elle est contre la réforme du financement des services de garde. «Eille, les familles en premier? Imagine combien de familles on touche.»

«Je suis extrêmement choquée, poursuit-elle. Ces programmes-là, les CPE et la fécondation assistée, étaient des programmes d'espoir.»

Et ça, l'espoir, elle connaît.