Je trouve ahurissant qu'après tout ce qui a été dit et écrit et réécrit mille fois pendant la saga Éric et Lola, il y ait encore des gens qui croient que mariés, pas mariés, les couples ont tous les mêmes droits et obligations.

Des gens qui pensent, notamment, que le partage du patrimoine familial s'applique aux conjoints de fait comme à ceux qui choisissent de se marier formellement, avec ou sans voile blanc, avec ou sans smoking bleu en satin.

La maison? On se la partagera! Les enfants? On y veillera ensemble et tu m'aideras si je n'ai pas les moyens de payer moitié-moitié! Mon revenu plus bas que le tien? Pas grave, tu vas m'aider, non?, vu qu'on était dans tout ça ensemble...

Désolée de vous le répéter encore, ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent, au Québec.

Ici, les couples qui ne sont pas mariés n'ont pas les mêmes droits que ceux qui le sont.

Point.

Alain Roy, le professeur de droit de l'Université de Montréal qui préside le comité chargé de voir comment on pourrait améliorer le droit familial au Québec - qui déposera ses recommandations en avril au ministère de la Justice - ne trouve cependant pas ahurissant que bien des gens ne le sachent pas.

«La méconnaissance de la loi, je pense qu'elle n'est pas remise en question», note Me Roy. «Mais elle s'explique», poursuit-il. Elle est probablement due au fait que les couples non mariés ne sont pas reconnus de la même façon en droit privé et en droit social ou fiscal. Plusieurs programmes sociaux, note Me Roy, que ce soient ceux gérés pas la Commission de la santé et sécurité au travail ou la Société de l'assurance automobile du Québec, par exemple, considèrent tous les conjoints de la même façon, mariés ou pas mariés. Même chose quand vient le temps de remplir un rapport d'impôt.

Selon Alain Roy, il est donc compréhensible que les Québécois s'y perdent un peu.

En outre, note-t-il, les couples non mariés sont quand même liés par certains arrangements. S'ils achètent une maison à deux, par exemple, en copropriété indivise, la loi encadre également les deux acheteurs. Même chose s'ils ont un compte bancaire commun. Il y a des dispositions officielles sur le partage.

Est-ce dire que, dans le fond, il n'y a pas tant de flou que ça pour les couples non mariés?

En fait, on ne se doute pas, surtout quand on tombe amoureux et qu'on réalise plein de rêves communs, style acheter une maison ou avoir des enfants, de toutes les questions qui se posent en cas de séparation, au-delà du partage du domicile et du compte en banque.

«Et pour faire valoir ses droits, il faut connaître ses droits», explique Martin Scallon, directeur des communications à la Chambre des notaires du Québec, qui précise que les femmes semblent particulièrement moins au courant de leurs droits qu'elles ne le devraient, pour leur propre bien.

D'où l'intérêt d'aller voir un spécialiste qui connaît bien la loi, pour tracer un portrait de la situation du couple et rédiger un contrat qui tiendra compte spécifiquement de chaque cas.

Bien des gens ont peur du prix d'une telle consultation, même si le montant peut n'être que de quelques centaines de dollars, si le couple commence sa vie commune de façon très banale du point de vue de la loi, comme c'est le cas de bien des gens.

Mais peu importe le prix. «Nous, ce qu'on dit, c'est que ça coûte moins cher de voir un notaire avant qu'un avocat après», répond M. Scallon. Des recherches démontrent en outre qu'en matière de droit familial, coûts élevés et délais interminables ne permettent pas aux membres de couples défaits d'avoir justice, après leur séparation.

Long plaidoyer pour les robes blanches, les discours interminables, le gâteau sec et les enterrements de vie de garçon disgracieux?

Pas du tout.

Pour avoir un contrat, il suffit de prendre rendez-vous chez un notaire - ou même de le rédiger soi-même sauf qu'une entente préparée par des amateurs risque de ne pas être aussi complète qu'un document préparé par une pro - et de régler tout ça.

Pour le reste, faites bien ce que vous voulez.