Il était 20h22, je crois, quand le débat s'est finalement réellement allumé.

Les quatre candidats à la mairie - réunis à l'UQAM par le Conseil régional de l'environnement de Montréal, dans un débat animé par Steven Guilbault d'Équiterre - s'étaient jusque là tenus tranquilles, expliquant leurs points de vue ici sur l'accès au fleuve, là sur le transport collectif (que tous appuient et priorisent, évidemment).

Et puis Guilbault a lancé la discussion sur les centres de compostage et les gants sont finalement tombés. Les échanges sont parfois devenus un peu cacophoniques, mais au moins, les candidats ont commencé à se distinguer les uns des autres. Un peu plus clairement.

Richard Bergeron s'est dit totalement en faveur du maintien de la politique actuelle visant à établir quatre centres de compostage en ville.

Denis Coderre s'est dit totalement en défaveur de l'établissement d'un centre à Saint-Michel, expliquant qu'il sympathisait avec les citoyens de cet arrondissement, «qui vont avoir ça dans la face» et qui «ont déjà donné».

Mélanie Joly a demandé à haute voix comment Denis Coderre pouvait se vanter d'avoir été du gouvernement qui a signé les accords de Kyoto tout en présentant un programme contournant certaines mesures environnementales clés.

Marcel Côté a convenu avec Coderre que le processus pour l'implantation de ce centre de compostage n'avait pas été suivi convenablement, que le centre était trop près des résidences, qu'il partageait les inquiétudes de résidants dont les avoirs se résument souvent à leur maison. Mais que ce n'était pas une raison pour tout balancer.

Et puis ils se sont tous mis à s'accuser de dire une chose et de faire l'inverse. Et Mélanie Joly a montré qu'elle savait très bien débattre et manier la réplique, même à côté d'un Coderre maître de la répartie politicienne populiste efficace.

De façon générale, durant tout le débat, la plus jeune et la moins expérimentée des candidates s'est fort bien défendue avec un ton assuré, quelques répliques narquoises et des idées différentes.

Par exemple, quand l'ancien député fédéral a expliqué qu'il voulait faire un théâtre naturel au parc Jean-Drapeau, façon Hollywood Bowl, pour aider notamment le festival de musique indépendante Osheaga (où le candidat aime bien dire qu'il est allé cet été), Joly a répliqué que cela faisait partie de son programme depuis le début. «Et nous, Osheaga, on y va, a-t-elle lancé. On n'y est pas allé seulement cette année.» Elle a aussi fait rire la salle avec une pointe à l'endroit des conservateurs fédéraux.

C'est en outre elle qui a parlé en premier de la nécessité de sécuriser et de verdir les corridors scolaires pour permettre aux enfants de marcher jusqu'à l'école, elle qui a souligné la nécessité de sécuriser les pistes cyclables, de mitiger la circulation dans les zones résidentielles, des éléments de son programme pour encourager les familles à venir ou à rester en ville et dont les autres n'ont pas parlé. Elle a évoqué la nécessité de protéger les vues sur les cours d'eau qui entourent l'île, défendu son projet de service de bus rapide, s'est élevée contre l'idée de péages pour l'accès en ville («mais voyons, Montréal ne peut pas être la seule dans la province avec des péages!»), a insisté sur la nécessité de réduire le parc automobile...

Denis Coderre, qui mène dans les sondages, n'était pas quant à lui réellement dans son élément. Les quelques centaines de personnes venues entendre une discussion sur l'environnement ne l'ont pas exactement applaudi quand il a dit qu'il voulait réduire les espaces de stationnement en ville pour des raisons de développement économique, mais qu'il déplacerait cela vers des parkings souterrains parce qu'en éliminer trop serait «contreproductif».

Et c'est en vain qu'on a attendu une réponse claire à la question sur les aménagements pour les piétons. M. Coderre a parlé de la nécessité de faire quelque chose avec le chalet du mont Royal, mais il n'a jamais dit quoi... La candidate Joly, elle, a affirmé être en faveur d'une piétonnisation de la rue Sainte-Catherine entre Atwater et Bleury, affirmant que bien des commerçants sont de cet avis.

Sur ce, Marcel Côté a rappelé à quel point la piétonnisation de la rue Prince-Arthur avait été «compliquée»... Placés à côté l'un de l'autre, la jeune femme avait l'air remplie d'idées, d'imagination et de volonté de changement, tandis que l'homme d'affaires apparaissait comme le maître gestionnaire, au courant des détails de chaque dossier, hyper réaliste, à la limite du rabat-joie. Le gars qui s'enflamme sur l'importance du leadership de Montréal au sein de la Communauté métropolitaine de Montréal.

La quoi?

Et Bergeron? Bergeron doit défendre à la fois son passage au pouvoir (comme leader du parti à la tête de certains arrondissements, notamment celui du Plateau, et au sein du comité exécutif) et son programme souvent jugé très anti-voiture par une population que le candidat Coderre courtise en se régalant. Ces débats sont donc remplis de sujets minés et ses adversaires le talonnent.

Sur la forme, il ne brille pas comme Coderre ou Joly. Sur le fond, il ne manque jamais d'idées, qui vont de l'importance de redonner sa porosité au sol montréalais à la nécessité d'encourager le développement résidentiel articulé autour du transport collectif, que ce soit à l'entrée du Vieux-Port ou sur les terrains de l'ancien hippodrome. Il explique comment son équipe est en train de développer des tracés spéciaux pour le déplacement des aînés, des enfants...

Hier, il était sur son terrain. Celui du dossier environnement. Il a montré qu'il le connaissait de fond en comble. Personne n'a été surpris.