Fi-na-le-ment, le bébé est né. Un garçon en santé, nous a-t-on dit. Au moment d'écrire ces lignes, on ne connaissait pas encore son nom.

Bonne nouvelle? Oui, parce qu'une naissance l'est nécessairement, non? Un bébé voulu, attendu.

Pour le reste, on dira que tout cela nous intéresse parce qu'il est question de succession au trône, de l'Histoire qui se poursuit, des institutions qui survivent.

Mais la vérité est qu'on suit les hauts et les bas de cette famille, ses amours, ses frasques, ses erreurs, ses peines et ses réconciliations, comme on suit Occupation Double ou Secret Story.

La vie de la famille royale est la plus vaste et la plus glam des téléréalités.

C'est Real Mother of London. C'est Palace Story. C'est Survivor: Buckingham. Le prince Harry a son émission à lui seul, dans la lignée des The Bachelor (élégamment appelée Bachelor, le gentleman célibataire en France).

Il y a parfois des morts (Lady Di, la reine mère), des blessés (surtout émotionnellement), des épisodes meilleurs que d'autres. Beaucoup de jolis vêtements et de chapeaux spectaculaires.

Hier, l'épisode était particulièrement intéressant. Naissance d'un premier bébé pour Will et Kate, le couple formé il y a 12 ans, marié il y a 2 ans.

Comme si on voulait s'assurer de garder les cotes d'écoute très élevées, on a attendu pour annoncer le prénom.

Choisiront-ils Charles, comme son grand-père? Philip, comme son arrière grand-père?

On dit que George, Edward ou James sont aussi des possibilités. Des classiques royaux.

Au Québec, on aime ces prénoms aristocratiques même si la monarchie est loin de faire l'unanimité. En 2012, William, prénom de l'heureux papa, occupait le premier rang parmi les prénoms les plus populaires, suivi de Nathan, Olivier, Alexis et Samuel.

Au Royaume-Uni, c'est Harry, autre nom princier, le plus souvent choisi pour les bébés, suivi de Jack, Oliver, Charlie et James. Bref, là aussi le style noble a la cote, et il est fort possible de donner à son bébé un prénom digne des Windsor sans avoir à tomber dans le vieux jeu.

En France, c'est plus républicain, ou hippie, ou existentialiste, peu importe... En tout cas, pas trop classique: Lucas en première place, suivi de Mathis, Nathan, Mathéo, Noah... (Chez les filles aussi, l'originalité prime: Lilou au 7e rang, Louna en 11e place... Adorable. On se croirait parmi la génération conçue à Woodstock ou dans les communes du début des années 70.)

Mis à part le prénom du nouveau-né, des tas d'autres informations intéressantes n'ont pas été dévoilées. Le poupon est-il né par césarienne? La nouvelle maman va-t-elle essayer d'allaiter? Est-ce que l'accouchement s'est passé naturellement ou a-t-il été très médicalisé, comme c'est la tendance en Amérique?

Des questions trop personnelles?

Probablement. Mais en même temps, des sujets de santé publique importants, vu les taux anormalement élevés de césariennes qu'enregistrent de nombreux pays industrialisés depuis quelques décennies. Vu les défis posés par la question de l'allaitement. Vous ne pensez pas qu'il serait plus facile de faire accepter cette façon on ne peut plus naturelle d'alimenter bébé, de mieux faire financer le soutien à l'allaitement, si un personnage aussi public et populaire que Kate Middleton en parlait ouvertement?

La duchesse est l'idole de centaines de milliers de jeunes femmes. Toutes ses décisions ont un impact. C'est un modèle, qu'on le veuille ou non. Tout ce qu'elle fera publiquement comme mère sera lu, vu, écouté, interprété.

Il y aura des mauvaises langues qui se plairont à la critiquer gratuitement, comme tous ces tabloïds qui se vautrent dans le plaisir de nous montrer des photos de la cellulite des vedettes.

Mais il y aura aussi tous ceux qui boiront chaque parole, qui scruteront chaque geste des nouveaux parents. William qui dort à l'hôpital, qui prend un (petit) congé parental. Déjà, on note dans les médias qu'il affiche une image moderne de la paternité.

On a hâte de le voir pousser le landau, tenir le bébé plus longtemps que l'instant d'une photo. On veut l'entendre discourir sur les coliques, le manque de sommeil, les habits de neige à acheter - ok, peut-être qu'ici j'exagère. Bref, on a hâte de voir comment, si la tendance se maintient, les décisions modernes de la famille participeront à l'égalité parentale, voire finiront par en banaliser le principe.

La vie de la famille royale est la plus vaste et la plus glam des téléréalités. Mais c'est aussi une des plus complexes, des mieux montées, des plus influentes.

Engoncée dans des traditions centenaires, on la croirait rodée au quart de tour, prise dans un scénario auquel elle ne peut déroger. Mais justement, elle rue dans les brancards, délaisse ses répliques toutes faites... Parfois, ce sont les grands malheurs de Diana. Parfois, les petites erreurs de Harry.

Maintenant, un tout nouveau chapitre commence, en fait une nouvelle série au complet. Big Brother? A Baby Story? On y parlera en long et en large de la taille de Kate, du temps qu'il lui faudra pour perdre les kilos de sa grossesse... On est habitués à ces prévisibles et immondes débilités.

Espérons qu'on y parlera aussi d'éducation, de santé, de conciliation travail-famille. Espérons que le spectacle fera aussi un peu avancer la société.