Au Québec, près de 40% des couples ne sont pas mariés. Apparemment, on détient un record mondial en la matière. Le concubinage nous plaît. Et même lorsqu'on a bel et bien convolé en justes noces, on s'appelle mutuellement «mon chum» ou «ma blonde», comme si les mots «mari» et «femme» étaient trop vieux jeu.

Pendant que les partisans du mariage pour tous défilent comme ils l'ont fait par dizaines de milliers hier à Paris , on se la joue discrète. Marié, pas marié... Publiquement, on entretient le flou. C'est peut-être pourquoi le mariage gai ne fait pas de vagues ici. Dans le fond, collectivement, on s'attarde peu au mariage, point.

Est-ce par réaction aux excès religieux de jadis? Est-ce à cause de notre loi très stricte sur le partage du patrimoine familial, qui oblige les mariés à partager tout ce qui a été acquis après les noces? Est-ce parce que nous avons des problèmes d'engagement encore plus aigus que ceux de tous les personnages de Girls ou des romans de Beigbeder?

Reste qu'on se marie peu. Et c'est pourquoi il était fort intéressant que les tribunaux se penchent sur le sort de Lola, cette femme partie d'un pays lointain où le mariage occupe une tout autre place sociale pour vivre et avoir des enfants avec un richissime personnage, Éric, qui ne l'a jamais épousée et qui ne veut pas lui verser de pension alimentaire.

Difficile de comprendre l'égoïsme dudit multimillionnaire dans cette affaire. Mais facile de comprendre que la Cour suprême, vendredi, ait décidé de renvoyer au gouvernement québécois la tâche de se repencher sur la question. Si la cour avait reconnu à Lola des droits de femme mariée, elle aurait marié de facto 40% des couples. Pas une bonne idée.

Cela dit, la situation de Lola n'a pas de bon sens non plus. Il n'est pas normal que rien ne la protège, que rien, après trois enfants, après tant d'années de vie commune, ne lui soit reconnu.

Une famille, c'est une cellule sociale, c'est une cellule économique. On ne construit pas une carrière, lorsqu'on est au sein d'une famille, sans que le conjoint soit une pièce importante du puzzle. Combien d'hommes d'affaires richissimes ne pourraient pas fonctionner sans que leur femme gère la maison, les enfants, leur vie sociale, éléments-clés de leur succès?

Et il n'y a pas que des Lola avec des «ex» aux poches pleines.

Il y en a aussi qui ont bâti une famille avec des conjoints à revenus moyens et qui ont, elles, fait des choix de carrière modérés au nom de leur rôle de mère. Elles se retrouvent du jour au lendemain séparées avec des revenus moindres que leurs ex devant un dur changement de niveau de vie, parfois difficile à encaisser, pour elles et pour les enfants.

La société et la loi, notamment celle des impôts, reconnaissent à toutes sortes d'égard que la vie commune pendant un certain temps et la présence d'enfants font des couples des unités «mariées», que l'union ait été officialisée ou non.

Pourquoi alors a-t-elle un discours si différent lorsque vient le temps de parler de pension alimentaire? N'est-ce pas un peu injuste?

Entre le partage total du patrimoine familial des couples mariés ou qui ont un contrat et l'absence de toute protection des conjoints de fait, ne pourrait-il pas y avoir une troisième voie?

Dans un monde idéal où tout le monde connaît son Code civil et ses droits par coeur, où hommes et femmes gagnent les mêmes salaires, où hommes et femmes partagent également les tâches ménagères et familiales, on n'aurait pas à se poser ces questions.

Mais est-ce dans ce monde que nous vivons?

Non.

Donc cherchons d'autres solutions. Vite.

Donc, il y a encore du chemin à faire vers l'égalité et pour s'assurer que les femmes ne soient pas injustement traitées par les institutions et la loi. Mais, bonne nouvelle, nous vivons dans un monde qui évolue vite! Et qui donne espoir, comme on l'a vu samedi avec l'élection à la tête du Parti libéral ontarien et par le fait même à la tête de la province de Kathleen Wynne. Elle est non seulement la première femme à occuper le poste de premier ministre de l'Ontario, mais elle est ouvertement gaie.

Hier, le député libéral fédéral Justin Trudeau a écrit sur Twitter que, selon ses calculs, 87,5% des Canadiens sont maintenant gouvernés par des femmes sur la scène provinciale.

En plus de l'Ontario, il y a des femmes à la tête du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, sans oublier Terre-Neuve et le Nunavut.

Pour tous ceux et celles qui veulent vivre dans une société ouverte et égalitaire où tout le monde a droit aux mêmes rêves, une société où l'on n'a pas à avoir peur que nos filles, nos frères, nos soeurs, nos amis, nos collègues, bref tous les êtres que nous aimons et qui nous entourent, peu importe qui ils ou elles sont, voient leurs chances minées par des facteurs secondaires autres que leur intelligence, leur courage, leur détermination, leur générosité, leur leadership, leur sagesse, voilà une bien belle nouvelle.