Durant l'élection présidentielle de 2008, les femmes ont occupé une place de premier plan. De Michelle Obama à Hillary Clinton en passant par Sarah Palin. Quatre ans plus tard, où sont-elles? Le président a-t-il fait une place aux femmes dans son administration, a-t-il intégré leurs préoccupations dans ses projets? La chroniqueuse Marie-Claude Lortie s'est posé la question.

Lorsque Barack Obama a été finalement élu à l'investiture démocrate, en 2008, a pris fin du même coup la campagne de l'unique adversaire qui avait réussi à lui tenir tête jusqu'à la fin: Hillary Clinton.

Jamais une femme ne s'était rendue aussi loin dans le processus électoral pour faire éclater l'ultime plafond de verre, celui de la présidence. Son échec fut douloureux pour tous ceux qui militent pour la percée des femmes en politique, qui croyaient qu'enfin elles seraient représentées au plus haut niveau de pouvoir américain.

Dès lors, les regards se sont toutefois tournés vers le nouveau candidat, plus tard élu président, pour voir quel type de place il laisserait aux femmes dans son administration, quels dossiers chers aux électrices il serait prêt à défendre et quelles relations il aurait avec ces millions de démocrates, dont bien des femmes, qui avaient d'abord appuyé Mme Clinton.

Quatre ans plus tard, ce bilan est mitigé.

«Personnellement, je pense que, du point de vue idéologique et législatif, Barack Obama est généralement du bon côté des dossiers liés aux femmes», dit la journaliste Rebecca Traister, auteure de Big Girls Don't Cry, qui porte sur le rôle des femmes durant la campagne de 2008. «Mais il fait parfois la sourde oreille quand vient le temps de parler aux femmes ou de parler des femmes.»

«C'est clair que je vais voter pour lui parce que la solution de rechange est absolument terrifiante», ajoute Jessica Valenti, auteure féministe américaine, qui vient de publier Why Have Kids, un ouvrage portant notamment sur les lacunes de la société américaine dans le soutien des familles. «Mais il n'est pas aussi féministe que je l'aurais souhaité.»

Parmi les moments «féministes» des quatre années du mandat d'Obama, il y a eu, évidemment, la défense du plan fédéral piloté par le département de la Santé pour assurer que les régimes d'assurance maladie des travailleurs américains remboursent les contraceptifs. Le dossier a fait couler beaucoup d'encre, notamment parce que les républicains voyaient dans cette décision une incursion dans les libertés religieuses, certains programmes d'assurance maladie étant gérés par des groupes opposés à la contraception. Mais le gouvernement a tenu bon.

Il y a eu aussi la prise de position du président à la suite des déclarations controversées d'un républicain de l'État du Missouri, qui a affirmé à la télévision que lorsque les femmes se font «vraiment» violer, leur système reproducteur se bloque.

Todd Akin, candidat au Sénat, s'est attiré une riposte personnelle du président, qui a tenu à exprimer son point de vue sur la question lors d'une conférence de presse impromptue.

«Ce point de vue est offensant, a alors déclaré Barack Obama. Un viol est un viol. Et l'idée d'analyser, de qualifier et de différencier le type de viol dont on parle n'a pas de sens aux yeux du peuple américain, et certainement pas à mes yeux. Ce que ces commentaires montrent bien, selon moi, c'est la raison pour laquelle un groupe de politiques, en majorité des hommes, ne devraient pas prendre des décisions de santé au nom des femmes.»

Jessica Valenti rappelle aussi que dès son arrivée au pouvoir le président a aboli certaines mesures conservatrices républicaines, notamment celle qui empêchait le financement d'organismes de développement international qui offrent des services d'avortement ou de l'aide pour y avoir accès. Et c'est sans parler de la première loi signée par le président, la Lilly Ledbetter Fair Pay Act of 2009, destinée à faciliter les poursuites en matière d'équité salariale.

«La différence entre Obama-Biden et les républicains, c'est qu'ils comprennent vraiment les dossiers des femmes», explique Mme Valenti, qui parle plutôt d'«ignorance fondamentale» du côté des républicains.

Dans son livre The Obamas, la journaliste du New York Times Jodi Kantor décrit cependant une Maison-Blanche plutôt masculine, où même si les femmes sont présentes dans certains postes-clés, la culture dominante est plutôt branchée sur les postes de sport ainsi que sur le basket et le golf avec les copains le week-end. La journaliste raconte que, lorsque le Times a publié un article sur cette administration très boys'club démocrate, le président a invité pour la première fois une femme, Melody Barnes (conseillère principale pour les questions de politiques intérieures) à venir jouer au golf avec lui.

Après la publication de l'article, le président a convoqué une réunion avec toutes les femmes importantes de la West Wing, dont il s'avère que peu étaient en contact direct avec lui au travail.

Selon la journaliste, même la femme du président, Michelle, n'était pas en désaccord avec le constat du Times.

Jessica Valenti constate elle aussi que, malgré ses prises de position politique, le président peut avoir un côté paternaliste. «Quand il a invoqué le fait qu'il était père de deux filles pour justifier l'interdiction de vendre des contraceptifs d'urgence aux jeunes femmes, je l'ai trouvé très condescendant, note-t-elle. Mais le bilan final, c'est quand même qu'il a fait beaucoup pour les femmes.»

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Les femmes du président

Stanley Ann Dunham, sa mère

Le président a souvent présenté sa mère comme une «Blanche du Kansas», par opposition à son père, noir et natif du Kenya. Mais la réalité, comme on peut le lire dans l'excellente biographie signée par la journaliste Janny Scott, est que sa mère, Ann Dunham, n'avait rien d'une femme traditionnelle de l'Amérique profonde blanche de la fin des années 50. Séduite par un Africain alors que les mariages interraciaux étaient encore très rares aux États-Unis, mère de deux enfants issus de deux mariages interraciaux et deux fois divorcée, chercheuse en anthropologie - elle avait un doctorat - en Indonésie, elle a brisé les conventions toute sa vie et élevé ses enfants dans des cadres éclatés, envoyant même son fils à Hawaii, loin d'elle, chez ses parents, pour parfaire son éducation. Elle est morte en 1995, à l'âge de 53 ans.

Madelyn Lee Payne Dunham, sa grand-mère

Originaire du Kansas, vice-présidente d'une banque, ayant travaillé à construire des avions durant la Seconde Guerre mondiale, la grand-mère de Barack Obama a joué un rôle crucial dans sa vie. C'est elle qui a pris la relève de son éducation quand la mère du jeune Barack, alors âgé de 10 ans, a jugé qu'il valait mieux qu'il quitte l'Indonésie pour retourner étudier aux États-Unis. Madelyn, que son petit-fils appelait Toot, est morte deux jours avant son élection à la présidence. Elle n'a eu qu'un enfant, Stanley Ann, la mère du président. Obama a toujours dit qu'elle avait la tête dure et qu'il tenait cela d'elle.

Michelle (Robinson) Obama, son épouse

Avocate de formation, Michelle Obama occupait l'un des postes de vice-président des hôpitaux de l'Université de Chicago quand elle a dû abandonner sa carrière pour suivre son mari vers la Maison-Blanche. Elle a obtenu un diplôme de premier cycle à Princeton puis a fait ses études de droit à Harvard. Régulièrement, les sondages indiquent qu'elle est plus populaire que son mari. Durant la campagne à l'investiture, en 2008, elle a vécu des moments d'impopularité - notamment lorsqu'elle a dit qu'elle était fière de son pays pour la première fois, ce que ses adversaires ont dénoncé comme des propos non patriotiques. Mais depuis, sa lune de miel avec le public n'a jamais vraiment cessé. Dans le livre The Obamas, la journaliste Jodi Kantor décrit toutefois les premières années de Michelle à la Maison-Blanche comme difficiles. On raconte qu'un jour, alors qu'elle visitait une école, une petite fille lui a dit qu'elle voulait devenir «première dame», elle aussi, quand elle serait grande. Ce à quoi Michelle Obama a répondu: «Ça ne paie pas beaucoup.» Ses grandes causes: l'alimentation saine et bio, l'appui aux familles des militaires. Elle est reconnue comme une icône de la mode, notamment par ses choix de designers américains, et se retrouve régulièrement dans les listes des femmes les mieux habillées ou... les plus influentes.

Malia et Sasha Obama, ses filles

Les deux filles du président ont aujourd'hui 14 et 11 ans et fréquentent toutes les deux une école très sélect de Washington, la Sidwell Friends School. Le président parle d'elles en public régulièrement, notamment de Malia, qui est devenue, selon la journaliste Jodi Kantor, auteure de The Obamas, un personnage-clé de son discours politique, parce qu'elle est une sorte de symbole de la connaissance qu'a le président de la réalité des parents américains. Obama a notamment invoqué sa paternité, en décembre dernier, quand son administration a décidé, contrairement à la recommandation de la Food and Drugs Administration, de ne pas permettre en pharmacie la vente de pilules du lendemain aux jeunes adolescentes. «À titre de père de deux filles, je crois qu'il importe de nous assurer qu'on gère avec bon sens les règles concernant la vente libre de médicaments», avait-il alors déclaré. L'observation n'a cependant pas été parfaitement reçue de tous, certaines féministes estimant que le président faisait preuve d'un paternalisme exagéré.

Hillary Rodham Clinton, sa secrétaire d'État

Femme de l'ancien président américain Bill Clinton, sénatrice, avocate, Hillary Clinton a été l'adversaire de Barack Obama à l'investiture présidentielle démocrate en 2008. Dès après son élection, Obama l'a nommée secrétaire d'État, lui donnant ainsi visibilité et marge de manoeuvre. Dans un article récent, le magazine français L'Express a noté que, depuis son arrivée à ce poste, elle a visité 100 pays et parcouru plus de 2 millions de kilomètres, façonnant en chemin une approche diplomatique plutôt efficace, dotée d'une certaine souplesse, en rupture avec la dureté des années Bush. Aujourd'hui, la grande question est de savoir si Mme Clinton se lancera de nouveau dans la course à la Maison-Blanche en 2016.