Si la première partie de la campagne électorale a été marquée par l'apparition-surprise et remarquée de Jacques Eliot Ness Duchesneau dans les rangs de la Coalition avenir Québec (CAQ), la seconde, elle, semble vouloir démarrer sur un nouveau thème: la (re)découverte d'une personnalité politique qu'on avait presque oubliée, Françoise David.

En allant défendre les couleurs de son parti au débat des chefs organisé par Radio-Canada, dimanche dernier, la co-porte-parole de Québec solidaire (QS) est efficacement sortie de l'ombre de son camarade Amir Khadir, visage jusqu'alors beaucoup plus médiatisé de QS.

En l'entendant rappeler poliment les autres à l'ordre sur le plateau, les téléspectateurs ont découvert une femme solide capable de défendre avec clarté et accessibilité ses points de vue. Une femme dont la sincérité, lorsqu'elle parle de toutes ces difficultés quotidiennes qu'affronte la vaste majorité moins nantie de la population, nous rappelle celle du défunt Jack Layton, du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Alors que François Legault de la CAQ cherche à allumer à la fois le réalisme et l'ambition des Québécois - l'arrivisme des électeurs, diront ses détracteurs -, Mme David, elle, parle en se branchant directement dans le concret et déploie son empathie.

En entrevue hier avec l'équipe éditoriale de La Presse, elle l'a démontré encore une fois.

Pendant que Khadir décortique les programmes publics à restructurer, elle parle de problèmes du quotidien sans l'intensité parfois agressante de son collègue et avec une tonne de compassion. Elle aimerait que les gens pauvres aient accès aux légumes bios, que les programmes de santé se préoccupent des enfants qui vivent dans des logements insalubres, «sans punaises ni coquerelles». Elle s'inquiète de cette difficulté qu'ont les femmes à avoir confiance en elles même si elles sont hyper compétentes.

Si elle ne gagne pas sa circonscription de Gouin, scénario qu'elle refuse d'envisager, une chaîne de radio ou de télé devrait sérieusement considérer la possibilité de lui offrir un micro comme on l'a fait pour l'ancien chef de l'Action démocratique, Mario Dumont. Je parierais sur un vaste auditoire pour cette femme qu'on devrait mettre quelque part bien proche de Lise Payette dans la liste des convaincues altruistes et des sages utopistes.

Évidemment, Mme David a le beau jeu. Son parti n'a jamais été au pouvoir et personne ne croit qu'il le prendra, ce qui nous évite de nous perdre dans des discussions pénibles sur le réalisme des propositions de QS.

Aussi, en prenant sans perdre de temps et fort habilement la défense de la candidate péquiste Djemila Benhabib la semaine dernière, à la suite des tristes propos imbibés de xénophobie du maire de Saguenay, Jean Tremblay, elle a su faire oublier à plusieurs de ses critiques la position controversée de son parti dans le dossier de la laïcité.

Car cette gauche qui l'appuie est divisée, à cet égard. Plusieurs croient, contrairement à QS, que la défense de l'égalité entre hommes et femmes nécessite l'établissement d'une laïcité claire dans la sphère publique, quitte à entrer en collision avec certaines coutumes religieuses. Ni dans le débat ni en entrevue il n'en a été question. QS préfère-t-il en rester loin?

De la même façon, la grande militante féministe qu'est Mme David ne monte pas au front avec colère quand un candidat péquiste, comme Serge Cardin, met en doute la capacité des Québécois d'élire une femme première ministre ou quand un chef de parti explique, comme l'a fait M. Legault, que les femmes sont plus craintives devant le changement que les hommes. Mme David et son parti dénoncent ces choses, notamment par l'entremise des réseaux sociaux. Mais on n'en fait pas tout un plat. L'ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec ne cherche pas à marquer des points - ni à se nuire - en devenant la super-suffragette moderne sur toutes les tribunes. C'est un carré rouge qu'elle a sur sa veste, pas un macaron à la défense des Pussy Riot ou contre Todd Akin.

Depuis le débat à Radio-Canada, Mme David est devenue une sorte de rock star. On se masse à ses côtés dans ses apparitions publiques. Et hier, elle-même n'a pu s'empêcher de twitter sur l'accueil plus qu'enthousiaste que lui ont réservé les étudiants à la traditionnelle manifestation du 22 du mois.

Est-ce que cette nouvelle «Françoisemanie» va se traduire en votes le 4 septembre? Bonne question. Les Québécois ont surpris tout le monde avec leur vague NPD au fédéral l'an dernier. On se doit de rester ouverts à toutes sortes de scénarios.

Cela dit, si elle bat le candidat péquiste dans sa circonscription, Nicolas Girard, elle ne ressentira pas de culpabilité. Le Parti québécois, rappelle-t-elle, a eu amplement la chance pendant ses années au pouvoir de changer, comme promis, le mode de scrutin, histoire d'intégrer une représentation proportionnelle et d'éviter ce genre de duels où les votes se perdent. Or, il ne l'a pas fait.

Peut-être que cette situation dans Gouin provoquera une autre réflexion à cet égard. Une autre fois où QS, malgré son caractère marginal, aura influencé l'ordre du jour politique, sans détenir le pouvoir.