Je ne sais pas pour vous, mais moi, l'été, je prends ça relax côté ménage.

Les enfants sont à la maison plus qu'à l'habitude avec toutes les traîneries que cela suppose, donc j'abdique un peu devant leur conception de l'organisation domestique. Je suis toujours dehors, donc je ne vois plus les traces de doigts sur les cadres de porte. Et j'ai autre chose à faire, quand il fait un temps splendide, que de m'assurer de l'harmonie parfaite du contenu de mes placards.

Je ne m'inquiète pas de laisser tout ça dégénérer un peu, car je me dis que, l'automne arrivé, je prendrai plaisir à remettre de l'ordre, histoire de repartir du bon pied, mieux organisée, nette.

Je crois que Jean Charest partage parfaitement ma stratégie.

Les étudiants et leur grève? La loi spéciale (78)? On dirait que le gouvernement n'essaie même plus de donner l'impression que tout est en ordre, bien rangé.

En août s'amorcera le grand ménage avec des élections. Et on essaiera ainsi de remettre la province sur de nouveaux rails, en ligne droite.

En attendant, tant pis si la gestion des grands dossiers du printemps, en commençant par la crise étudiante, a l'air un peu brouillon. Tant pis si, organisme après organisme, de l'ONU au Barreau en passant maintenant par la Commission des droits de la personne, on dénonce les excès de la loi d'exception mise en place pour tenter de contrôler les manifestations étudiantes.

Sauf que le gouvernement ne pourra pas tourner le dos au ménage pour toujours. Même s'il demeure convaincu qu'il fallait agir à la dure pour mater la fronde des jeunes - et il a le droit de croire que c'était l'approche à prendre -, il ne pourra pas continuer à jamais à faire fi des questions de droit soulevées par tous ces organismes.

Même si les tribunaux ne se sont pas officiellement prononcés, il est devenu évident - certains diront qu'on le savait depuis le début - que l'outil législatif est contraire à la Charte des droits. Il y a tout simplement trop de limites au droit de manifester. Ce n'est pas compliqué. On en a trop mis.

Il va falloir faire du ménage, jeter des choses, ranger, réorganiser, étiqueter différemment.

Ce n'est pas parce que le dossier étudiant s'est calmé avec la pause des moyens de pression que ce problème est réglé. Et il demeure plus nébuleux que jamais.

Qui sait ce qui va réellement se passer à la rentrée avec les trimestres, les cours, les crédits, les calendriers. Y comprenez-vous quelque chose, vous?

Qui sait quoi répondre aux étudiants étrangers qui viennent ici à leurs frais et se demandent s'il ne vaudrait pas mieux aller ailleurs ou rester à la maison?

Qui sait où le gouvernement s'en va avec ce dossier?

Je reviens de Norvège, où on n'a cessé de me répéter: ici, on est une société de consensus; quand les problèmes se posent, on cherche des solutions de compromis. On déteste polariser, monter les groupes sociaux les uns contre les autres. On cherche les terrains d'entente, les dénominateurs communs.

Au Québec, ce gouvernement a abandonné cette approche qui a pourtant été longtemps la nôtre aussi.

Dans toute la crise étudiante, il n'a jamais essayé de reconnaître la moindre légitimité aux revendications des jeunes pour commencer à ouvrir un petit chemin vers un terrain d'entente négocié. Le bon vieux «on comprend ce que vous voulez», «nous aussi, on a été jeunes», «mais vous savez...». On a préféré se donner des airs de dur à cuire avec des lois matraques.

Sauf que nos institutions nous rappellent que nos valeurs, celles sur lesquelles notre société s'est construite, détestent la matraque. La dureté de 78 se cogne contre nos garde-fous.

Je reviens de Norvège, donc, où même les partis pro-»loi et ordre» sont contre le port d'arme par les policiers en fonction. Je reviens de Norvège où, un an après un attentat terroriste contre la modernité, on a déjà tenu un procès, une commission d'enquête, où on s'est déjà occupé de répondre à plusieurs des questions posées par une population en colère. Un pays de consensus où on ne laisse pas pourrir les choses.

Nombreuses sont les leçons à en tirer, les exemples à prendre. Faire le ménage, ici, tout de suite, dans la loi spéciale, serait un bon exercice en ce sens.