Ce n'est pas pour me vanter, mais un soir, cet été, j'ai dû faire une heure de transport pour me rendre au restaurant, dans le Plateau.

Et je ne partais pas des Laurentides ni de la Montérégie.

Je partais de Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal.

J'avais rendez-vous avec une amie. Mon plan était de prendre le métro jusqu'à la station Mont-Royal et de marcher un peu, puis de rentrer avec elle en voiture.

On est donc fin juin et je pars à pied en direction de la station de métro Villa-Maria, pour me rappeler en chemin qu'elle est fermée parce que la Société de transport de Montréal a décidé de prendre l'été pour la rénover.

Qu'à cela ne tienne, je décide de prendre une bicyclette. Il y en a à la station Villa-Maria depuis que BIXI s'est finalement installé dans le quartier. Après les avoir cherchées en vain à leur emplacement officiel, je demande à des travailleurs du chantier en pause cigarette où elles sont passées. «Ils les ont enlevés, me répondent-ils. Elles étaient dans le chemin pas à peu près.»

Inspirée par cette décision de génie, je poursuis ma quête d'un vélo, qui se termine à la station BIXI au coin des avenues Girouard et Monkland. Je saute sur mon deux-roues.

Comme je suis officiellement en retard, j'ai songé un instant à prendre un taxi. Mais vous n'êtes pas sans savoir que, tout juste au sud et même à l'est et un peu au nord d'où je me trouve, il y a des cônes orange partout. Dans l'échangeur Turcot, sur l'autoroute Ville-Marie, et plus au nord, sur l'avenue Lacombe, et non loin dans le chemin Queen-Mary, et aussi sur le boulevard Décarie... Et le chantier du Centre universitaire de santé McGill, ça vous dit quelque chose? Peu importe le trajet, on risque de se heurter à des bouchons causés par des chantiers de construction. Bien que je sois en retard, je choisis donc de poursuivre mon périple en vélo.

Je descends l'avenue Girouard et, après avoir marché à travers le terrible carrefour Décarie-De Maisonneuve, je réussis à prendre la piste cyclable. Me voilà donc partie vers l'est. Je suis en retard, mais ça roule, ça roule. Jusqu'à ce que, au coin du boulevard De Maisonneuve et de la rue Jeanne-Mance, je tombe sur la zone des festivals.

Là, on m'explique que je ne peux pas entrer à vélo, que je dois remonter jusqu'à la rue Sherbrooke pour contourner la zone interdite ou à la rue Rachel pour poursuivre mon chemin vers l'est sur une autre piste cyclable.

Découragée, suprêmement en retard, j'abandonne mon BIXI. Je saute dans un taxi et j'arrive à destination épuisée, exaspérée, avec 15 minutes supplémentaires de retard à cause des ralentissements notamment liés aux festivals et à la construction de la nouvelle salle de l'Orchestre symphonique de Montréal, sans parler du chantier du boulevard Saint-Joseph et compagnie.

* * *

Cet été, en ville, bouger était une aventure, explique Stéphane Guidoin, de Zonecone.ca, surtout dans tout le corridor en L inversé qui part de Notre-Dame-de-Grâce et qui longe l'autoroute 20 jusque dans le Vieux-Montréal - méga-chantier là aussi, sur la place d'Armes - pour ensuite remonter à travers le Plateau jusqu'à Rosemont.

Bref, les gens de l'Ouest sont en droit de craindre le pire à la rentrée. Et bonne chance à ceux des quartiers au centre de la ville. Ou qui le traversent.

M. Guidoin est informaticien et a mis sur pied ce site, qui est beaucoup plus convivial que ceux de la Ville de Montréal ou du ministère des Transports. Façon MapQuest, on inscrit ses points de départ et d'arrivée et le site indique quels chantiers seront sur le chemin.

Comme il a pataugé là-dedans tout l'été, M. Guidoin était tout à fait au courant de la situation particulière de l'ouest de la ville. «Il y a le chantier du CUSM, les travaux dans l'échangeur Turcot et sur l'autoroute Ville-Marie et plusieurs autres réparations d'infrastructures dans le Sud-Ouest...»

Son site fait état de 11 chantiers entre mon quartier et les bureaux de La Presse...

«Et il en manque. Il manque notamment de l'information provenant des arrondissements et des villes défusionnées, comme Westmount, par exemple.»

Cela dit, les chantiers privés qui bloquent la circulation devraient théoriquement s'y trouver puisque les citoyens doivent en avertir la Ville, où M. Guidoin prend ses données.

Mais bon, est-ce que chaque camion qui se gare sans égards et crée tout un chaos s'inscrit auprès de la Ville? On en doute. Pourtant, celui d'une société de fibre optique qui s'est arrêté au coin du chemin Queen-Mary et du boulevard Décarie, mercredi matin dernier, en pleine heure de pointe, bloquant deux des trois voies de circulation, a créé tout un embouteillage à lui seul. Magistral.

* * *

La semaine dernière, quand la sortie Saint-Jacques de l'autoroute Ville-Marie en direction ouest a enfin été rouverte après avoir été fermée durant tout l'été, j'ai cru que les gens de NDG allaient sabler le champagne tellement la nouvelle est arrivée comme un soulagement. «Grosse nouvelle pour le quartier», a «twitté» le journaliste Brendan Kelly de la Gazette.

«Donc plus besoin de lancer un service d'Helixi?», lui ai-je répondu, blague faisant allusion au fait que, par moment, on avait l'impression que ni à pied, ni en voiture, ni en vélo, ni en métro, on n'était capable d'aller où que ce soit. Restait donc uniquement l'hélicoptère.

«Ça demeure une bonne idée, m'a-t-il répondu. On en a pour huit ans encore avec la reconstruction de Turcot.»