En ce moment, dans les fêtes, dans les soirées, le midi au lunch, autour de la machine à café au bureau, à la sortie de l'école, la question est partout: «Allez-vous faire vacciner vos enfants contre le H1N1?»

Vous l'avez sûrement entendue durant le long week-end.

«Pis, le vaccin?»

Connaissez-vous un parent qui ne se l'est pas fait demander?

 

Sauf que même si la question est dans toutes les bouches, les réponses, elles, ne sont pas exactement limpides et précises.

«Pas encore décidé.»

«Pense pas... Bien que...»

«Ouain.»

«Ben...»

Des tonnes de gens ne savent pas quoi faire.

Et ce n'est pas parce qu'ils sont décrochés et pas informés.

Au contraire.

Ils savent très bien que la grippe existe et de quoi elle retourne. Ils comprennent qu'il y a parfois des complications aiguës. Ils saisissent l'importance des vaccins comme mesure de santé publique non seulement pour prévenir les cas particuliers mais aussi pour limiter la propagation... Mais ils n'ont quand même pas arrêté leur verdict.

On nage actuellement dans un flou décisionnel.

Et ce n'est pas du tout parce que tous ces parents adhèrent aux théories du complot farfelues qui se baladent sur l'internet... Ils hésitent parce qu'ils ont de la difficulté à évaluer la probabilité que la maladie soit vraiment grave pour eux.

Cela n'a rien d'étonnant. Même les experts ont de la difficulté à mesurer le danger de cette foutue grippe.

Car oui, il y a eu morts d'enfants, et oui, les femmes enceintes semblent particulièrement vulnérables. Et oui, cette grippe dérape parfois de façon virulente et ça s'est vu chez les petits... Mais la H1N1 demeure, malgré tout, quand même très «normale» comparativement aux grippes saisonnières que l'on voit chaque année. Pour la vaste majorité des gens, c'est tout simplement... une grippe!

D'ailleurs, saviez-vous que Montréal a été une des villes les plus touchées au monde par la maladie?

On ne peut pas dire que cette grippe soit terrifiante.

* * *

Personnellement, je préférerais ne pas avoir à faire vacciner mes enfants. Pourquoi? Pour les mêmes raisons que vous.

D'abord, en gros, parce que le vaccin est tout neuf et que j'ai envie de faire comme les enfants devant un plat nouveau: attendre que les autres y goûtent avant d'y plonger ma fourchette. Toutefois, je sais très bien que c'est une réaction irrationnelle. Un médecin m'a fait remarquer hier que je n'hésite pas à les faire immuniser contre la grippe saisonnière avec des vaccins mis au point dans le même genre de délai...

Et puis il est vrai que si je mets dans une balance, d'un côté, mes hésitations au sujet du vaccin et, de l'autre, mes craintes face à la grippe et à ses complications, les histoires d'horreur de la H1N1 sont imbattables.

Mais il y a autre chose.

Une bonne partie de l'hésitation face au vaccin vient, je crois, du sentiment qu'ont beaucoup de gens, à tort ou à raison, d'avoir déjà été frappés par la grippe.

À la fin du printemps et durant l'été, on le sait, des milliers de familles québécoises ont été malades. Grippe hippopotamesque. Rien de subtil. Maladie tout en grosseur: grosse fièvre, grosse toux, grosse nausée, gros malaise généralisé...

Sauf que dans la très, très vaste majorité des cas, le diagnostic n'a jamais été confirmé par test. Il y en avait trop dans les hôpitaux à ce moment-là. Cela aurait coûté trop cher et causé trop de délais inutiles.

Mais cette décision de ne pas identifier automatiquement tous les cas de H1N1 fait que, aujourd'hui, on pense avoir eu le virus, on n'est pas certain... Cela met tous ces gens devant une situation mitigée face au vaccin. Leur est-il réellement nécessaire?

Cette situation ne pourrait-elle pas se régler si Québec acceptait d'offrir à ceux qui le demandent des tests sanguins pour déterminer la présence des anticorps de H1N1? Vous savez, un peu comme pour la rubéole...

J'entends déjà les responsables de la santé publique dire: «Trop cher.» Et quand on sait à quel point les hôpitaux ont besoin de tous leurs moyens pour se préparer à recevoir les cas les plus graves, aux unités de soins intensifs notamment, on s'incline.

Mais ne serait-ce quand même pas une option intéressante à offrir aux incertains? Pour faire fondre une partie de l'incrédulité?

Car croyez-vous vraiment qu'une campagne de vaccination antigrippe peut marcher si on ne prend pas au sérieux les hésitants et leurs hésitations?

Décidément, ces épidémies sont vraiment trop pleines de flous...