Il y a quelque chose d'étrange dans cette mort attendue de la grand-mère de Barack Obama, hier, à la veille de l'élection.

Est-ce le symbole de la fin d'une époque? Le départ l'âme en paix et remplie du sentiment d'une oeuvre accomplie, de celle qui a élevé ce petit-fils porteur de changement?Est-ce, au contraire, une sorte de fuite en avant, comme si l'ampleur des émotions qui seront suscitées par les événements de ce soir était tout simplement trop immense pour le coeur d'une vieille dame malade?

La vie fait des choses comme ça tout le temps. Annoncer la mort, la veille d'une naissance, n'est pas la moindre de ses troublantes acrobaties.

Née en 1922, Madelyn Lee Payne Dunham en aura quand même vu de toutes les couleurs durant ses 86 ans. Née deux ans après l'octroi du droit de vote aux femmes dans un pays encore imbibé de ségrégation raciale, la voilà qui termine sa vie la veille de l'élection du premier président noir des États-Unis ou de l'arrivée de la première femme à la Maison-Blanche.

Si l'Histoire était une émission de téléréalité, on pourrait intituler ce dernier chapitre, très à l'américaine, Extreme Makover.

Le changement incarné par ces deux individus, ce Noir et cette femme (ces femmes, en fait, si on inclut non seulement Sarah Palin, mais Hillary Clinton et son score historique aux primaires démocrates) durant cette campagne, n'est cependant pas uniquement lié à leur personne ou au jeu politique.

Leur présence est en réalité l'aboutissement de mouvements sociaux de fond aux mille facettes. C'est le point d'arrivée d'années et d'années de métissages, de communications accélérées au rythme de l'internet, du bouillonnement rebelle de gens qui ne se sont jamais vus sur le podium politique, qui sont informés et qui veulent plus. Plus de transparence, plus de diversité, plus d'égalité, plus de modernité, plus de réalité.

C'est l'arrivée au pouvoir ou du moins dans les isoloirs, de gens qui écoutent autant le country de Faith Hill que le rap de Kanye West, qui ont grandi autant avec Oprah et Larry King que Jon Stewart et Keith Olbermann, qui regardent YouTube, commentent les blogues, lisent le Huffington Post...

Entre les 18 millions de votes en faveur de Clinton, les millions de dollars donnés par des individus, à coup de 20$ ici et 50$ par là, à la campagne de Barack Obama, et l'effervescence causée par l'arrivée de Sarah Palin sur la scène républicaine, c'était comme si les «tasse-toi mononcle» de tous les genres étaient rentrés à pleine porte depuis 18 mois.

Le changement est là.

Évidemment, Obama l'incarne mieux que quiconque et s'il perd, ce soir, on aura l'impression d'un repli. Mais la transformation de la société américaine sera quand même déjà là, en marche. Obama aux portes de la Maison-Blanche est en soi la preuve de tout un changement.

Et si l'on ajoute à cela la crise financière, dont les conséquences profondes sur cette société de consommation se font déjà sentir, on peut, je crois, se dire que quoi qu'il arrive ce soir, ce pays ne sera plus le même dans un an, dans 18 mois. En fait, après cette campagne, il n'est déjà plus tout à fait comme avant.