Joël Legendre a manqué de jugement. Ce n'est pas la première fois. Ce ne sera sans doute pas la dernière. Il n'est pas le premier artiste, ni le dernier, du reste, à manquer de jugement. Exhiber son pénis dans un parc n'est pas l'idée du siècle. Que l'on soit ou pas une personnalité publique. Que l'on ait affaire ou pas à un membre des forces policières. Sans compter que sur le bord du fleuve, par jour de grand vent, on risque de prendre froid.

Se masturber en public, au vu et au su de tous, ce n'est pas faire preuve de beaucoup de discernement, peu importent les circonstances. Mentir à des journalistes, en prétendant que l'on a été mis à l'amende pour avoir uriné sur un arbre, c'est repousser inutilement les limites du déni de manière absurde et irresponsable. Que l'on se rassure: aucune plante n'a été éclaboussée dans le cadre de cette enquête policière.

Joël Legendre a été surpris en septembre dernier en flagrant délit de tendresse, dans un lieu où plusieurs hommes homosexuels se rendent pour faire des rencontres (et plus si affinités). Il n'est pas le premier. Il ne sera pas le dernier. Ce qui le distingue du quidam surpris les culottes baissées au parc Marie-Victorin ou au parc du Mont-Royal, c'est que son manque de jugement vient d'être étalé avec fracas sur la place publique. Et qu'il a en conséquence perdu son job.

Ce que j'en pense? Que dans toute cette histoire de potinage sexuel, ceux qui manquent le plus de pudeur ne sont pas nécessairement ceux que l'on pense.

La rumeur de cet «acte indécent» bruit dans les médias depuis des mois. Ce qui aurait dû donner amplement le temps à Joël Legendre de préparer sa stratégie médiatique. Pourquoi en parle-t-on aujourd'hui? Il faudrait poser la question au Journal de Montréal. S'il n'en tenait qu'à moi, on n'en aurait jamais parlé. Par décence, par pudeur, par réserve. Triste ironie, oui. Je suis vieux jeu, que voulez-vous.

Pourquoi taire cette histoire? Pas parce que Joël Legendre est un artiste de gauche (ah bon?), comme l'ont prétendu certains commentateurs. Ni parce qu'il a bénéficié d'un traitement de faveur médiatique. Mais bien, à mon sens, parce que son histoire de bizoune à l'air, toute célèbre qu'elle soit, n'est pas d'intérêt public.

Joël Legendre est peut-être une personnalité publique, mais ce n'est pas un élu. Il n'a pas fumé de crack comme Rob Ford, demeuré maire de Toronto par la suite. Il n'a blessé ni tué personne, contrairement à un ancien premier ministre dont on taisait jadis les écarts matrimoniaux. Pourtant, on lui réserve le même traitement qu'à un dangereux criminel. Des artistes arrêtés pour conduite en état d'ébriété ont eu droit à plus d'indulgence et de clémence de la part des médias et de l'opinion publique.

À qui a nui Joël Legendre, sinon à lui-même? À sa famille, qu'il exhibe sans gêne dans les médias, sans réfléchir - encore une fois - aux risques inhérents qu'il y a à publier sa vie privée et à utiliser ses enfants comme outils de promotion professionnelle (une autre forme répandue d'impudeur).

Joël Legendre a manqué de jugement. Il a cru à tort s'adonner à une activité sexuelle entre adultes consentants alors qu'il était en plein air et beaucoup trop entreprenant. Il reste qu'il n'a pas agressé d'enfant. Il n'a pas violé d'adolescent. Il n'a choqué personne, sauf peut-être un policier en civil.

Jeudi, Legendre a décidé de cesser temporairement toutes ses activités professionnelles. Il ne travaille plus à Rouge FM, où il animait deux émissions de radio. On se demande, dans les circonstances, si toute cette histoire n'est pas un acte manqué, une forme de suicide professionnel. Ou le résultat d'une insouciance extrême, d'un narcissisme dévastateur, qui a fait croire à l'ex-animateur de Paquet voleur qu'il était au-dessus des lois.

On pense inévitablement à Jian Ghomeshi, un autre animateur de radio déchu dans la foulée d'un scandale sexuel. À ce même comportement autodestructeur. Comment ont-ils pu croire tous les deux qu'ils ne seraient pas reconnus? Là s'arrêtent les comparaisons.

Ghomeshi est accusé d'avoir agressé des femmes, à répétition, à coups de poing au visage. Joël Legendre n'est ni Jian Ghomeshi ni Jean-François Harrisson, ce comédien d'émissions jeunesse condamné pour possession et distribution de pornographie juvénile. Il n'a pas été accusé comme eux d'un acte criminel. Pourtant, il est traité comme un criminel. Pour une infraction qui, somme toute, est d'une gravité sans commune mesure.

Cette disproportion, dans le traitement médiatique, dans l'intérêt malsain du public, est peut-être ce qu'il y a de plus indécent dans toute cette histoire.