Une équipe va gagner la finale de la Coupe du monde dimanche. Une équipe, Patrick. Pas un rassemblement de vedettes argentines exilées aux quatre coins de l'Europe, espérant l'état de grâce de leur demi-dieu.

Ton Messi, avec ou sans son Ángel, ne pourra vaincre à lui seul l'Allemagne. Le gendre de Maradona, le petit Kun, et l'autre Gonzalo ont été pour l'essentiel inefficaces en pointe d'attaque depuis le début du tournoi. Il aura fallu une commotion cérébrale à Mascherano pour qu'il sorte enfin de sa torpeur contre les Pays-Bas. Ces chocs à la tête ont parfois des conséquences à retardement, et pas pour le mieux... Et dois-je te rappeler que Sergio Romero est le gardien substitut à Monaco?

Tout ça pour te dire, Patrick, que, poulpe devin ou pas, l'Allemagne sera sacrée championne du monde pour la quatrième fois dimanche. Pas l'Allemagne de l'Ouest de Lotthar Matthäus, Andreas Möller, Rudi Völler, Andreas Köpke et Jürgen Klinsmann, qui avait vengé en 1990 sa défaite à la main divine de Maradona quatre ans plus tôt.

La «nouvelle» Allemagne. Celle de Sami Khedira, Toni Kroos, Thomas Müller, Mesut Özil, Bastian Schweinsteiger, Philipp Lahm, Mats Hummels et Manuel Neuer, le meilleur gardien de but du moment (pas le meilleur gardien substitut). Une équipe dont les bases philosophiques et le style de jeu ont été mis en place dès 2006 par Jürgen Klinsmann et son assistant de l'époque, Joachim Löw, devenu par la suite sélectionneur.

Une équipe libérée des vieux archétypes du soccer germanique: rigueur, discipline, réalisme. Et n'ayant rien à voir avec celle que j'ai vue affronter le Brésil en finale du Mondial de 2002 à Yokohama, qui misait sur le jeu défensif, la suprématie aérienne et le stoïcisme de son gardien Oliver Kahn (qui avait laissé filer un ballon devant Ronaldo).

Il ne reste de cette équipe vice-championne du monde que Miroslav Klose, devenu cette semaine contre le Brésil le plus grand buteur de l'histoire de la Coupe du monde (devant Ronaldo, justement).

L'équipe «née» en 2006 (avec les jeunes Lahm, Schweinsteiger, Mertesacker, Podolski), à l'occasion d'une Coupe du monde allemande où l'on n'attendait rien d'elle au départ, est arrivée à pleine maturité. Ses cadres sont dans la fleur de l'âge, à leur plein potentiel, mûrs pour une consécration pleinement méritée.

Depuis cette finale de Coupe du monde malheureuse au Japon en 2002, l'Allemagne a terminé troisième deux fois, en 2006 et 2010, en plus d'être finaliste à l'Euro en 2008 et demi-finaliste en 2012. Sa présence en finale dimanche à Rio n'a absolument rien d'une surprise, même si la facilité avec laquelle elle a disposé du Brésil cette semaine a laissé tout le monde pantois.

L'Allemagne d'aujourd'hui s'est complètement libérée des clichés d'antan, du jeu rigide et rugueux, plutôt ennuyeux et prévisible, qui a caractérisé les années 70 de Franz Beckenbauer ou 80 de Karl-Heinz Rummenigge. Cette équipe est beaucoup plus volontaire, entreprenante, excitante, et toujours aussi efficace. À l'image du premier but de la Coupe du monde de 2006, cette fabuleuse frappe de Philip Lahm, latéral gauche devenu depuis le capitaine de la sélection nationale.

Le jeu offensif fluide, élégant et séduisant de la Mannschaft est à l'image de celui pratiqué sous Pep Guardiola au Bayern Munich, où jouent la majorité des cadres de l'équipe nationale (ils sont sept) en compagnie des Robben et autres Ribéry. Aux Bastian Schweinsteiger et Mesut Özil - le joueur le plus doué du lot, trop souvent aux abonnés absents pendant ce tournoi - se sont greffés ces dernières années les Thomas Müller, Toni Kroos et Mario Götze. Une formation au talent incomparable.

La FIFA a annoncé vendredi sa liste des finalistes au meilleur joueur de la Coupe du monde 2014. Parmi les dix prétendants, l'on trouve quatre candidats allemands: le capitaine Lahm, le pilier défensif Hummels, le milieu créatif Kroos et l'irrésistible attaquant Müller, dont la carrière a débuté au Bayern Munich sous Klinsmann, à seulement 18 ans. Six ans plus tard, il a déjà marqué 10 buts en 12 matchs de Coupe du monde. Il en marquera certainement d'autres, plus tôt que plus tard.

Dimanche, une Allemagne soudée, confiante, d'une profondeur impressionnante deviendra la première équipe européenne à remporter une Coupe du monde en sol latino-américain. Elle aura derrière elle des dizaines de milliers de supporteurs brésiliens, cuvant toujours l'humiliation de mardi. Ils ne voudront pas y voir ajoutée l'insulte d'une victoire des rivaux argentins dans leur mythique stade Maracanã. Ce serait le comble. Tu ne peux pas leur souhaiter ça, Patrick?