Bien. C'est le seul mot que j'arrive à lui soutirer la plupart du temps. Comment a été ta journée à l'école? Bien. Et ton cours d'échecs? Bien. Tu t'es amusé avec tes amis? Bien...

Il est du type peu loquace. Comme le garçon dans les vieilles pubs de frites McCain. Ses états d'âme s'expriment davantage par des gestes que par des paroles. Mais quand nous sommes entrés dans la salle de la Maison symphonique, vendredi soir, pour le Bal des enfants de l'OSM, son regard s'est illuminé et sa langue s'est déliée comme par magie.

«Je me demande comment ils ont fait pour que ce soit tout en bois?» «C'est quoi, les 2000 boutons [de l'orgue]?» «Pourquoi ils baissent les lumières?» «Est-ce que la chose noire, c'est un piano? J'imagine qu'il faut être deux pour en jouer...»

Des questions plein la tête. Mon p'tit loup de 7 ans, obnubilé par l'éclairage doré de cette magnifique salle, par la quantité de musiciens et d'instruments devant lui, à qui l'on doit arracher un commentaire, devenu une pie le temps d'un concert.

D'ordinaire, il ne tient pas très longtemps en place. Le suivre au pas est devenu une seconde nature pour moi. Il n'a pas bougé de la soirée, droit comme un «I», rivé à son siège pendant 90 minutes. Il ne s'est impatienté qu'une seule fois, au tout début, lorsque l'animatrice Sophie Nélisse a feint de diriger l'orchestre, avant l'arrivée de Kent Nagano.

Il s'est couvert les oreilles en grimaçant, pour amortir le vacarme tonitruant des instruments. «Je pense qu'elle fait exprès pour aller trop vite. C'est raté!» Deux jeunes pianistes, dont l'un à peine plus âgé que lui, ont interprété le Carnaval des animaux de Saint-Saëns.

«J'ai déjà entendu cette musique. Oui, on l'a à la maison!» Il observait, émerveillé, les doigts des pianistes virevolter à toute vitesse au-dessus des notes. «J'ai compris: il y en a un qui joue les notes aiguës et l'autre, les notes graves.»

J'avais l'impression d'assister au concert en compagnie d'un mini-Martin McGuire, le descripteur des matchs du Canadien au 98,5 (qu'il imite si bien). «On ne l'entend presque pas», a-t-il déploré pendant le mouvement de L'éléphant, en parlant de la contrebasse. Je ne sais pas si mon collègue Claude Gingras aurait été d'accord.

«Pourquoi il retourne s'asseoir là-bas?» m'a-t-il demandé lorsque le contrebassiste a retrouvé l'orchestre. Un papa désemparé, mitraillé de questions, cherchant désespérément des réponses.

«Il retourne voir ses amis», lui ai-je dit. Il a fait une moue avec ses lèvres charnues, les yeux plissés, le regard oblique, insatisfait de mes efforts.

De jeunes enfants pleuraient quelques rangées plus loin, d'autres se bousculaient pour se rendre aux toilettes. Rien ne pouvait le distraire du concert. À lui seul un public captif, sous le charme de cette première expérience. Il s'est mis à imiter les gestes amples du maestro, les bras devant lui, les index repliés sur les pouces, dirigeant l'orchestre de son siège au milieu de la salle.

Le comédien Didier Lucien est arrivé sur scène, la démarche volontairement hésitante, pour présenter Pierre et le loup de Prokofiev, qui a bercé ma propre enfance. Mon p'tit loup s'est retourné vers moi, complice, le sourire fendu jusqu'aux oreilles.

«Le beaubois pour imiter le canard?» m'a-t-il demandé à voix haute, pendant que l'acteur faisait la recension des instruments de la pièce, représentant les différents personnages.

«Wô!» Il a sursauté en entendant le bruit des chasseurs, produit par les cymbales et la grosse caisse. «Papa, c'est comme une histoire en musique!» En plein ça, mon chéri. Et la valse des commentaires de se poursuivre. «Pourquoi il met une perruque? Qu'est-ce qu'il fait avec la fleur? Il fait comme si c'était un oiseau! C'est un loup! Un loup dans un sac!»

Didier Lucien, habile conteur, mime fabuleux, l'a fait rire de plus belle avec ses grimaces et ses mouvements exagérés. Il a même anticipé son prochain geste, fier de me confier sa trouvaille au creux de l'oreille, après que l'acteur eut enfilé une casquette de canard: «Il va sauter dans le cerceau bleu comme si c'était une mare. Tu vas voir. T'as vu?»

Oui, mon poussin.

D'autres propositions de mise en scène l'ont laissé plus perplexe, comme ce trombone transformé en arme de chasseur. «C'est pas un fusil, ça! C'est quoi, papa, la marche triomphale?» J'ai pensé à Patrick Dewaere dans le film de Bellocchio, mais je n'ai rien dit, sauvé par le bruit des cymbales.

Sophie Nélisse est réapparue sur scène pour présenter le clou de la soirée, un ballet (La boîte à joujoux de Debussy), accompagnée d'un technicien vêtu d'un tutu de tulle et transportant... un balai. «Pas un balai comme ça!», a crié mon loup, qui riait et riait. La blague de la soirée.

«Ça paraît qu'il ne dort pas. Ses yeux sont ouverts», m'a-t-il fait remarquer, se levant de son siège pour mieux apprécier la chorégraphie, en montrant du doigt le jeune danseur couché sur son lit. Lui non plus ne dormait pas encore, mais je sentais ses paupières s'alourdir. Avant l'épilogue, ses questions épuisées, il a posé sa tête sur mon épaule. J'ai enfoui mon nez dans ses cheveux, ma main dans son cou, profitant de ce moment de douceur éphémère.

«Tu as aimé le concert?» lui ai-je demandé en sortant. Il a marqué une pause, a levé ses yeux vers moi, avant de me répondre: «Bien».