La neige du voisin a toujours l'air plus blanche que celle qui s'accumule dans son propre jardin. Et ce n'est pas d'hier que l'on prétend, études à l'appui, que le bonheur se trouve non pas dans un long fleuve tranquille du Québec, mais plutôt dans un fjord de la Norvège.

Ah! la Scandinavie! Son filet social, son sens de la communauté, ses congés parentaux, son égalité hommes-femmes, ses spas nordiques, son indice élevé de bonheur. Eux autres, ils l'ont l'affaire, les Norvégiens. Ce n'est pas Elvis Gratton qui le dit. La Scandinavie est régulièrement citée en exemple lorsqu'il est question de qualité de vie.

Cette présumée recette du bonheur scandinave fait l'objet d'une série documentaire de trois épisodes, diffusée le lundi à 20h à la chaîne Évasion (celui d'hier, sur le Danemark, est en reprise aujourd'hui à 16h). Une série fort intéressante, réalisée par trois anciens concurrents de la dernière Course autour du monde.

Je l'ai dit et redit: j'ai un attachement particulier à La Course. J'ai suivi pour La Presse plusieurs candidats de l'émission de Radio-Canada, au milieu des années 90, les interviewant pendant leur périple. La Course, pour les gens de ma génération, reste une émission mythique. De nombreux cinéastes y ont fait leurs classes (on l'a répété souvent aussi): les Denis Villeneuve, Philippe Falardeau, Ricardo Trogi, Robin Aubert et autres Yves Christian Fournier.

Pendant deux ans, La Course a connu une nouvelle vie à Évasion. J'ai eu l'occasion, en 2012, de faire partie en compagnie de Patrick Masbourian et de Karina Marceau du jury qui, semaine après semaine, jugeait du travail de ces jeunes cinéastes en herbe.

Malheureusement, faute d'un public assez vaste et en raison de coûts de production trop élevés, Évasion a dû abandonner le projet en décembre dernier. Faire revivre cette compétition était pourtant une merveilleuse idée et le résultat, à mon sens, probant: les candidats retenus étaient bourrés de talent et leurs films, tournés en peu de temps à l'étranger, impressionnants de maîtrise.

La télévision la plus intéressante n'est pas forcément celle qui plaît le plus, et La Course a disparu des ondes aussi rapidement qu'elle y était réapparue ou presque. Peut-être n'a-t-elle pas su trouver son public sur la chaîne spécialisée qui avait eu le courage de la faire renaître? Peut-être aussi que cette fenêtre ouverte sur le monde n'avait pas le même attrait en 2012 que 20 ans plus tôt?

Difficile à dire à une époque où tout le monde et son beau-frère peut s'improviser cinéaste avec un téléphone portable. Avec les résultats que l'on sait. YouTube n'est pas très regardant sur la qualité de l'image. Surtout quand il s'agit de chatons dans des situations compromettantes.

C'est dommage, parce que La Course, l'ancienne comme la nouvelle, était à la fois une école et un tremplin de choix. Qui aura au moins eu l'occasion de révéler le talent évident de François Dubé, vainqueur de la dernière compétition, il y a un an exactement.

La série Le bonheur en Scandinavie, qu'il a pilotée, est en quelque sorte sa récompense pour une Course menée avec brio, souvent en tandem (selon la formule privilégiée dans sa dernière mouture).

En septembre, Dubé a décidé d'unir ses forces à celles de deux de ses partenaires de la défunte émission: Caroline Larocque-Allard et Jean-Philippe Sirois. Tous trois ont sillonné le Danemark, la Suède et la Norvège en VR, pendant un mois. Une course après la Course pour trois jeunes créateurs toujours avides d'aventures.

«On était attirés par les pays scandinaves, souvent considérés comme des baromètres du bonheur, m'explique François. On s'imaginait des visages souriants partout, une sorte de plénitude, d'atmosphère zen. La vérité, c'est qu'il y a bien sûr des failles dans ce bonheur, mais que le filet social fait en sorte que les gens se sentent pour la plupart en sécurité. Ils semblent profiter de ce qu'ils ont. C'est peut-être ça leur recette.»

François, un réalisateur autodidacte (formé en biologie), Jean-Philippe, un jeune directeur photo hors pair, et Caroline, la journaliste du groupe, ont donc tourné, avec beaucoup d'ingéniosité et à peu de frais - ils ont tout fait, de la recherche jusqu'au montage - , plusieurs reportages liés à l'importance de la communauté au Danemark, à la culture, en Suède et à la nature en Norvège.

Des sujets évoquant à première vue autant de lieux communs sur la Scandinavie, mais qui sont traités de manière intelligente et originale, à travers des personnages pertinents et colorés. Les jeunes vidéastes, qui se sont discrètement mis en scène - un clin d'oeil à cette Course qui les a révélés? -, ont évité le piège de la carte postale.

Si elle n'aborde pas des sujets plus sensibles comme les difficultés d'intégration des immigrants, leur série n'offre pas pour autant une vision angélique de la Scandinavie. Le bonheur n'est jamais parfait, et bien souvent fragile. Même chez le voisin au jardin de neige immaculée.