Derek est un simple d'esprit au grand coeur. Drôle, surtout malgré lui, mais touchant et attendrissant aussi, ce qui est assez étonnant de la part d'un personnage créé et interprété par Ricky Gervais, reconnu pour son humour caustique.

La nouvelle série écrite et réalisée par l'humoriste britannique est campée dans un centre de soins pour personnes âgées, où travaille ce Derek désinhibé, au dos voûté, aux cheveux gras et à la mâchoire proéminente. Un brave garçon, à qui il est impossible de confier un secret, mais qui a une affection sans limites pour ses patients.

Filmé comme un faux documentaire à la The Office (autre série de Gervais), dans un registre dramatique plus ambitieux, Derek est ce qui m'allume le plus à la télé ces jours-ci. Même si, à proprement parler, ce n'est pas par la télévision que je découvre cette série britannique.

Derek, diffusée sur la chaîne britannique Channel 4 l'an dernier, est offerte depuis la mi-septembre sur Netflix, qui propose des films et des téléséries en flux continu sur l'internet pour un abonnement d'environ 8$ par mois au Canada. Je suis un nouvel adepte de ce service offert depuis trois ans au Canada et qui, jumelé à Apple TV, a complètement modifié mes habitudes de consommation télévisuelle.

Je ne suis pas le seul. Le nombre d'abonnés de Netflix a doublé au Canada en un an. Un Canadien anglais sur quatre y a désormais accès. Et si le Québec reste pour l'instant à la traîne (seulement 5% des francophones sont abonnés), ce service qui se bonifie sans cesse devrait trouver chez nous un plus large public.

L'ascension de Netflix aux États-Unis a été fulgurante en 2013, depuis que l'entreprise s'est lancée dans la diffusion de séries télé exclusives. Il y a moins d'un an, son président Reed Hastings a déclaré que Hulu (service web de vidéo sur demande) était son principal compétiteur. En juin, il s'est ravisé en disant que son concurrent direct était plutôt HBO.

Il y a quelques semaines, Hastings a déclaré que Netflix cherche en fait à séduire le même public que HBO, Hulu, les chaînes de télévision câblées et conventionnelles, les services de films et de télé à la carte, ce qu'il reste du marché du DVD, alouette!

Alors que la différence entre la télé traditionnelle et les autres formes de télé s'estompe, en raison d'une accessibilité plus grande et plus simple, les habitudes de consommation changent, et très vite. Si certains grands rendez-vous télévisuels demeurent (les quelque 2 millions de téléspectateurs d'Unité 9 en témoignent), on enregistre de plus en plus des émissions que l'on regarde plus tard ou en rafale. Ou on les rattrape grâce à des services comme Tou.tv, Illico sur demande et Netflix.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cela a parfois pour effet de doper les audiences de séries télé en permettant aux téléspectateurs de rattraper le temps perdu, comme l'a récemment écrit mon collègue Hugo Dumas à propos de Breaking Bad. Peut-être que je me déciderai enfin à me mettre à jour dans la série Homeland, grâce à Netflix.

Selon une étude de l'Observateur des technologies médias (OTM), 10% des Québécois francophones de 18 à 34 ans sont abonnés à Netflix, mais environ la moitié des Québécois ayant tenté l'expérience ont fini par abandonner le service, pour la plupart insatisfaits du choix de films et de séries télé. C'est vrai que Netflix n'est pas la manne pour la télévision et le cinéma québécois, ni du reste pour les films en français.

Mais les choses semblent aussi progresser sur ce front. Les séries originales de qualité, comme House of Cards - la première série «web» en lice aux Emmy - et Orange Is the New Black (des auteurs de Weeds), ont été doublées au Québec. Et de plus en plus de films et de séries sont offerts en version française.

Six semaines plus tard, le bilan que je trace de mon expérience Netflix est assez positif. Malgré un choix de films et de séries limité, qui se renouvelle lentement, je trouve le service, en raison de son coût peu élevé, tout à fait adapté aux besoins d'une famille avec de jeunes enfants.

Au lieu de payer trois fois, sur un autre service, la location d'un film, mes fils peuvent revoir Puss in Boots, Antz ou Rango, en français, sans frais additionnels. Et comme ils ne sont pas encore adolescents, je n'ai pas eu à me soucier d'une hausse soudaine des frais de bande passante, contre laquelle plusieurs m'avaient mis en garde.

J'y trouve moi-même mon compte. J'ai dévoré House of Cards, que j'ai trouvée excellente malgré sa fin décevante. Je prévois découvrir la quatrième saison (exclusive à Netflix) de la regrettée série Arrested Development, et donner une deuxième chance à l'intrigante série Rectify, du Sundance Channel, sur un gracié du couloir de la mort.

On ne trouve pas des perles rares de cinéma d'auteur sur Netflix comme à la Boîte noire, mais son catalogue compte tout de même de grands titres tels que De rouille et d'os et Un prophète de Jacques Audiard, Une séparation d'Asghar Farhadi, la série documentaire Up de Michael Apted ainsi que les plus récents films de Pedro Almodóvar, Roman Polanski et autres Abbas Kiarostami.

Netflix, cela dit, ne remplace pas la télévision conventionnelle. C'est plutôt un complément. À force de fréquenter le service, j'ai d'ailleurs dû me rendre à l'évidence: plusieurs chaînes de mon forfait de télé câblée m'étaient devenues inutiles. J'ai fait un grand ménage automnal. J'ai viré une dizaine de chaînes, comme autant de vieilles chemises que je ne porte plus et qui traînent dans ma garde-robe. Et j'ai réinvesti la somme dans Netflix. Je ne crois pas le regretter de sitôt.