On dit des saucisses que lorsque l'on sait comment elles sont fabriquées, on n'a plus envie d'en manger. On pourrait en dire autant de certains films. Non, cette chronique ne sera pas truffée de métaphores alimentaires. Elles sont en rupture de stock depuis deux semaines, en raison de l'emballement médiatique provoqué par la sortie (demain) du film Hot Dog.

Plusieurs raisons expliquent à mon sens cet engouement: une alléchante brochette de comédiens (s'cusez-la), l'ingéniosité d'une campagne de promotion mariant roteux gratis et achat de billet de cinéma, une saison nommée été, le souvenir d'un film cochon mettant en vedette Shannon Tweed et une envie toute chauvine de la part des médias que le cinéma québécois fasse enfin de meilleures recettes aux guichets, afin que l'on puisse arrêter de parler de Vincent Guzzo.

«Hot Dog saura profiter du succès de Louis Cyr», titrait la semaine dernière - de manière assez présomptueuse - Le Journal de Montréal, en s'inspirant d'une déclaration du réalisateur de la «comédie (autoproclamée) de l'été», Marc-André Lavoie. Voilà qui s'apparente à mettre la charrue devant les boeufs, sans homme fort pour assurer ses arrières.

Permettez que j'ose à mon tour une prédiction hasardeuse (les voies du box-office, il est vrai, sont impénétrables): Hot Dog n'engrangera pas les millions recueillis par Louis Cyr. Pas à cause des critiques qui trouvent ce film sans saveur - leur influence sur les «films à popcorn» a été démontrée: elle est quasi nulle -, mais parce que Louis Cyr, comment dire... est un bon film.

Hot Dog, en revanche, donne l'impression d'un brouillon inachevé, livré en pâture à un public censé raffoler de quiproquos usés et sans ressort. Une comédie sans queue ni tête, qui égrène tous les clichés possibles, en n'offrant que deux ou trois occasions de sourire - mais des dizaines et des dizaines de soupirer (je vous ferai grâce des blagues de caca). C'est à se demander où est passé l'esprit du sympathique premier film de Lavoie, Bluff, coréalisé avec Simon-Olivier Fecteau.

J'entends au loin le bruissement des rumeurs de mon snobisme. Vous saurez que j'apprécie autant que mon prochain une comédie légère bien ficelée. J'ai même veillé tard cette semaine en tombant par hasard à la télé sur The Wedding Singer (oui, oui, avec Adam Sandler).

Une «comédie», du latin comoedia et du grec ancien komodia (tant qu'à être taxé de snobisme), est une oeuvre «ayant pour but de divertir». L'ennui, c'est que non seulement Hot Dog - c'était entendu - n'a aucune valeur artistique, mais cet amas de calories vides n'a le potentiel de provoquer qu'une source négligeable de rires spontanés.

Or, si peu de gens vont voir un «film à popcorn» n'ayant d'autre objectif que de divertir le plus grand nombre de spectateurs, c'est qu'il a été produit en pure perte. Surtout au Québec, et même avec un budget somme toute modeste de quelque 2 millions.

J'ai un peu honte de l'admettre tellement l'argument peut sembler fallacieux, mais je me suis demandé plusieurs fois, pendant la projection de Hot Dog, comment un scénario aussi tarabiscoté, aussi dénué de «punch», avait pu passer in extremis entre les mailles du filet du financement public. Quand on sait la difficulté qu'éprouvent certains à subventionner leurs films...

De multiples refus pour une comédie de Marc Labrèche, mais le feu vert pour une histoire de dent dans une saucisse qui culmine avec Éric Salvail et Rémy Girard défiant l'état-major de la mafia montréalaise, déguisés en personnages de Matrix? Et personne, au cours du processus de création, pour lever le drapeau rouge et renvoyer le scénariste (Lavoie toujours) à son clavier d'ordinateur? Qu'on ne me dise pas que le menu avait l'air prometteur sur papier...

Hot Dog, à mon avis, a non seulement peu de tête, mais il n'aura guère plus de jambes. Il serait étonnant que le bouche-à-oreille soit favorable au point d'en faire un authentique succès aux guichets. Bien sûr que c'est malheureux pour l'industrie du cinéma québécois. Mais c'est aussi rassurant, d'un autre point de vue.

Le public n'est pas dupe. Il sait reconnaître un navet. N'en déplaise à Marc-André Lavoie, qui déclare à qui veut bien l'entendre que le Québécois moyen a l'équivalent d'une sixième année B et qu'en conséquence, il ne faut pas trop lui en demander lorsqu'on réalise un film. Non, le mépris n'est pas qu'un film de Jean-Luc Godard.