Elle avait 45 ans, peut-être un peu plus. Elle s'est approchée du micro. Une femme de Boston avec une voix grave et sensuelle. Elle s'est excusée de ne pas avoir de question pour Depeche Mode.

C'était pourtant l'objectif de l'exercice: poser une question en espérant une réponse. «Au nom de plusieurs femmes de mon âge, j'aimerais vous remercier pour une vie sexuelle bien remplie, a-t-elle dit. Beaucoup de gens ont baisé sur du Depeche Mode dans les années 90!»

Dave Gahan a ri à gorge déployée, tapant sur la cuisse de Martin Gore, devant une salle archi comble tout aussi hilare, hier soir, au quartier général du festival South by Southwest (SXSW).

Depeche Mode, groupe-phare de la scène new wave des années 80, a fait bien des petits (s'cusez-la) depuis ses débuts. Nombre de groupes de synthpop actuels se réclament de ses mélodies simples et efficaces. Le groupe anglais n'a jamais cessé de traîner sa bosse, malgré les tensions parmi son effectif, palpables même pendant une conférence de presse d'à peine une heure...

Une petite flèche de Martin Gore à l'endroit de Dave Gahan: «Dave dit que j'écris la même chanson depuis toujours». Une réplique ironique de Gahan: «Comme auteur-compositeur, je n'arrive évidemment pas à la cheville de Martin». Des rires complices des deux leaders du groupe narguant le claviériste Andrew Fletcher.

Le trio ressemble à un vieux couple, usé par le temps et les irritations du quotidien, qui a pourtant encore bien de l'amour à donner et à inspirer. Son 13e album de chansons originales, Delta Machine, sera en vente le 26 mars. Et Depeche Mode, a-t-on appris cette semaine, sera en spectacle à Montréal le 3 septembre, au Centre Bell.

Demain, le groupe donnera un spectacle beaucoup plus intime, pour une poignée de festivaliers dans un bar d'Austin, à l'occasion de sa toute première participation à SXSW. Pourquoi avoir choisi le Festival pour lancer votre album? a demandé un journaliste. «Parce qu'on nous l'a suggéré!» a répondu Dave Gahan, pince-sans-rire.

Le chanteur, aussi svelte qu'à l'époque de Music for The Masses et Violator, avait envie de rigoler et semblait dans une forme tout autre qu'à l'époque de ses abus de drogue et de sa tentative de suicide, peu avant la sortie de l'album Ultra, en 1997.

«Je me sens bien sur scène, dit-il. Je dis toujours que je suis comme un strip-teaseur surpayé!» Contrairement à Nick Cave la veille, c'est à reculons, hésitant et multipliant les euphémismes, que Gahan a parlé de la période la plus sombre de sa vie. «Je n'ai heureusement pas beaucoup de souvenirs de cette époque, dit-il. C'était comme un tourbillon. Depuis 15 ans, ma vie est devenue progressivement meilleure.»

On n'en a pas beaucoup appris sur la tournée qui s'amorce le 4 mai à Nice, sinon que des images tournées à La Nouvelle-Orléans par le célèbre photographe et cinéaste Anton Corbijn (Control), vieux complice du groupe, accompagneront ses prestations.

Peut-on s'attendre à un mélange de neuf et de vieux? «Je pense que nous allons demander chaque soir au public les chansons qu'il veut entendre», dit Dave Gahan, toujours à la blague. Mystère...

Et l'album? «Certains morceaux sont un mélange de blues et de musique électronique, un peu dans le genre de ce que l'on a fait auparavant avec Personal Jesus», dit Andrew Fletcher. «C'est un album au son particulier, très différent de ce que nous avons fait auparavant», croit Martin Gore, qui précise que le premier extrait (Heaven) n'est pas nécessairement représentatif de l'ensemble du disque.

Un disque créé, du reste, de la même façon que tous ceux parus depuis le départ d'Alan Wilder en 1995. «Dave et moi écrivons des chansons chacun de notre côté et nous nous réunissons pour les enregistrer», dit Gore, le principal compositeur du groupe depuis ses débuts. Ce qui a, sans doute, l'avantage de limiter les chicanes de couple...

Le secret de la longévité de Depeche Mode? «Nous avons un bon sens de l'humour, dit Gahan. Même s'il est parfois très noir!»

Québec, prise deux

Hier soir, au Swan Dive, le quartier général de la délégation québécoise à SXSW, c'était au tour du Festival d'été de Québec de présenter un «showcase» en compagnie d'artistes qui seront de sa prochaine édition, dont Karim Ouellet, The Besnard Lakes et Lisa LeBlanc.

L'Acadienne avait «rocké la place» la veille, partant le bal avec J'pas un cowboy. «Je trouvais que c'était de circonstances, comme on est au Texas!», m'a-t-elle confié après un court spectacle énergique, réglé au quart de tour.

«Si vous ne comprenez pas ce que je chante, ne vous en faites pas. Quand je vais en France, on ne comprend pas non plus ce que je dis!» a-t-elle lancé en anglais à l'attention de son public anglophone. «Cette fille est formidable», disaient à mes côtés deux festivaliers américains arrivés par hasard au Swan Dive. On est d'accord.

Gratteux de guitares

Le jour, on trouve des musiciens partout, en ville, dans les rues et les parcs, même au bord du lac, grattant leurs guitares. J'en connais une qui n'apprécierait pas trop. La nuit, SXSW envahit les rues fermées du centre-ville, la 6e en particulier, parsemée de bars. Les festivaliers faisant la file un peu partout côtoient des conducteurs de cyclo-pousses déguisés en superhéros dans une ambiance de fête foraine rock and roll.

Mardi dans la nuit, au Main, une très sympathique scène en plein air dans un décor industriel, les Canadiennes Tegan and Sara (qui habite Montréal) ont un peu trop fait attendre la foule, devenue impatiente. Mais les soeurs jumelles, malgré quelques couacs - notamment dans les notes suraiguës -, ont fini par séduire le public avec leurs chansons folk-rock et celles, aux accents plus électro, de leur plus récent album Heartthrob.