J'allais voir The Wind That Shakes the Barley un peu à reculons, le manichéisme de Ken Loach ayant parfois eu raison de mon enthousiasme pour ses films. Les cinéastes les plus talentueux ne sont pas à l'abri de la confusion entre engagement et racolage. Parlez-en à Pierre Falardeau.

Vérification faite, The Wind That Shakes the Barley (Le vent se lève en version française) ne fait pas exception à la règle. Il est pratiquement aussi manichéen que Bread and Roses. Les soldats britanniques qui occupent l'Irlande au début des années 20 y sont dépeints comme des bourreaux sans foi ni loi (rôle d'ordinaire réservé aux nazis). Ils humilient les Irlandais, les massacrent et les méprisent. On ne s'étonne guère que le film de Loach, un cinéaste anglais farouchement indépendant, ait été qualifié «d'antipatriotique» par la presse populaire britannique.

Ce que les tabloïds anglais ont refusé de reconnaître, c'est que The Wind That Shakes the Barley est un grand film. Une tranche d'histoire méconnue, racontée avec finesse à travers la prise de conscience d'un jeune étudiant irlandais (excellent Cilian Murphy) et sa relation avec son frère aîné révolutionnaire au moment des balbutiements de l'IRA. Un film que toute personne célébrant aujourd'hui la Saint-Patrick doit voir.

On comprend mieux le germe de la révolte du peuple irlandais grâce à cette oeuvre intimiste, dure et bouleversante, sur l'injustice, l'affranchissement et les codes absurdes qui régentent le temps de guerre. Poussé dans ses derniers retranchements, l'homme accepte de mourir pour des idées. Réduit à l'état de bête, il renonce à la notion de fraternité. Les frères d'armes d'hier sont devenus les ennemis de demain dans cette guerre d'indépendance de l'Irlande qui s'est transformée en guerre civile. On en ressent toujours les contrecoups, 85 ans plus tard.

En voyant le dernier Ken Loach, je me suis dit qu'il n'avait pas volé sa Palme d'or, malgré Babel et Volver, donnés favoris à Cannes l'an dernier. Rien à voir avec le tollé suscité par Rosetta, des frères Dardenne, que le jury présidé par David Cronenberg avait préféré, en 1999, à Tout sur ma mère de Pedro Almódovar.

Les Palmes d'or sont rarement «volées». On ne peut en dire autant des Oscars. The Departed de Martin Scorsese a beau être un thriller efficace, c'était loin d'être le meilleur film de la cuvée 2006. Et que dire de l'imbuvable Shakespeare in Love (1998) de John Madden, qui a été oscarisé devant La vie est belle de Roberto Benigni, The Thin Red Line de Terrence Malick et Saving Private Ryan de Steven Spielberg (excusez du peu)...

Le magazine américain Premiere (désormais disponible uniquement sur le Web) a dressé récemment la liste des 10 pires «meilleurs films» de l'histoire des Oscars. On y trouve les célèbres navets Cimarron (1931) et The Greatest Show on Earth (1952), mais également le délicieux American Beauty de Sam Mendes (1999). Comme quoi tous les goûts sont dans la nature.

Le site Rotten Tomatoes (www.rottentomatoes.com) classe lui aussi les lauréats de l'Oscar du meilleur film selon l'appréciation des internautes. Les notes globales vont de 36 % (Cimarron) à 100 % ( The Godfather ), l'oscarisé récent le plus contesté étant Crash (2005), qui reçoit un faible 75 % (je seconde).

En revanche, les habitués de Rotten Tomatoes donnent une note de 93 % à The Departed ... et à Shakespeare in Love. Je le répète, tous les goûts sont dans la nature. C'est sans doute aussi ce qui fait la beauté du cinéma.

Invasion cannoise

Marc Labrèche, André Robitaille, Macha Grenon, Michel Rivard, Sylvie Léonard, Caroline Néron, Véronique Cloutier, Chantal Lacroix, Benoît Brière, Pauline Martin, Christian Bégin, Gaston Lepage, René-Richard Cyr, Marie-Michèle Desrosiers, Didier Lucien, Paule Baillargeon, Dany Gilmore, Rufus Wainwright, Pierre Curzi, Johanne-Marie Tremblay, Evelyne de la Chenelière, Gilles Pelletier, Isabelle Roy... Question : y a-t-il un seul acteur, chanteur ou animateur québécois qui ne sera pas à Cannes cette année pour y accompagner L'Âge des ténèbres de Denys Arcand ?

L'oeuf ou la poule ?

J'étais en vacances la semaine dernière à New York, où avaient lieu les Rendez-Vous du cinéma français d'Unifrance, en présence de plusieurs cinéastes de l'Hexagone.

Un menu alléchant pour le cinéphile qui ne trouve plus guère de films français à se mettre sous la dent au Québec. À qui la faute? À sa première semaine d'exploitation, malgré de très bonnes critiques, Je vais bien ne t'en fais pas , un film captivant (quoique invraisemblable) de Philippe Lioret, n'a pas attiré les foules. Nous étions à peine une vingtaine à assister à une séance à prix réduit, mercredi, au Quartier latin.

À sa sortie en salle, j'ai vu l'excellent Le temps qui reste, de François Ozon, dans un cinéma quasi vide (nous étions quatre). Autre question : est-ce parce qu'on ne lui propose plus assez de films français que le cinéphile québécois ne va plus à leur rencontre ou est-ce qu'il ne va plus les voir parce qu'il y en a de moins en moins sur nos écrans ?

Le Lynch nouveau

Profitant de mon séjour dans la Grosse Pomme, je suis allé voir le nouveau David Lynch, Inland Empire , qui n'a pas encore de distributeur au Québec (et pourrait ne jamais en trouver). Ce délire cauchemardesque de plus de trois heures fait passer Mulholland Drive pour de la peinture à numéros conventionnelle. Pensez Twin Peaks à la puissance 10. Pour lynchiens avertis.

La voix du Village

Lu la semaine dernière dans la chronique de Michael Musto, du Village Voice, à propos du tour de chant de Céline Dion aux Oscars : «Ils ont enfin mis des mots sur une musique d'Ennio Morricone... et on n'en comprenait pas un seul !»