J'ai failli m'endormir, mardi, à la conférence de presse du Festival des films du monde. Les sièges feutrés de l'Impérial, l'éclairage tamisé, la litanie monocorde de Serge Losique m'ont projeté dans un état voisin du Nebraska (merci à Nathalie Petrowski pour l'emprunt). Les bras de Murphy me tendaient le flambeau, mais j'ai résisté à leur loi avec l'énergie du désespoir (merci à Jean Dion pour l'inspiration).

Malgré l'ambiance poussiéreuse et vieux jeu, malgré l'ennui distillé à pleines phrases, j'ai tenu le coup. Pourquoi? Parce que contre toute attente - une fois n'est pas coutume -, j'ai eu l'impression que notre cher FFM ne s'en allait pas tout droit vers la catastrophe cette année. Défiant la loi de Murphy, Serge Losique semble reprendre du poil de la tête (merci à Sol). Il n'a plus l'air de broyer du noir. À preuve, sa casquette d'un joli ton de taupe lui allait à merveille cette semaine.

Le 31e FFM, qui aura lieu du 23 août au 3 septembre, offre aux cinéphiles quelques noms connus à se mettre sous la dent, contrairement aux années précédentes. On nous promet la venue du grand Jon Voight, de Sophie Marceau, de Cécile de France, de Marina Hands (la Lady Chatterley, révélée chez nous dans Les invasions barbares), de Christophe Lambert, d'Alain Chabat et de Claude Miller (pour Un secret, le film de clôture). De quoi nous changer de la seule présence de Maggie Cheung, à l'ouverture du festival il y a deux ans, résultant d'un incroyable quiproquo (elle croyait avoir été invitée par le festival rival).

Dans le meilleur des scénarios, le FFM pourrait potentiellement accueillir dans la «capitale des festivals» (merci Alain Simard) quelques «stars internationales» inscrites à sa compétition: Laurent Lucas (à l'affiche de Toi de François Delisle, avec Anne-Marie Cadieux et Marc Béland), Sarah Jessica Parker et Miranda Richardson (vedettes de Spinning Into Butter de Mark Brokaw), Terrence Stamp (qui donne la réplique à Jon Voight dans September Dawn de Christopher Cain), Mathieu Amalric, Patrick Bruel, Julie Depardieu et Ludivine Sagnier (tous de la distribution du Claude Miller), Willem Defoe, Bob Hoskins, Asia Argento et Lou Doillon (Go Go Tales d'Abel Ferrara), ou encore Natasha Régnier et Zinedine Soualem (1 journée de Jacob Berger).

Évidemment, on ne gagera pas un p'tit deux là-dessus. Le Festival n'a confirmé qu'une poignée d'invités et a la fâcheuse habitude, depuis des années, d'annoncer la venue de stars qui, le moment venu, ne viennent pas, soit parce qu'elles ont raté leur avion, ont eu un soudain malaise en pensant au FFM ou sont retenues sur un tournage d'une extrême importance en zone de guerre.

Tout de même, j'ai parcouru la programmation hors compétition, mardi, en griffonnant quelques notes, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un moment. Ici un Paul Leduc. Là un Jean Becker. Les frères Taviani. Roman de gare de Claude Lelouch, qui serait moins pénible que ses derniers opus. Quelques représentants du troisième âge qui ont marqué le septième art. Marianne Faithfull dans un film allemand, Antonio Banderas derrière la caméra, le plus récent Pavel Lounguine, le dernier film de Jean-Claude Brialy et Jean-Pierre Cassel. Intéressant.

La pièce la plus attendue du festival, Lady Chatterley de Pascale Ferran, César du meilleur film cette année, m'a cependant fait l'effet d'une conférence de presse du FFM. Un beau film, élégant et suggestif, sous la forme d'un éloge de la lenteur qui m'a semblé, à force, tourner à vide. Si vous êtes du genre à regretter les «longueurs» au cinéma, vous aurez été averti. Ne lésinez pas sur le café.

Serge Losique a réussi à mettre la main sur quelques morceaux québécois, le prochain Émile Gaudreault entre autres. Mais la rumeur favorable qui entoure Bluff, un film québécois réalisé avec des bouts de ficelles par l'ex Chick'n'Swell Simon-Olivier Fecteau et Marc-André Lavoie, a beau piquer notre curiosité, il reste que les films québécois les plus attendus de la saison -L'âge des ténèbres de Denys Arcand, Soie de François Girard, Contre toute espérance de Bernard Émond - sont absents du rendez-vous. Ils ont préféré Toronto et Locarno à Montréal, et personne connaissant quoi que ce soit aux festivals de films ne saura les en blâmer.

«On mise sur la relève», se défend la vice-présidente du festival, Danièle Cauchard. «Tout grand festival doit encourager la relève», renchérit Serge Losique. Au point où en est le FFM, malgré «une atmosphère plus détendue», résultat d'une trêve avec les organismes subventionnaires (Téléfilm Canada et Sodec), ce n'est sans doute pas une mauvaise idée.

Mais sans les gros morceaux de Cannes, cette programmation du 31e FFM, si elle marque un pas en avant (ou en arrière, dépendant d'où on se place par rapport au précipice), soulève relativement peu d'enthousiasme chez le cinéphile averti, qui devra une fois de plus parcourir les salles obscures à tâtons à la recherche de la perle rare.

«Même Berlin et Cannes récompensent de plus en plus des cinéastes inconnus», soutient Serge Losique. «La cinématographie mondiale se porte mieux que l'année dernière. Le choix a été beaucoup plus intéressant pour la compétition», dit-il. Espérons qu'il dit vrai. Sinon, on risque bientôt d'en voir plus d'un s'endormir dans l'Impérial.