C'est déjà l'heure des bilans. Et c'est un peu par esprit de contradiction que je dresse cette semaine celui, très personnel, de l'année du cinéma québécois.

On a dit et redit ces derniers temps que le cinéma québécois avait perdu la cote, qu'il stagnait, qu'il rejoignait plus ou moins son public. Cela se vérifie en chiffres, dit-on. Alors qu'il y a à peine deux ans, notre cinéma national claironnait des parts de marché frisant les 20% (du jamais vu), il a connu en 2006 une première baisse de fréquentation depuis six ans (12% du box-office), et on annonce un rendement encore légèrement inférieur cette année.

Je laisse aux spécialistes du rendement l'analyse des statistiques. Pour dire ceci: sans être une année d'exception, 2007 fut un bon cru de cinéma québécois. Une année qui a fait la démonstration d'un réel équilibre dans notre cinématographie.

Le cinéma québécois nous a en quelque sorte offert cette année le spectre global de ses possibilités. Une variété de tendances, de visions et de genres. Une palette riche et éclatée, allant du pur divertissement (Ma tante Aline de Gabriel Pelletier) au cinéma d'auteur plus pointu (Dans les villes de Catherine Martin), du road-movie intimiste (La brunante de Fernand Dansereau) à la comédie dramatique (Surviving My Mother d'Émile Gaudreault), en passant par le film pour ados conventionnel (À vos marques... Party! de Frédérik D'Amour) et le film de genre pour public averti (Nos vies privées de Denis Côté).

Ce fut une année de brillantes découvertes. La mise en scène tout en finesse d'Anaïs Barbeau-Lavalette du Ring, film social aux accents de vérité, a révélé un grand petit acteur: Maxime Desjardins-Tremblay. Celle de Continental, un film sans fusil, intelligente et soignée, nous a fait connaître Stéphane Lafleur, un jeune auteur d'exception (ce film sans fusil est mon coup de coeur québécois de l'année, porté par la performance d'actrice de Fanny Mallette).

Des cinéastes plus établis ont approfondi leur démarche artistique en 2007. Bernard Émond avec l'émouvant Contre toute espérance (magnifique Guylaine Tremblay dans le rôle d'une femme courageuse, dépossédée de sa dignité); François Delisle avec Toi, un drame psychologique troublant et inspiré, sur le thème de la passion; Carole Laure avec l'onirique La capture (qui ne m'a malheureusement pas captivé).

L'année cinéma fut aussi celle de l'inventivité et de la débrouillardise. Avec trois bouts de ficelle, Marc-André Lavoie et Simon Olivier Fecteau ont réussi le tour de force qu'est Bluff, comédie décalée fort sympathique. Avec un grand souci du détail, Marc Bisaillon nous a proposé un premier long métrage imparfait mais efficace, La lâcheté, suspense psychologique campé dans le Québec du début des années 60. Noël Mitrani a réalisé Sur la trace d'Igor Rizzi de manière presque artisanale, imposant une authentique vision de cinéaste malgré un scénario inachevé.

Le cinéma commercial a rejoint sa clientèle, grâce à Nitro d'Alain Desrochers, un film d'action léché à la Fast and the Furious, avec l'acteur du moment, Guillaume Lemay-Thivierge, allant de rebondissement improbable en rebondissement improbable jusqu'à une fin involontairement tragi-comique. Grâce aussi à Ma fille, mon ange d'Alexis Durand-Brault, un drame de moeurs haletant dont le coup de théâtre final, dans la plus pure tradition hollywoodienne, a déçu. Grâce surtout aux 3 p'tits cochons de Patrick Huard, un premier film plutôt bien réalisé, qui s'est maintenu au box-office contre vents et marées, malgré un scénario très peu subtil et un dénouement assez prévisible.

Le documentaire québécois a conservé une place de choix au grand écran cette année, avec la sortie en salle de plusieurs films dignes d'intérêt, traitant de sujets aussi variés que le sort des Amérindiens (Le peuple invisible de Richard Desjardins et Robert Monderie), la diversité culturelle (Un coin du ciel de Karina Goma), le suicide (Le voyage d'une vie de Maryse Chartrand), la gastronomie (Durs à cuire de Guillaume Sylvestre), la vie montréalaise (Chez Schwartz de Gary Beitel), la maladie mentale (Le diable au corps de Johanne Prégent), le Grand Nord québécois (Des nouvelles du nord de Benoît Pilon) et l'Antarctique (Le dernier continent de Jean Lemire).

Il n'y a pas eu que des bons coups, loin s'en faut. Paul Arcand n'a rallié ni le public ni la critique avec Québec sur ordonnance, un documentaire particulièrement mal réalisé sur la surmédication des Québécois (le pétard mouillé de l'année). Le nouveau long métrage tant attendu de François Girard, Soie, adapté du roman d'Alessandro Baricco, de facture froide et convenue, a laissé plus d'un cinéphile de glace (j'en suis). Et L'âge des ténèbres, la comédie dramatique confuse, décousue, et par moments burlesque de Denys Arcand sur la société québécoise, en a décontenancé plus d'un parmi ses admirateurs (j'en suis toujours).

Au final, pour en revenir aux statistiques, on pourra dire que le cinéma québécois a somme toute maintenu une bonne moyenne en 2007. Et que faute de recettes, il a trouvé un équilibre. C'est autrement plus précieux.