Je suis allé voir The Love Guru cette semaine. Deux fois. Habituellement, j'apprécie ce que fait Mike Myers (ses sketchs à la télé dans Saturday Night Live ont été marquants), mais mon affection pour l'humoriste n'a rien à voir avec le fait que je me sois tapé sa dernière offrande deux fois en quatre heures. Pour être bien franc, cette comédie ne vaut même pas vraiment son pesant de roupies.

Non, la raison pour laquelle je me suis farci en boucle ce plat plus ou moins indigeste réside dans le fait que je voulais d'abord voir le film dans sa version originale, et ensuite le revoir (pour mieux l'entendre) dans sa version doublée au Québec. Je suis en effet toujours intrigué de voir comment les Américains abordent notre spécificité dans leurs histoires. Règle générale, le portrait qu'ils dessinent est à peu près aussi crédible que le serait Jean-Claude Van Damme dans le rôle du pape.

Comme vous le savez peut-être, Justin Timberlake incarne dans The Love Guru le gardien de but vedette des Kings de Los Angeles, Jacques «Le Coq» Grande (prononcez Grandé dans la V.O.; Lagrande ou Grandé dans la V.Q.). Surnommé ainsi pour une raison qui n'a rien à voir avec un poulailler (quoique...), Grande est d'origine québécoise et pourrait faire sienne la célèbre tirade d'Elvis Gratton, ce «Français, Canadien français, Américain du Nord français, Franco-Québécois canadien, Québécois d'expression française française, Canadien américain français, Franco-Canadien du Québec.»

Amateur de pizza québécoise (une Pop-Tart avec de la sauce tomate?) et de Céline Dion («la plus grande chanteuse canadienne»), Le Coq emprunte un accent plus ou moins cassé dans la V.O., et ponctue ses répliques d'un «taberwnack» bien senti à trois reprises. Grâce au comédien-doubleur Nicolas Charbonneau, Timberlake s'exprime dans la V.Q. avec un véritable accent québécois. Et parvient enfin à sacrer comme du monde.

À cet égard, j'imagine que le doublage a dû cette fois prendre la forme d'un énorme casse-tête. Le gourou de l'amour est truffé de jeux de mots qui, dépouillés de leur langue d'origine, sont difficilement traduisibles. De même, Myers, qui incarne un gourou spécialisé dans la «croissance personnelle», ne cesse de montrer à l'écran ses ouvrages et ses tableaux, écrits évidemment en anglais, auxquels il faut alors aussi donner un sens en français.

Cela dit, je n'en reviens jamais de constater à quel point l'approche des Hollywoodiens est désinvolte dès qu'il s'agit de faire écho à une autre réalité culturelle que la leur. Remarquez qu'ils ne sont pas les seuls. La vision que la France a parfois du Québec dans ses fictions est tout aussi surréaliste

Mais quand même, vous rappelez-vous Rosanna Arquette dans The Whole Nine Yards? L'actrice y incarnait une Québécoise dont le charabia était proprement incompréhensible. Dans Taking Lives, non seulement les agents québécois étaient campés par des acteurs français, mais des symboles de la ville de Québec se retrouvaient à Montréal! «Les Américains ne font aucune différence», avait alors déclaré Olivier Martinez à ma collègue Isabelle Massé. Vrai que pour l'ensemble de la planète, ce genre de détail n'a strictement aucune importance.

Cela dit, on comprend quand même mal pourquoi des artisans qui font habituellement preuve de méticulosité dans les moindres aspects de leurs productions jettent leurs beaux principes par-dessus bord pour arrondir les angles. Pour The Love Guru, dans lequel Myers exploite à fond sa sensibilité canadienne, l'embauche d'un simple consultant d'origine québécoise aurait facilement pu régler le problème. Non seulement Le Coq aurait-il pu prononcer le mot «tabarnak» de la bonne façon, mais il aurait en plus pu faire écho à de véritables traits bien distincts. À commencer par le fait qu'un vrai fan québécois de Céline Dion ne se limite pas qu'au répertoire anglais de la diva de Charlemagne...

Que feront maintenant les adaptateurs chargés du doublage en France? À qui feront-ils appel pour doubler Timberlake là-bas et faire honneur aux origines du personnage? Yves Jacques ou Marc-André Grondin? Ni l'un ni l'autre. C'est un dénommé Donald Regnault qui a hérité de cette lourde tâche. Souhaitons que ce monsieur ait au moins quelques notions de patinage...

À chacun son culte

Petit débat sur le blogue à propos de la notion de film culte. Dans les discussions, lancées dans la foulée d'un questionnement sur la nature «cultissime» de Cruising Bar, il ressort clairement une chose: la définition du «film culte» a beaucoup évolué depuis l'apparition d'un concept qui, dans les années 70, a vraiment connu un essor. Dans mon esprit, un film «culte» implique une notion de dévotion confidentielle, de plaisir partagé entre initiés, de marginalité. The Rocky Horror Picture Show et Star Wars même combat? Peut-être. Dans ce cas, aussi bien dire que tous les classiques sont «cultes».