Vous apprendrais-je quelque chose si je vous disais que la plupart des journalistes américains qui couvrent la scène artistique sont obsédés par la vie personnelle des vedettes? Sûrement pas. Dans les rencontres de presse, il arrive souvent que de précieuses minutes soient gaspillées par des questions qui concernent le statut matrimonial des interviewés.

Un(e) célibataire dont les fréquentations avec un(e) amoureux(se) sont connues se fera inévitablement demander si une date de mariage est fixée. Un artiste vivant en union de fait avec quelqu'un devra justifier devant le tribunal médiatique sa réticence à convoler en justes noces. On demandera à une actrice enceinte si la maternité risque de changer son approche du métier. Un nouveau père sera invité à analyser ses choix en fonction de ses nouvelles responsabilités.

Avant d'accoucher de sa fille à demi québécoise, Halle Berry a reconnu que dorénavant, ses choix professionnels ne seraient probablement plus tout à fait les mêmes. «Cela dit, s'était-elle empressée d'ajouter, je ne regretterai jamais les films que j'ai faits parce que mon enfant risque de les voir un jour. Ni la crudité de Monster's Ball, pas plus que la nudité complètement gratuite de Swordfish

Parfois (rarement, à vrai dire), les épanchements intimes auxquels les vedettes doivent obligatoirement se prêter peuvent amener une réflexion intéressante, notamment sur la place qu'occupe l'affectif dans une démarche de création.

Qu'un acteur choisisse certains projets en fonction de son rapport avec ses rejetons est tout à fait légitime. Chris O'Donnell, père de cinq enfants, était particulièrement fier de devenir un héros auprès de ses filles quand il a accepté de jouer dans Kit Kittredge: An American Girl (à l'affiche dès aujourd'hui en anglais seulement).

«J'ai fait ce film pour elles, disait-il lors d'une récente rencontre à Los Angeles. Ayant joué dans Batman, j'avais déjà fait plaisir à mes gars. Là, j'étais heureux de pouvoir enfin participer à un film que mes filles pourraient apprécier. On en a plus rarement l'occasion!»

Pour un cinéaste qui décide de consacrer des mois de sa vie, voire des années, à un projet, ce rapport est encore plus intense. Tout comme Léa Pool (Le papillon bleu), Cédric Kahn (L'avion), et plusieurs autres avant elle, la réalisatrice canadienne Patricia Rozema a réalisé un film - Kit Kittredge: An American Girl - expressément pour sa fille. Au cours d'un entretien qu'elle m'a accordé la semaine dernière, je lui ai demandé si ce choix de réalisation ne risquait pas de déstabiliser un peu les admirateurs de ses précédents films.

«Oh vraiment, je ne crois pas avoir de fidèles admirateurs! m'a-t-elle répondu. Mes films sont trop différents les uns des autres pour attirer une fidélisation quelconque. Et je revendique cet éclectisme. Cela dit, je comprends bien le sens de votre question. Même si ce projet m'a été proposé, j'estime que Kit Kittredge est un film aussi personnel, peut-être même plus, que les autres. J'ai d'ailleurs réécrit moi-même la dernière version du scénario.»

Loin de moi l'idée de remettre en doute la sincérité de cette démarche, ni sa noblesse. N'empêche. Je tique toujours un peu quand un cinéaste qui nous a habitués à des univers forts et singuliers (I've Heard the Mermaids Singing, White Room, When Night is Falling en l'occurrence) se retrouve à la barre d'une production - peu importe le genre - qui aurait tout aussi bien pu être menée à terme par un bon tâcheron.

Qu'on me comprenne bien: Kit Kittredge (tout comme Le papillon bleu du reste) est un film charmant, réalisé avec soin, qui séduira à coup sûr le public auquel il s'adresse principalement (les fillettes dans ce cas-ci).

Cela étant dit, permettez-moi quand même de trouver un peu dommage qu'une artiste de la trempe de Rozema s'efface derrière une production de facture plus classique, plus prévisible. D'autant plus que cette dernière n'avait rien tourné depuis Mansfield Park, il y a neuf ans. Vraiment, j'ai très hâte au prochain film.

Pas de Truffe aujourd'hui

Même si le délirant nouveau film de Kim Nguyen a été présenté hier soir lors de la soirée d'ouverture de Fantasia, je n'ai pas encore le droit d'écrire le moindre élément critique. La sortie en salle de Truffe étant prévue le 22 août, le distributeur a demandé aux médias de respecter un embargo jusqu'à la sortie. Comme je suis un bon garçon, poli et propre de sa personne, je prends mon trou. J'aimerais toutefois rappeler à qui veut l'entendre que dans n'importe quel pays normal, un film s'expose à la critique dès sa première projection publique, y compris dans les festivals. C'est où l'Absurdistan déjà?