Le gouvernement conservateur a décidé du jour au lendemain de retirer ses billes des centres de formation audiovisuelle du pays. Fini l'investissement dans la formation et le perfectionnement des réalisateurs, monteurs, scénaristes, caméramans, preneurs de son et autres techniciens de la télévision et du cinéma. Qu'ils s'arrangent, ces enfants gâtés du système. 

Deux mois plus tard, toujours pas d'explication ni de réponse du ministère du Patrimoine. À peine un accusé de réception. Les dirigeants de l'INIS, sans nouvelles, s'accrochent à deux phrases de la ministre Josée Verner: «On ne laisse pas tomber l'INIS. Il y a moyen d'obtenir du financement par d'autres programmes existants.» 

Deux phrases qui ne leur ont pas été adressées directement. Elles sont tirées d'une entrevue que m'a accordée Josée Verner le 14 août. Michel G. Desjardins, le directeur général de l'INIS, aimerait bien savoir de quelle façon le gouvernement Harper ne «laisse pas tomber l'INIS» et quels sont ces fameux «programmes existants» qui pourraient lui permettre d'obtenir un financement compensatoire du fédéral. 

D'autant plus qu'en février dernier, après un examen approfondi du Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo (PNSFV) - dont bénéficiait l'INIS à hauteur d'environ 900 000$ -, un rapport du ministère du Patrimoine est arrivé à la conclusion que le PNSFV ne faisait double emploi avec aucun autre programme existant. 

«On aimerait entendre la ministre à ce sujet, afin de savoir sur quelles bases cette décision a été prise, dit Michel G. Desjardins. L'INIS existe depuis 13 ans. Nous sommes probablement l'un des plus vieux PPP (NDLR: partenariat public-privé) du Québec. Nous avons toujours fait la preuve de notre performance. À Québec, nous avons une excellente écoute. Mais Québec ne pourra pas compenser le million par année qu'Ottawa nous enlève.» 

Aujourd'hui, l'INIS se retrouve en mode survie, tentant d'obtenir d'autres sources de financement. Plusieurs activités de l'Institut sont compromises et Michel G. Desjardins craint l'effet domino des compressions budgétaires. 

«Le million de dollars que je vais chercher au privé découlait du million que j'obtenais du fédéral, dit-il. C'était un déclencheur. La capacité de payer de l'industrie est limitée. Je ne risque pas de perdre un, mais 2 millions sur un budget de 4 millions. Le message que semble envoyer le gouvernement Harper, c'est que la formation dans ce secteur névralgique n'est pas importante. Ce n'est pas une priorité, pas une préoccupation.» 
C'est aussi ce qui me semble. 

Dans le ring
L'une des plus illustres finissantes de l'INIS, la cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette (Le ring), propose depuis cette semaine sur le web une vaste campagne, menée bénévolement et à bout de bras, contre la réélection du gouvernement Harper. 

Le projet Unissons nos voix (www.unissonsnosvoix.ca), réalisé en collaboration avec Émile Proulx-Cloutier et Mélanie Charbonneau, est une initiative à laquelle ont participé des citoyens de différents horizons - en particulier des artistes - ayant ceci en commun: ils craignent comme une pandémie de listériose la réélection de Stephen Harper le 14 octobre. 

Dans une parmi les quelque 60 capsules, la comédienne Suzanne Clément (Sophie Paquin) déclare: «Je pense que M. Harper n'entend pas notre voix.» C'est ce qu'il me semble aussi. L'auteur et comédien François Létourneau (Les Invincibles), de son côté, raconte comment, tout jeune, il admirait une voisine de sa rue, à Sainte-Foy. Son nom: Josée Verner. «Je l'admire un peu moins maintenant, parce qu'elle fait partie d'un gouvernement qui surfe sur un certain mépris de la culture.» Ça aussi, c'est ce qu'il me semble. 

La mort d'un sex-symbol
J'ai interviewé Paul Newman il y a huit ans, à New York. L'air désinvolte, la moue boudeuse, les yeux bleu acier n'ayant rien perdu de leur éclat. Son visage buriné par le temps lui donnait encore davantage la stature d'une légende. 

Peu loquace, il mesurait chaque parole avec force ironie: «Si on m'avait dit il y a 30 ans que mon visage serait un jour collé sur des bouteilles de vinaigrette, j'aurais ri comme un fou. Mais peut-être pas autant que si on m'avait annoncé que les ventes de mes sauces surpasseraient les recettes de mes films!» avait déclaré ce philanthrope, le sourire en coin. 

Dans Where The Money Is, un film éminemment oubliable de Marek Kanievska (Less Than Zero), Newman tenait le rôle d'un arnaqueur dans la veine de ceux qui l'avaient rendu célèbre dans The Sting, The Hustler et autres The Color of Money (qui lui a aussi valu l'Oscar du meilleur acteur). 

Le film avait été tourné à Montréal. Paul Newman disait garder un excellent souvenir de cette «ville formidable», où il avait séjourné trois mois. «Pendant le tournage, on a fait quelques essais routiers à Saint-Jovite. Il y a une merveilleuse piste là-bas. On a eu beaucoup de plaisir», m'avait confié le célèbre coureur automobile. 

Newman savait très bien que Where the Money Is ne lui vaudrait pas une sélection aux Oscars (comme Cat on a Hot Tin Roof, The Verdict ou Nobody's Fool) et qu'il ne s'agissait pas d'un rôle marquant comme celui de Reggie Dunlop, le joueur-entraîneur du film-culte Slap Shot. 

Sex-symbol récalcitrant, même à 75 ans, il refusait de parler de son pouvoir de séduction. Il espérait surtout trouver un rôle à sa mesure, avant de se retirer pour de bon. «J'aimerais trouver un film qui a des aspirations sérieuses, qui permet une exploration intéressante d'un personnage. Le temps est venu de tirer ma révérence. Mais un chant du cygne devrait avoir une jolie mélodie, non?» 

Paul Newman a trouvé une dernière partition digne de son talent, deux ans plus tard, dans Road to Perdition de Sam Mendes. Le dernier tour de piste d'un sex-symbol éternel. 

Photo archives reuters
Paul Newman dans Butch Cassidy and The Sundance Kid.