Ce n'est pas un canular. Les organisateurs de la Soirée des Oscars ont bel et bien annoncé mercredi que le nombre de finalistes à l'Oscar du meilleur film allait passer, dès le 2 février prochain, de 5 à 10.

Pourquoi pas 20 tant qu'à y être? Year One pourrait enfin être reconnu à sa juste valeur, les trekkies auraient leur nanane et The Dark Knight serait, a posteriori, vengé.

Retour sur image. En janvier dernier, quantité de geeks étaient prêts à brûler leurs t-shirts noirs à l'effigie du Joker en apprenant que le Batman de Christopher Nolan n'avait pas été retenu parmi les cinq meilleurs films des Academy Awards. Un affront, un camouflet, que dis-je, une injustice commandant réparation.

Certains ont prétendu que le champion du box-office, plutôt bien accueilli par la critique, avait été victime de son succès. Écarté parce que trop populaire, le film-événement de Chris Nolan? Je dirais plutôt parce que son scénario frôlait le ridicule, mais c'est une autre histoire...
Toujours est-il que, constatant que les cotes d'écoute de la soirée des Oscars étaient au plus bas ces dernières années (pire audimat de l'histoire en 2008), les bonzes d'Hollywood ont décidé qu'il fallait redresser la barre, céder à la pression populaire et ouvrir la compétition au double de candidats.

Entre ça et bazarder le plus prestigieux des Oscars au rabais, je ne vois pas trop la différence. Non mais, «what's next?» comme on dit à Beverly Hills. Un Oscar du meilleur film décerné par la clientèle des rôtisseries St-Hubert?

Les organisateurs du plus célèbre gala de la planète aimeraient nous faire croire que ce changement au règlement de l'Académie profitera surtout aux documentaires, aux films d'animation et aux films étrangers. C'est nous prendre pour des valises de la firme Épais et Épais.

Les motifs de la décision de l'Académie sont évidents et confirment ce que l'on sait depuis longtemps: pour attirer les gens devant leur téléviseur, soirée des Oscars ou pas, il faut des vedettes et des oeuvres consensuelles. De belles baudruches lisses et conformistes comme Titanic (cotes d'écoute records pour un gala des Oscars, en 1998).

«Dans les discussions, nous avons parlé de ce qui s'est passé cette année, et ce serait mentir que de dire que les mots The Dark Knight n'ont pas été prononcés», a admis Sid Ganis, président de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, avant d'ajouter que le diffuseur ABC était «très, très content» de cette décision. Tu m'étonnes.

Le producteur de Deuce Bigalow: Male Gigolo et de Big Daddy, membre du conseil d'administration de Marvel (éditeur de bédés de superhéros), rappelle involontairement que ce qui importe le plus, pour l'organisme qu'il dirige, ce n'est pas la qualité des oeuvres primées, mais le nombre de gens qui ont vu la robe que portait Angelina Jolie. On excusera le cinéphile de s'en désoler un peu.

En 2008, la catégorie du meilleur film aux Oscars nous avait réservé un duel entre deux grands films: No Country for Old Men des frères Coen et There Will Be Blood de Paul Thomas Andersen. Résultat: des cotes d'écoute désastreuses. Cette année, grâce aux efforts ciblés des organisateurs, qui ont évoqué par des numéros de variété quantité de candidats populaires boudés par les académiciens, les cotes d'écoute ont grimpé de 13%.

Pas assez, semble-t-il, pour se rapprocher «du bon peuple». Hollywood revient donc à une pratique abandonnée il y a une éternité. Entre 1931 et 1943, la Soirée des Oscars a accueilli de 8 à 12 (mais le plus souvent 10) candidats à l'Oscar du meilleur film.

En 2009, on estime qu'environ 300 longs métrages étaient admissibles à l'Oscar du meilleur film. C'est dire que l'an prochain, un film sur 30 aura la chance d'être finaliste au prix le plus convoité du cinéma américain. Malheureusement, à mon humble avis de critique de cinéma (qui voit tout de même plus de 200 films par année), il n'y a pas 10 films anglo-saxons qui méritent de concourir pour l'Oscar du meilleur film de l'année.

La valeur du produit Oscar (marque déposée) s'en trouvera forcément diluée. D'autant plus qu'il n'y a aucun changement prévu dans les autres catégories des Academy Awards. Cinq finalistes à la meilleure réalisation, cinq au meilleur scénario, mais dix pour le meilleur film. Belle logique. Dans ce contexte, une sélection dans la catégorie reine du gala prendra forcément des airs de prix de consolation pour certaines superproductions (et leurs fervents partisans).

Rien pour redorer le blason des Oscars, contrairement à ce que disent la majorité des observateurs américains. Déjà que certains nouveaux prix (l'Oscar du meilleur film d'animation, pour ne pas le nommer) souffrent d'un manque de crédibilité en raison du faible nombre de candidats admissibles.

Si l'Académie cherchait à tout prix à rendre sa soirée télé plus attrayante, elle aurait pu remettre hors d'ondes des prix techniques qui n'intéressent pas le grand public. Plutôt que de réduire d'un coup, par opportunisme populiste, la valeur du plus doré des Oscars.

Une bonne nouvelle

Il était temps. Les cinéphiles qui en étaient réduits à s'informer sur le cinéma québécois à l'aide du site www.imdb.com (par ailleurs une source d'information plutôt crédible sur le cinéma mondial) auront désormais accès à une banque de données toute québécoise sur le septième art.

La Cinémathèque québécoise, en collaboration avec la Régie du cinéma, la SODEC et l'Observatoire de la culture et des communications vient de mettre en ligne le Répertoire audiovisuel du Québec, qui rassemble des informations colligées depuis 40 ans sur la télévision et le cinéma québécois. On y trouve plus de 23 000 titres qui datent de 1906 à nos jours: Informations techniques, images, affiches. Une vraie mine d'or. On regrettera l'absence d'hyperliens (à venir, on l'espère), tout en saluant cette bien bonne nouvelle.